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"Si le peuple est souverain, il doit exercer lui-même le plus qu’il peut de souveraineté." - Gracchus Babeuf (1790)

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En finir avec les manifestations en démocratie directe

Si l’Etat détient le monopole de la violence légitime (Max Weber), le maintien de l’ordre est-il toujours compatible avec la liberté d’expression? Dans un contexte de démocratie directe, la manifestation est-elle encore nécessaire?

La manifestation, forme d’action protestataire menée collectivement, appartient de fait au monde politique contemporain. On dénombrerait environ 1000 manifestations à Paris chaque année, 8000 à 10000 pour la France[1]. Et pourtant, cette forme de contestation peine à s’ériger en contre-pouvoir, face à des élites presque toujours sourdes aux revendications populaire dans nos démocraties oligarchiques. Si le sentiment d’impuissance mine la participation populaire, faut-il également craindre un retour « en force » de la peur face à la répression?

Le raidissement des pratiques de maintien de l’ordre

On constate aujourd’hui un « raidissement français » des pratiques de maintien de l’ordre là où la désescalade est la norme chez nos voisins allemands, anglais ou scandinaves. Les manifestations d’opposition à la réforme des retraites en 2023, à l’implantation de la mégabassine de Sainte-Soline en passant par le soulèvement populaire des gilets jaunes ont récemment mis en lumière les excès de police, comme en témoignent de nombreux observateurs inquiets. « Le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit de réunion pacifique et d’association, Clément Voule, a mis en garde le gouvernement contre un « usage excessif de la force », tandis que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatovic, estimait que les libertés d’expression et de réunion s’exerçaient, en France, dans des conditions « préoccupantes ». Les instances hexagonales ne sont guère plus indulgentes : la Défenseure des droits, Claire Hédon, dénonce des situations « inacceptables », et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) des « dérives » dans le maintien de l’ordre. » [2]

La légitimité de la manifestation

Dans ce contexte de peur, certains théorisent l’illégitimité pure et simple de la manifestation comme moyen d’expression démocratique. Les outils de la représentation des opinions se limiteraient ainsi au vote et à la participation à des groupes constitués chargés de former, encadrer et structurer les opinions (partis, syndicats, groupes d’intérêts)[3]. En grossissant le trait, la manifestation réduite à un trouble à l’ordre public, ne serait qu’un exutoire des humeurs populaires.

Pourtant, force est de constater que la manifestation hâte parfois utilement la survenue de changements positifs. La marche du sel initiée par Gandhi en Inde dans les années 30, la marche pour les droits civiques aux Etats-Unis dans les années soixante ou même sur un mode plus violent la prise de la Bastille en 1789 en sont des exemples emblématiques. Ces contestations victorieuses inaugurent une nouvelle ère. Elles clôturent également des années (voire des siècles) de luttes. Victoire contre les tenants d’un ordre solidement établi ou reconnaissance d’une longue impossibilité déjouée, la manifestation porte ces deux visages.

Des citoyens souverains plutôt que des manifestants impuissants

Malgré des conditions d’exercice particulièrement difficiles, un surcroit d’activisme politique  pourrait-il suppléer les insuffisances de nos démocraties parlementaires? Les manifestations, grèves, boycotts, utilisés dans les combats sociaux, économiques ou écologiques peuvent-ils suffire? Face au défi séculaire de l’accaparement des richesses ou à l’écueil écologiques récent, ces armes sont-elles suffisantes?

La fièvre populaire des manifestations est le symptôme d’un corps politique malade, celui d’une démocratie accaparée par trop peu d’individus. Plutôt que d’alterner exaspération contestataire et concessions tardives autant qu’incomplètes, pourquoi ne pas entretenir un corps sain, irrigué d’assemblées locales délibérantes? Ne pourrait-on se réunir pour construire plutôt que pour s’opposer? Se retrouver pour fabriquer la loi, la censurer parfois, révoquer des élus ne donnant pas satisfaction, n’est-ce pas la meilleure alternative aux manifestations?


[1] Stratégies de la rue. Les manifestations en France (1997)
[2] Le Monde le 14 avril 2023. Le maintien de l’ordre « à la française », un recours à la force assumé, à rebours d’autres pays européens par Anne Chemin
[3] Tel Giovanni Sartori cité par Olivier Fillieule dans Stratégies de la rue. Les manifestations en France (1997)

Les sondages délibératifs, panacée ou hochet démocratique

Popularisés par James Fishkin, un professeur en communication de l’université de Stanford dans les années 1990, les sondages délibératifs ont été utilisés depuis dans de nombreux pays. Cette forme de « démocratie délibérante » (Deliberative democracy) fait appel à un échantillon représentatif de citoyens pour émettre un avis sur des sujets aussi variés que la gestion des surplus de neige à Sapporo au Japon, décider de l’avenir de stade de foot après l’Euro 2012 en Pologne ou encore trouver des parades aux inondations en Ouganda. Menée plus de 70 fois dans 26 pays du monde depuis 1994[1], l’expérience faisant appel à des « mini-publics délibératifs », « jury de citoyens ordinaires », « conseils citoyens », suivant les appellations, semble avoir fait ses preuves.

Une opinion informée

Cette méthode aurait ainsi l’avantage de sortir les citoyens de leur « ignorance rationnelle », ignorance à mettre sur le compte de leur manque de poids dans la décision politique.

Avec les sondages délibératifs, les citoyens entrent en interaction avec des experts, échangent entre eux, en petits groupes et en plénière, afin de former un avis éclairé sur les problématiques qui leurs sont soumises. Cette méthode donnerait une idée de l’opinion quand les gens réfléchissent. Et en effet, 70% des participants modifieraient leur opinion à l’issue de ce processus délibératif, preuve de l’écart existant entre une vague idée et une opinion informée et scrupuleusement soupesée.

Le résultat de ces consultations, serait une version objectivée de « l’opinion publique » formée par des débats contradictoires pour devenir un « élément intéressant de la prise de décision politique. »[2] Fishkin argumente ainsi en faveur d’un déploiement de ces mini-publics à l’échelon national afin de remplacer « l’opinion publique hypothétique » par une « opinion publique certaine ». Il soutient dans le même ordre d’idée la mise en place d’une journée nationale de délibération pour ce faire.

Les sondages délibératifs en France : un leurre pour l’opinion publique?

En France, la convention citoyenne pour le climat (évoquée dans cet article) est un exemple significatif de l’utilisation des sondages délibératifs. Présentée par l’exécutif comme une convention dont le résultat donnerait lieu à une transposition effective dans le système législatif et administratif français, il importe de juger son travail à cette aune. Et pour cela, quoi de mieux que d’interroger les 150 membres de cette convention afin de connaître leur évaluation sur les suites données à leur travail. Le constat s’avère sans appel: La transposition des 149 mesures proposées en 2020 a été jugée, par les membres de la convention, très insuffisante à en juger par la note d’appréciation de 2,5 sur 10 décernée un an plus tard. Cette note rend compte du décalage abyssal entre les annonces et l’effectivité des mesures mise en œuvre par le gouvernement.

Penchons-nous un instant sur l’objectif annoncé de cette convention : atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990 dans un esprit de justice sociale, feuille de route dictée par le gouvernement (aujourd’hui connue sous le vocable SNBC: stratégie nationale bas carbone).

Soulignons d’abord que Bruxelles a acté un objectif de diminution de 55 % sur la même période, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Insistons ensuite sur la principale ambiguïté, entretenue à dessin: les gaz à effet de serre incriminés sont-ils ceux uniquement produits en France ou comprennent-ils les gaz importés représentant la part majeure de notre emprunte carbone (57% en 2017)? L’objectif soumis à la convention en 2020 en tient-il compte?

Dans les chiffres, le compte n’y est pas, même au regard des émissions franco-françaises : baisse des émissions domestiques de 2,5% en 2022 après une augmentation de 6,4% en 2021, là où il en faudrait 3,2% selon l’objectif français et 4,5% selon l’objectif européen[3].

Mais surtout, et pour conclure sur ce point, citons les travaux du Haut Conseil pour le Climat remettant définitivement les choses à leur place, même si les chiffres méritent d’être actualisés : « On constate que l’empreinte carbone des Français, qui tient compte des émissions associées aux biens et services importés et retranche celles associées aux exportations, ne diminue pas. Rapportée à l’habitant, en 2018, l’empreinte carbone des Français (11,2 t CO2eq/hab) est légèrement supérieure à celle de 1995 (10,5 t CO2eq/hab) et reste à peu près constante depuis 2000. La baisse des émissions sur le territoire est en effet contrebalancée par une hausse des émissions associées aux importations (multipliées par deux depuis 1995). »[4]

Les sondages délibératifs, nouvelle Athènes?

Fishkin avance que l’antique Athènes a préfiguré l’âge des sondages délibératifs. Il fait remonter cette pratique à la période suivant la fin de la démocratie directe sans frein entamée après la défaite dans la guerre face à la ligue Péloponnèse emmenée par Sparte (404 av. JC). A partir de 402 av. JC donc, 500 nomothètes sélectionnés de façon aléatoire à partir d’une liste de volontaires étaient chargés de débattre chaque décret pris par l’assemblée du peuple (Ekklesia) pour décider de leur mise en vigueur. Ce dispositif « quasi-parfait » serait de nature à tempérer les excès de la foule dont les votes, manipulés par les démagogues, ont entraîné guerres et désastres politiques[5].

Sondages délibératifs, une panacée démocratique?

Pour sa démonstration, James Fishkin ne tient pas compte de la différence majeure séparant mini-publics et nomothètes : la possession du levier législatif. La convention citoyenne pour le climat souligne l’importance de ce levier et l’écart significatif qu’il existe entre un avis consultatif et une décision contraignante, entre recommandation et législation. Les piles de rapports inutiles entassés sur les bureaux ministériels en témoignent.

A défaut d’effectivité des résultats, les sondages délibératifs peuvent-ils néanmoins servir à interroger « scientifiquement » une opinion publique « certaine » et non plus hypothétique?

Oui si l’on ignore les biais majeur de la méthode : Qui saisit de telles assemblées, qui sélectionne les informations fournies et les experts mis à disposition, qui décide de l’ordre du jour? L’illusoire neutralité du dispositif pose question quant au résultat de ces sondages délibératifs.

Ou hochet jeté au peuple

Il y donc loin du sondage délibératif au peuple souverain, décidant pour son compte. L’outil est intéressant et parait constituer une avancée démocratique au même titre que la démocratie participative suisse surpasse notre système parlementaire. Toutefois, cet outil peut s’avérer un leurre pour des citoyens considérés comme des enfants. A eux, le hochet des sondages délibératifs pendant que les gouvernants adultes retiennent le sceptre du pouvoir.


[1] James Fishkin, architecte de la démocratiepure. Article paru dans Libération le 22/02/2017

[2] Democracy, When the People Are Thinking par James Fishkin (2018)

[3] Comparaison des rythmes de réduction annuelle visés par la SNBC2 et le paquet Fit for 55 d’ici 2030 tiré du Rapport annuel du Haut Conseil pour le Climat paru en 2022.

[4] Stratégie nationale bas carbone: synthèse (Mars 2020)

[5] Democracy, when the people are thinking by James Fishkin (2018)

Capitalisme représentatif ou démocratie directe

Pour définir notre système politique, qui est en fait politico-économique comme chacun peut s’en rendre compte quotidiennement, Jean-Michel Toulouse a forgé l’expression: « Capitalisme représentatif » (Histoire et critique du système capitaliste-représentatif – 2017). Mais comment comprendre cette expression dense, semblant rendre fidèlement compte du fonctionnement de notre société ?

Qu’est-ce que le capitalisme?

« Le capitalisme n’est pas le marché. Ce n’est qu’un pseudo marché oligopolistique », c’est-à-dire contrôlé par les acteurs de grande taille, nous dit Castoriadis.[1] D’ailleurs, s’il était besoin de se convaincre de l’imposture d’un marché transparent et autorégulé, il suffirait de se rappeler que « La moitié du produit national brut de nos économies modernes transite par le budget de l’Etat, des collectivités locales, de la sécurité sociale. » [2]

Qu’est-ce donc que le capitalisme? « Le capitalisme est une institution de la société dont la signification imaginaire centrale est l’expansion illimitée de la maîtrise rationnelle – pseudo-maîtrise, et pseudo-rationnelle »[3].

Il n’est en effet pas rationnel quant aux fins puisqu’il vise « l’expansion de la consommation pour l’expansion de la consommation. »[4]

Il n’est pas davantage rationnel quant aux moyens: pas d’équilibre sans intervention de l’Etat, pas de concurrence ou d’information parfaite, pas de fluidité parfaite entre les facteurs capital et travail, etc.

« Le capitalisme vit en épuisant les réserves anthropologiques constituées pendant les millénaires précédents (honnêteté dévotion au travail, attention aux autres, etc.). De même qu’il vit en épuisant les réserves naturelles. »[5]  La retenue interdisant, par exemple, à un entrepreneur d’assassiner son concurrent, emprunte à l’éthique en partie religieuse constituée au fil des siècles. De même, les industries chimique ou pétrolière s’arrogeant l’utilisation du pétrole, bénéficie sans contrepartie du résultat de millions d’année de sédimentation. Dans un cas comme dans l’autre, ces ressources vont en diminuant dans un régime capitaliste dont la seule valeur est l’argent.

Notons pour conclure ce propos, l’inversion des termes de l’équation parlant traditionnellement de système d’abord politique puis économique (système politico-économique) contenue dans l’expression « capitalisme représentatif. » La première place (capitalisme) est en effet dévolue à l’économique, le politique (représentatif) étant rejeté au deuxième plan. Et en effet, « le système représentatif n’est que « la feuille de vigne politique » de la domination du capitalisme économique », selon le mot de Wilhelm Liebknecht (1826 – 1900), socialiste et révolutionnaire allemand, cofondateur du Parti social-démocrate d’Allemagne – SPD. Le lobbying étant un bon indicateur de cet état de fait.

Intéressons-nous donc maintenant au deuxième terme de cette expression.

Le système représentatif

Bernard Manin dans son ouvrage phare[6], montre que le système représentatif mêle des traits démocratiques et aristocratiques. L’élu n’est jamais le double ni le porte-parole de l’électeur, mais il gouverne en anticipant le jour où le public rendra son jugement.

Or, « l’idée de représentation implique que la volonté de l’un puisse être transmise à la volonté de l’autre. Or il s’agit là d’un transfert psychologiquement et historiquement impossible. […] Il s’agit d’une substitution de la volonté du représentant à la volonté du représenté pour une durée définie, ou parfois indéfinie, sans détermination, sans mandat impératif d’aucune sorte. Cette substitution implique, de la part du représenté, comme Hobbes l’avait déjà noté, non pas un transfert mais un renoncement à exercer plus avant sa volonté, à exercer son droit de citoyen. » (Polin, 1997) [7]

Pourquoi dans ces conditions, s’encombrer d’un tel système?

Deux principales théories tentent de justifier l’existence du modèle représentatif. « La première, celle de Montesquieu (L’esprit des lois, 1748), y voit l’assurance d’être gouverné par des hommes instruits, plus aptes à gérer les affaires publiques qu’un peuple largement analphabète. « Le grand avantage des représentants, c’est qu’ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n’y est pas tout propre. » La seconde, celle de Rousseau (Contrat social, 1762), s’y rallie à regrets lorsqu’il s’agit de grands États où le nombre de citoyens ne permet pas que chacun prenne part directement aux affaires publiques, mais il pense que les représentants ne doivent disposer que de mandats impératifs à durée très limitée auxquels ils ne pourraient se soustraire sans être révoqués par leurs mandataires. « Le peuple anglais pense être libre : il se trompe, il ne l’est que pendant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. » [8]

La technique

Au-delà du « capitalisme représentatif », rendre compte en profondeur de notre système contemporain nécessite la mise en jeu d’un troisième rouage : la technique.

La « société technicienne » est décrite par Jacques Ellul comme le fait majeur de notre contemporanéité. Dans tous les domaines, la technique recherche la méthode absolument la plus efficace. Si la recherche d’efficacité est nécessaire, le caractère absolu de cette quête pose problème. « Dans la société technicienne, toute autre valeur, toute autre considération se voit dissoute, exclue, sur l’autel de l’efficacité comprise comme valeur suprême et exclusive. L’efficacité est devenue une divinité jalouse. La mentalité technicienne, qui s’impose dans la société technicienne, est un monothéisme de l’efficacité. » [9] La technique est devenue une réalité englobante, un « milieu » artificiel qui se substitue au milieu naturel. Elle est devenue le nouveau milieu de l’homme. Ellul en donne une définition précise au travers de six composantes: automatisme du choix technique, auto-accroissement, insécabilité, l’entraînement des techniques, l’universalité et l’autonomie.

Arrêtons-nous sur ce dernier aspect, le plus choquant: l’autonomie. « Ce ne sont plus des nécessités externes qui déterminent la technique, ce sont ses nécessités internes. Elle est devenue une réalité en soi qui se suffit à elle-même, qui a ses lois particulières et ses déterminations propres ».[10] « Elle est autonome à l’égard de l’économie, de la politique, de la finance, et des valeurs morales et spirituelles. Elle modifie toutes ces choses sans se laisser modifier par elles. La technique est donc une puissance dotée de sa force propre, et non pas une matière neutre que l’on pourrait utiliser pour le bien ou pour le mal. Il y a une finalité intrinsèque au moyen, qui l’emporte toujours sur la fin extrinsèque proposée par l’homme. »[11]

Or comme chacun sait : tout ce qui peut être fait ne doit pas l’être nécessairement. C’est même la capacité d’autolimitation qui qualifie la dignité humaine.

L’autogouvernement ou l’autonomie réalisée

Pour conclure à rebours de ce capitalisme représentatif et technique, laissons le mot de la fin à Cornelius Castoriadis.

« Une société autonome instaurera un véritable marché, défini par la souveraineté (non pas la simple liberté) des consommateurs. Elle décidera démocratiquement de l’allocation globale des ressources (consommation privée/consommation publique, consommation/investissement), aidée par un dispositif technique (l’« usine du plan ») soumis à son contrôle politique, qui aidera aussi à assurer l’équilibre général. Enfin, il n’est pas concevable qu’elle institue l’autogouvernement des collectivités à tous les niveaux de la vie sociale, et qu’elle l’exclue dans les collectivités de production. L’autogestion de la production par les producteurs n’est que la réalisation de la démocratie dans le domaine où les individus passent la moitié de leur vie éveillée. » [12]


[1] Cornelius Castoriadis au centre international de Cerisy le 5 juillet 1990
[2] Une société à la dérive par Cornelius Castoriadis.
[3] Une société à la dérive par Cornelius Castoriadis.
[4] Cornelius Castoriadis au centre international de Cerisy le 5 juillet 1990
[5] Une société à la dérive par Cornelius Castoriadis.
[6] Principes du gouvernement représentatif par Bernard Manin (1998)
[7] La démocratie au risque de la représentation par Anne-Hélène Le Cornec Ubertini (2007)
[8] Ibid
[9] Le défi de la non puissance par Frédéric Rognon (2020)
[10] La technique ou l'enjeu du siècle par Jacques Ellul (1954)
[11] Le défi de la non puissance par Frédéric Rognon (2020)
[12] Les carrefours du Labyrinthe volume 5 - Fait et à faire par Cornelius Castoriadis.