Quelles seraient les mesures que pourraient prendre un gouvernement affranchi des réseaux d’influences et autres intérêts particuliers ? Des lois initiées par des non spécialistes seraient elles « réalistes » ? Doit-on craindre la radicalité ?
Il n’est pas question bien entendu de clamer ce que seraient les lois d’un Autogouvernement en France puisqu’une telle organisation n’existe encore dans aucune société occidentale du monde dit « développé ». Nous ne pouvons donc qu’imaginer des lois d’intérêt public en nous inspirant d’initiatives citoyennes pour l’instant écrasées par les intérêts particuliers qui nous dominent.
Voici donc 3 mesures radicales (qui traient la racine du problème) et subversives (qui dérange l’ordre établi) : 1/ suppression de la publicité, 2/ suppression du lobbying, 3/ suppression de la finance spéculative.
Le point commun entre les 3 activités visées ? Elles apportent peu de bienfaits à la société en générale mais contribuent massivement à certains intérêts particuliers. En un mot ce sont des activités socialement inutiles. Leur suppression aurait donc peu de conséquences globales en dehors d’un déplacement d’emplois vers des activités porteuses de sens pour l’individu et le collectif.
Suppression de la publicité.
Dans sa première acception, la publicité permet de faire connaître au public ce qui a un intérêt public (qu’il s’agisse de débats, d’oeuvres ou de produits). Ce sens uniquement informatif n’a évidemment plus rien à voir avec l’ampleur actuelle du phénomène publicitaire. L’essor de nos sociétés industrielles et la recherche de débouchés croissants s’est accompagné de l’expansion de la propagande publicitaire et du malaise qui grandit avec lui. En effet, l’objectif majeur de la réclame est de nous conditionner, en nous déculpabilisant, à acheter des produits et services dont nous n’avons généralement pas besoin et qui sont le plus souvent nuisibles pour nous et la planète. En nourrissant un besoin infini de consommation, la pub est source d’une insatisfaction permanente.
Les principaux méfaits de la publicité pour la société sont aujourd’hui bien connus :
- Contre l’égalité, elle enrichit les organisations les plus riches (et leurs actionnaires) au détriment des faibles : 2 entreprises sur 10 000 ont la capacité d’être largement visible du grand public. La publicité c’est la liberté d’expression des puissants.
- Contre la liberté, elle s’impose à nous notamment avec les panneaux publicitaires dans l’espace public auxquels il nous est impossible d’échapper.
- Contre la fraternité, elle tend à faire de nos individualités, nos cultures locales une masse informe car il est plus facile de manipuler un marché unifié.
Les défenseurs de la publicité, de leur côté, n’ont à faire valoir qu’un argument : la réclame en stimulant la concurrence favoriserait la baisse des prix. Bien entendu, l’inflation publicitaire n’a aboutie qu’à l’enchérissement des produits pour intégrer ces coûts marketings supplémentaires, réduisant cette idée en miettes.
L’investissement publicitaire représente presque 500€ par an et par français, soit 33 milliards d’euros[1] que se partagent principalement les annonceurs, les médias, les publicitaires et l’Etat sous formes d’impôts et de redevances.
En supprimant ce secteur, l’essentiel de ce montant serait restitué aux consommateurs sous forme de baisses des prix (pour peu que les citoyens veillent à ce que cette somme ne se retrouve pas dans la poche des actionnaires). Choisissons donc de remplacer les 500 à 3000 sollicitations auxquelles nous serions quotidiennement exposées par quelques instants de poésie, pensées futiles ou réflexions personnelles.
Les médias d’information dont les contenus (bien souvent frelatés) sont financés en grande partie par la publicité devraient se réinventer. Heureusement des modèles existent : information payée par l’abonnement (Médiapart ou d’autres), information proposée gratuitement par des citoyens / journalistes (Agoravox). Ces modèles permettront en outre de promouvoir une information plus diverse, et moins biaisée. Idem pour le divertissement dont les apôtres sont aujourd’hui nettement surpayées (bien que l’actionnaire soit comme toujours le principal gagnant).
Que conserver de la publicité ? Peut-être ce pour quoi elle a été conçue initialement, c’est-à-dire informer… sans agression, à l’instar des annuaires ou bases de données gratuits. Au-delà de ces exceptions, des expérimentations pourraient être menées sur la publicité locale pour redynamiser les liens de proximité, ou la publicité à vocation culturelle (expos, théâtre, mécénat). Au citoyen acteur de faire la part des choses et de contrôler, et non pas comme c’est le cas actuellement aux professionnels du secteur, la capacité de se censurer – ce qui est de fait sans effet.
Là comme ailleurs, rien n’est inéluctable, la publicité à la TV n’existait pas avant … 1968, c’est-à-dire il n’y a pas si longtemps. La loi Evin de 1991 bannissant du jour au lendemain toute publicité sur le tabac a bien existée, des villes comme Forcalquier, Grenoble ou Sao Polo ont éradiqué l’affichage publicitaire. Citoyens, reprenons nos vies en mains !
Pour aller plus loin
- Associations Antipub, casseurs de pubs.
- Livre Le Temps de l’anti-pub, L’emprise de la publicité et ceux qui la combattent par Sébastien DARSY (2005).
- Ecorev’ 2015/1 contenant l’appel de Michael Löwy pour “supprimer la publicité, gande responsable de l’obsession consommatrice”
[1] Xerfi 2018 : Dépenses de communication en France en 2018 évaluées à 33 milliards d’euros.
D’après l’INSEE, Au 1er janvier 2019, la France compte près de 67 millions d’habitants pour un PIB 593 Mds d’euros en 2018, soit 492€ par français.