Archive dans 15 novembre 2022

Les gilets jaunes et le RIC

Que reste-t-il d’un mouvement né en 2018? Quels sont les apports des gilets jaunes à l’idée de démocratie directe?
Vivre en France coûte un bras, t'en plaindre coûte un oeil

Nous sommes en 2018. Elu un an plus tôt, Emmanuel Macron, ancien banquier chez Rotschild, libéralise la France à marche forcée: maintien des allégements CICE pour les entreprises au détriment des salariés, augmentation de la CSG qui pénalise les petites retraites, transformation de l’impôt sur la Fortune, aggravation de la taxe sur les carburants. Toutes ces mesures le désignent aux yeux de la France périphérique comme le “président des riches”. S’ensuit une fulgurante  contagion de ras-le-bol. En mai 2018, une pétition “pour une baisse des prix à la pompe” recueille 200 000 signatures ; en octobre, un groupe Facebook “La France en colère” attire des milliers de membres ; une vidéo “coup de gueule” puis celle d’un internaute appelant à adopter le gilet jaune sont vues des millions de fois. En fin d’année, 1 500 groupes Facebook regroupent 4 millions de membres.

La grogne culmine le 17 novembre 2018. Cette première journée de blocage à travers tout le pays marque la naissance des gilets jaunes et le 1er acte d’une lutte qui en comptera 52. Pour ces mécontents issus des entrailles populaires de la nation, la voiture est l’unique moyen de se rendre au travail. Ils n’entendent pas rembourser les cadeaux faits aux riches, fut-ce au nom de l’écologie. Se soucient-ils, eux, de réformer leur mode de vie générant 40 fois plus de CO2?

Face au désespoir, parfois violent, de ce mouvement spontané, l’Etat abat la lourde hache de la répression policière. Le triste bilan des mutilés majoritairement pacifiques (3000 blessés, 65 éborgnés, 6 mains arrachées) ; la confiscation des moyens de protections dans les cortèges ; la pratique pourtant illégale du “nassage” ; font naître la peur, érodent progressivement l’enthousiasme militant. En 2019, le bilan judiciaire explicite ce rapport de force inégal: la prison ferme pour 1000 gilets jaunes, aucune condamnation côté forces de l’ordre.

De ce mouvement hétéroclite, traversé de multiples tendances à l’image de la société française, vont émerger 59 propositions (“Le vrai débat” mars 2019), dont plusieurs mettent en avant la démocratie directe : Référendum d’initiative Populaire (#2), dispositifs garantissant des élus irréprochables et exempts de privilèges (#1 #3 #9 #13 #38 #40). En parallèle, et dès janvier 2019, “l’assemblée des assemblées”, dispositif national de délibération et de proposition fédère des délégués venus de tous les ronds-points de France.

On peut bien sûr regretter l’obsession du “RIC”, outil de consultation sporadique. D’inspiration suisse, ce dispositif reste au milieu du gué démocratique. Il lui manque la richesse des délibérations en face à face.  Néanmoins, à l’instar du mouvement Nuit debout en 2016, les gilets jaunes placent un germe fécond dans l’imaginaire collectif.  Le prochain printemps verra-t-il la graine de démocratie directe se transformer en arbre de la liberté?

Pour aller plus loin, consulter le livre graphique “Res Publica” de Chauvel et Kerfriden