Parmi les défis de la non-puissance, il en est un particulièrement important: comment réenchanter le monde par la beauté? Et si notre civilisation n’avait pas été celle de la guerre, de la domination et du pouvoir, à quoi cette société ressemblerait-elle aujourd’hui ?
Devrait-on renoncer au Parthénon, fruit de la domination d’Athènes sur ses voisins?
Faudrait-il tirer un trait sur la ville de Florence née des affaires de banque d’une dynastie (Les Médicis) ayant su habilement asseoir sa puissance au sommet de l’Europe?
Peut-on enfin se priver du Paris d’Haussmann, bâti sur la spéculation effrénée d’affairistes tels les frères Pereire?
Car cette puissance, allant de pair avec une domination massive de l’Etat, n’a pas produit que misère pour le plus grand nombre. Dans le passé, elle a aussi enfanté des œuvres immortelles construites de main d’hommes (dominés).
Quant à aujourd’hui, on peut se demander si cette puissance enfante encore des œuvres dignes d’intérêt. Il n’est que de voir la laideur standardisée de nos sociétés contemporaines pour se convaincre du contraire et réclamer son renversement. Faute de pouvoir conserver une main d’œuvre servile, la survie esthétique y est maintenue à coup d’import de produits artisanaux venus d’ailleurs. L’ethno-chic est devenu le la tendance décorative, révélatrice de la puissance du nord sur le sud.
Regrettons en passant que les activistes légitimement opposés au système de domination actuel ne donnent bien souvent à voir de leurs actions que des cabanes de palettes et des amas de bâches, tristes déchets de cette civilisation industrielle conspuée. Regrettable, car la beauté est sans doute le premier vecteur de sympathie dans l’opinion public, la laideur en représentant l’ultime repoussoir.
Et demain, peut-on espérer que la puissance collective démocratiquement consentie permettrait d’enfanter de nouveaux chefs d’œuvre? Pourrait-on ériger une nouvelle cathédrale Notre Dame de Paris, jadis élevée grâce à la dévotion collective des Parisiens (pression religieuse mise à part)? C’est en tout cas le pari de ce site car l’égalité réelle ne peut découler que d’une démocratie réelle, seule à même de démanteler la puissance imprégnant nos sociétés.
La beauté est devenue plus que jamais indispensable pour redonner un sens à nos vies. Le coût de cette beauté doit-il nous y faire renoncer faute de moyens ?