Depuis plus de 45 ans au Venezuela, dans l’État de Lara, un réseau d’une cinquantaine de coopératives réunies sous la bannière de Cecosesola, propose large variété de produits et services. Cette fédération emploie 1 200 de personnes et compte plus de de 20 000 membres associés, principalement des foyers modestes. Produits agricoles, banque, soins de santé, écoles, services funéraires, transports, biens d’équipements, l’offre s’est étoffée au fil des années. La volonté de pratiquer des tarifs accessibles persiste toutefois. 30% sous les prix du marché pour les produits agricoles à 60% pour l’offre de santé, l’autogestion se porte bien.
Simple service funéraire au service des plus démunis de la ville de Barquisimeto, Cecosesola s’est rapidement constituée à travers dix coopératives du centre-ouest du Venezuela qui se sont fédérées dans une structure commune en 1967. Le salaire est le même pour tous et un fonds d’aide solidaire a été créé en cas de maladie ou de coups durs. Cecosesola est complètement indépendante, à la fois des banques comme du gouvernement. Le projet autogestionnaire ne reçoit aucune subvention du gouvernement.
Les « ferias »
Les marchés populaires appelés « ferias » sont l’une des activités centrales du réseau. La feria centrale, la plus importante, est à la fois un marché de fruits et légumes et un supermarché social qui couvre tous les produits. Une grande partie de l’approvisionnement provient des dizaines de coopératives agricoles et des « unités de production communautaires » qui appartiennent au réseau Cecosesola. De prime abord, cet immense hangar aux allures de supermarché discount, avec ses 180 caissiers faisant face à de longues files d’attente, ne paye pas trop de mine. Mais le fonctionnement coopératif, les prix « solidaires » souvent 30 % inférieurs aux prix du marché, le microphone communautaire où chacun peut aller dire un mot ou encore les caisses de soutien aux luttes indigènes sont parmi les détails qui changent considérablement l’impression initiale…
Du côté de son réseau de santé, Cecosesola ne fait pas non plus dans la demi-mesure : après plusieurs années de travaux et la récolte des millions de bolivars nécessaires à leur financement, le « centre intégral coopératif de santé » a ouvert ses portes dans l’Ouest populaire de la ville, en 2009. Ils avaient déjà six centres de soins à leur actif, voici désormais un grand hôpital ouvert pour toute la population – ce qui en fait le plus important de cette ville d’un million d’habitants – avec tous les services nécessaires et davantage : de la chirurgie à la médecine chinoise.
Loin de fanfaronner sur les chiffres de sa réussite – 50 000 familles approvisionnées en produits agricoles, 150 000 visites annuelles dans leur réseau de santé –, pour les membres de Cecosesola, la priorité n’est pas celle-là. Jorge, qui travaille à l’hôpital, insiste : « Nous croyons que le succès économique de Cecosesola vient du fait que ce n’est pas notre intérêt principal ! » C’est avant tout une « expérience communautaire de transformation sociale ».
Une coopérative sans patron
Petit retour dans le temps. En 1974, le réseau coopératif est encore organisé de façon traditionnelle : la direction dirige, les travailleurs obéissent. Mais lorsque le gérant de l’époque s’autorise un léger détournement de fonds, les coopérateurs lancent une AG extraordinaire : les chefs sont virés. De nouveaux mandatés favorisent alors un changement de cap. Au fil des ans, ils s’engagent à réduire l’organisation verticale, pyramidale des organisations du réseau et des réunions périodiques ont lieu entre les travailleurs associés, afin de réfléchir à ce que nous voulions. Aujourd’hui Cecosesola n’a plus de direction, plus de gérant, aucun signe de hiérarchie formelle.
Dans le travail quotidien, il n’y a pas de surveillant, tout fonctionne au travers de la conversation, en réunion, et en dehors des réunions. Pour certaines activités, il y a des groupes de coordination, qui sont rotatifs entre tous les travailleurs : la transmission de l’information entre eux permet que ce soit le collectif qui s’instruise, se responsabilise, se dynamise. De la même manière, si chacun a un poste principal, une personne peut être affectée dans un centre de soins et tenir une caisse dans une feria certains jours. Le but est qu’ils partagent tous les mêmes fonctions, les mêmes connaissances et une vision globale et intégrée de leur coopérative.
« La solution à tous les problèmes est dans la discussion permanente. Nous nous réunissons donc de nombreuses fois, au moins 3 ou 4 fois dans la semaine », explique Jorge. Un travailleur peut ainsi y consacrer autour de 20 % de son temps de travail, entre les réunions de secteur pour l’organisation du travail quotidien et les réunions de gestion qui concernent l’ensemble de Cecosesola et qui peuvent rassembler jusqu’à deux cents personnes. Quant à la prise de décision, elle se fait par consensus, de manière « à lui donner plus de force ». Chose rare à signaler, toutes les réunions se font sans ordre du jour et sans animateur. Sourire aux lèvres, Jesús admet que « pour les gens qui viennent nous voir, nos réunions paraissent un peu folles ! »
Une organisation du travail proche du kibboutz
Le plus troublant est peut-être l’absence de règles écrites. Tout repose sur la transmission verbale. Ainsi la règle tacite est que chacun participe à une réunion par semaine minimum, mais ce n’est inscrit nulle part : pas de charte, pas d’organigramme, pas de texte qui définisse l’organisation collective. De la même manière le contrat de travail est banni de Cecosesola, « car nous pensons que nous sommes une communauté et nous travaillons donc sur la base de la confiance et non dans la méfiance ».
Au sein même de Cecosesola, l’école coopérative Rosario Arjona matérialise l’importance donnée à la réflexion et à la discussion. Son animation se fait à tour de rôle, et Jorge et Jesús sont dans l’équipe du moment. « Ici c’est comme le carrefour des chemins, le réseau qui fait Cecosesola ». Chaque nouveau prétendant y passera quinze journées de formation à son entrée dans la coopérative. Dans cette école d’apprentissage, il s’agit autant d’intégrer les principes de fonctionnement que de « partager une culture commune ». Les publications3 éditées par l’école tentent de rendre compte de la trajectoire de leur « organisation en mouvement » qui se base sur « l’analyse permanente et la systématisation des expériences de vie au quotidien ». Jorge admet que c’est un processus qui prend du temps, et qu’il ne faut pas se tromper : « Ici ce n’est pas un paradis, encore aujourd’hui il y a des coopératives partenaires de Cecosesola qui fonctionnent avec un président-directeur, le vote… Nous sommes une organisation constituée de nombreuses petites organisations, et nous en formons une seule mais pas d’une manière uniforme, avec des rythmes d’évolution différents. »
« Nous sommes dans une société qui est marquée par la méfiance, la compétition, la hiérarchie, la pyramide » et Jesús admet que « tous et toutes sont des fils et des filles de cette civilisation et de cette société capitaliste ». Ainsi, une partie des réflexions menées concerne l’analyse de la culture vénézuélienne, considérée comme un mélange de la « culture patriarcale occidentale » et de cultures ancestrales. C’est pour eux un préalable puisque « tout processus de transformation devrait partir et s’appuyer sur ce que nous sommes et non sur ce que nous aimerions être ». Et de penser ainsi le coopératisme comme « un mode de vie », une façon de s’organiser permettant « l’union et la lutte du peuple » au-delà du simple cadre de Cecosesola. D’où la nécessité répétée de faire naître « des relations solidaires dans la production et l’émergence de la possibilité d’un processus auto-organisé, d’une organisation ouverte et flexible, en permanent mouvement ».
Les coopérateurs de Cecosesola soutiennent que « la décadence d’un processus autogestionnaire se manifeste quand le groupe reste dans le monde des choses […] et qu’il ne se préoccupe pas d’alimenter son processus interne, pour analyser collectivement les relations qui se jouent dans le travail quotidien ». Ainsi « La relation patron-ouvrier, la tendance au profit individualiste, font partie de notre culture. Il ne s’agit pas de comportements externes à nous-mêmes. Par conséquent, éliminer la présence du patron n’est pas suffisant ». Jorge, en vieux briscard, conclut l’entretien par ce résumé : « La concurrence c’est : “je dois gagner ce que ça te coûte”. La compétition c’est “je gagne pendant que tu perds”. Nous, nous voulons construire un monde où tout le monde gagne ! »
Quelles sont les grandes catégories d’entreprises au regard de leurs propriétaires respectifs? Peut-on et doit-on revoir le concept de propriété concernant notamment les outils de production que sont les entreprises? Quels mécanismes permettraient de redistribuer massivement à la fois le capital et les revenus de ce capital?
Il est téméraire de
formuler les recettes pour les marmites de l’avenir nous dit Marx, et pourtant,
continuons l’exercice! Quels seraient les ingrédients pour une économie plus
digeste, au service des citoyens et non l’inverse. Tentons à nouveau de
réouvrir des possibles, de procéder par simplification et enjambements, au-delà
des routines et de l’inertie[1].
Dans l’article précédent, nous avons introduit une idée force consistant à inclure des citoyens dans la gestion opérationnelle des entreprises en complément à une législation directe édictée aux échelons local, régional et national. Ayant ainsi ébauché une réponse à la question du « Qui pourrait dirigerl’entreprise? », tentons maintenant d’aller plus loin et de traiter la difficile et lancinante question du « Qui pourrait posséder l’entreprise? » dans une démocratie directe.
Examinons pour cela les dispositifs actuellement existants et les leçons qu’on peut en tirer, notamment en approfondissant les plus vertueux.
Actionnariat non salarié
Les entreprises
commercialesclassiques (SA, SARL,
etc.) sont détenues en majorité par des
investisseurs privés (non-salariés), pour certains ne résidant pas en France
(37% de l’actionnariat des entreprises cotées tout de même![2]). On
peut distinguer parmi elles, les entreprises à actionnariat familial dont on
sait qu’elles s’avèrent plus pérennes car davantage soucieuses du long terme.
Certaines entreprises sont détenues en majorité par l’Etat ou des collectivités publiques (Sociétés d’Economie Mixte), ou en partie (Régies). On y déplore bien souvent une dérive bureaucratique menant à des problèmes de qualité.
Actionnariat Salarié et au-delà
Les Sociétés
Coopératives et Participatives ou SCOP (représentant 0,6% des employés en
France[3]) sont majoritairement
détenuespar leurs salariés qui sont donc également associés (ou ont
vocation à le devenir)[4]. Ce mode
de détention du capital injecte quelques gouttes d’huile démocratique dans les
rouages de l’organisation de la production et du travail: les écarts de salaire
y sont moins importants, les décisions y sont plus collégiales. La plus célèbre,
Mondragon[5] en Espagne,
fait figure d’exception par sa taille et emploie près de 20 000 personnes.
L’entreprises à actionnariat salarié (SCOP), qu’on peut aussi qualifier d’autogestionnaire,
a également fait la preuve de ses bienfaits en termes de bien-être au travail
avec la diversification des tâches ou d’égalité avec la limitation des écarts
de salaire (voir par exemple l’organisation économique originelle des kibboutz
dans cet article). Bien
entendu, le bilan des SCOP, à l’aune de l’économie classique est bien moins
satisfaisante ce qui explique son utilisation limitée. Ainsi chez les Fralib
(fabricant de thés et tisanes), les salariés sont passés de 220 du temps
d’Unilever à 58 pour une production 25 fois moindre (même si plus qualitative).
Et pourtant nous dit son président, « nous devons coopérer avec le système
capitaliste qui a cherché à nous broyer. »[6]
Depuis 2001, les SCIC ou Sociétés Coopératives d’Intérêt Collectif (0,07% des employés), autrement appelées » Coopératives multisociétariales » associent 3 types de parties prenantes : 1/ les salariés ou producteurs, 2/ les bénéficiaires (dont clients), 3/ les collectivités locales, acteurs privés, associations ou autre. Chaque année, au moins 57,5 % des bénéfices (et jusqu’à 100 %) sont mis en réserves dites « impartageables » pour consolider les fonds propres de l’entreprise. En 2018, on dénombrait près de 900 SCIC pour 65 000 adhérents, 7 500 salariés et 400 millions d’euros de chiffre d’affaires. Enercoop est la première SCIC de France[7] (qui regroupe en fait 11 coopératives locales[8]). Ce modèle de SCIC, inspiré des coopératives sociales apparues spontanément en Italie dans les années 70[9] semble contenir les germes d’une bonne idée, mais son utilisation à une échelle dérisoire interdit tout effet significatif.
Limites des modèles d’actionnariat salarié
La confrontation sur
un même marché non régulé (ou si peu) de deux modèles: l’un coopératif, l’autre
basé sur la compétition se solde presque toujours à l’avantage du dernier comme
en témoigne Jean-Pierre Girard: « C’est un choc culturel que de s’engager
dans un processus de création de SCIC dans un contexte de quasi-hégémonie de la
démocratie représentative couplée à l’idée de décision rapide »[10]. En
définitive, plus de coopération et de démocratie, signifie souvent moins
d’efficacité (au moins à court terme) et de profitabilité et on trouve donc ces
SCOP ou SCIC souvent cantonnés aux secteurs de « l’Economie Sociale et
Solidaire » (donc hors marché).
Une deuxième limite
des expériences coopératives a trait à la dose démocratique instillée. En
effet, les parties prenantes sont bien associées sur la base 1 personne / 1
voix, mais elles n’interviennent sur la gestion de l’entreprise que de loin en
loin (pour les assemblées annuelles et via des administrateurs élus). Il serait
au contraire pertinent que les parties prenantes puissent agir au jour le jour sur
la direction de l’entreprise.
Mais revenons sur la question de la propriété des capitaux et convenons qu’il n’existe finalement que deux options: propriété individuelle ou propriété collective. Que signifie en définitive qu’abolir la propriété? Cela veut dire la remettre entre les mains d’une collectivité et de leurs éventuels représentants. Ni l’une, ni l’autre de ces solutions n’ayant fait la preuve de son exemplarité, examinons de plus près ces deux modes de possession et les moyens de les encadrer davantage.
Gardes fous sur la propriété
Concernant la propriété individuelle, on peut, avec les anarchistes, faire reposer le droit à la propriété sur la capacité de travail des salariés[11]. Une telle mesure, si elle peut paraître juste, semble réduire trop drastiquement le montant des capitaux disponibles.
On peut également envisager de limiter le capital investi dans des entreprises en fonction de quotasdécrétés collectivement: Lorsque le montant de mes avoirs est atteint, aucune action ne peut plus m’être attribuée. Chacun voit ainsi ses avoirs progresser jusqu’à atteindre un plafond identique pour tous.Cette solution, outre l’égalité réelle qu’elle procure, aurait le mérite de conserver une partie des mécanismes reposant sur l’initiative individuelle.
Concernant la propriété collective, la pure démocratie directe (implication de l’ensemble des citoyens du territoire concernés dans la gestion quotidienne de l’entreprise) semble impossible à obtenir au niveau national et très difficile au niveau régional pour des raisons de distance entre les citoyens et l’entreprise considérée tout simplement. Elle ne semble ne devoir s’épanouir qu’à un niveau local (suivant l’exemple des « biens sectionaux des communes »mentionnés danscet article). Le recours à la collectivisation pour la grande industrie nécessitant des capitaux lourds et que réclamait Gandhi, pour ne citer que lui, semble donc devoir être écarté au profit de la propriété privée encadrée par des quotas.
L’effet pervers ou le
principal défi de tels quotas, sans cesse martelé par la théorie libérale, réside
dans l’assèchement de la motivation individuelle aiguillonnée par le profit,
véritable carburant de l’économie. Cette desincitation pour plus de profits,
d’accumulation de capital, de progrès technique, qui sont les principaux
leviers du capitalisme actuel pourrait signifier la mort de ce système
(Hourra!). Même si les lambeaux de notre société ne sont en rien le résultat de
notre système économique mais plutôt sa victime, convenons que les conséquences d’une telle décroissance
(disons le mot) seraient innombrables : perte de compétitivité mondiale, fuite
des entrepreneurs, apparition d’un marché noir de contrebande, etc. Tel le
drogué en manque, un pays en voie de désintoxication à l’économie de marché se
heurte évidemment à beaucoup de souffrances passagères, faut-il pour autant
continuer à se soumettre aux lois « stupéfiantes » de l’économie? Cette
cure de désintoxication n’est-elle pas le prélude aux progrès humains véritables,
un exercice de volonté raisonné et partagé tournant le dos à une innovation
technique ne servant que l’intérêt d’actionnaires avides emballés dans une
course folle au toujours plus?
Précisons par ailleurs que le jeu de la concurrence s’exercerait toujours mais dans des limites beaucoup plus resserrées décidées par les citoyens. Ainsi, les deux facteurs de production majeurs que sont le capital et le travail continueraient à s’échanger sur des marchés encadrés: pour le capital, via les quotas de propriété individuelle (en plus de la limitation drastique du niveau de dividendes que peut servir une entreprise), pour le travail via les accords sur les écarts maximum de salaire, mesure corolaire vers plus d’égalité réelle[12].
Mutation de l’économie vers une production
citoyenne
L’autre question posée
porte sur le passage de l’économie actuelle vers un environnement productif au
service de la société. Comment à la fois mobiliser les capitaux nécessaires pour
continuer à produire les biens et services jugés nécessaires tout en réallouant
les capitaux investis pour mieux répartir ces richesses entre les membres de la
société?
Pour répondre à ces questions, livrons-nous à un petit exercice. D’après l’Insee et grossièrement, le patrimoine en France si on le ramène à un montant par habitant s’élève à 40k€ pour le patrimoine détenu par les entreprises (dont 37%, pour les entreprises cotées, appartient à des non-résidents rappelons-le), et 60k€ pour le patrimoine détenu par les ménages[13]. Il s’agit donc ici d’imaginer comment redistribuer les 40k€ de patrimoine des entreprises.
Scénarios de transition
Plusieurs scénarios de
transition se présentent afin de mieux répartir les capitaux entre citoyens et
leur permettre de devenir actionnaires (dans la limite des quotas définis
collectivement bien entendu):
Expropriation pure et simple menant à une réallocation immédiate des capitaux à partir de décisions prises collectivement : mythe révolutionnaire ou réalité atteignable, la brutalité de ce renversement de table semble bien difficile à défendre.
Suspension des droits de propriété comme le recommandait Gandhi avec la mise sous tutelle d’entreprises (Trusteeship)[14]. Les propriétaires le restent mais perçoivent un salaire pas plus de 12 fois supérieur au plus bas et ne sont pas libres de céder ou transformer ce capital. En définitive, cela transfert en partie la propriété du capital à une administration en charge de prendre ou d’avaliser les décisions… Et on revient à la case départ de la dérive bureaucratique aux antipodes d’une démocratie réelle.
Redistribution des revenus du capital pour la fraction dépassant les quotas individuels. Le bémol d’un tel mécanisme a trait au temps que pourrait prendre la réallocation totale des capitaux, soit des dizaines voire des centaines d’années.
Redistribution des revenus du capital ET redistribution ducapital lui-même de la façon la plus indolore possible c’est-à-dire via les droits de succession. Dans ce scénario, le plus crédible, la fortune ne s’hérite plus ou que très partiellement et les « riches » deviennent progressivement moins nombreux. De nombreux effets collatéraux sont à étudier et anticiper tel le risque de dilapidation de fortune des riches à soir de leur vie, mais ne semble pas remettre fondamentalement en question une telle proposition.
Citoyen et actionnaire
L’actionnariat citoyen
avec son encadrement strict par la collectivité semble être la voie majeure
vers une juste répartition des richesses là où le système actuel est une
« machine à concentrer la richesse » (Paul Jorion).
Dans ce nouveau
panorama économique, l’entreprise est ainsi dirigée et possédéepar 3
catégories d’acteurs: les citoyens actionnaires, des travailleurs
actionnaires, et enfin de « simples » citoyens au titre de parties
prenantes. Ce modèle suppose donc que coexistent, outre les travailleurs, des
citoyens actionnaires rémunérés sur le
capital et des citoyens parties prenantes, rémunérés pour le travail rendu (l’administration des entreprises).
De nombreuses idées
existent pour faire prendre un réel virage à nos sociétés (bien que peu
diffusées), emparons nous-en pour créer une alternative crédible. Les idées
présentées dans cet article rejoignent ainsi les trois critères énoncés par
Thomas Coutrot pour la mise en oeuvre d’un « socialisme d’autogestion »
(autre nom d’un Autogouvernement) dans la sphère économique : la propriété́
sociale des entreprises, la socialisation des décisions d’investissement, la
politisation du marché[15]. Bien sûr, des questions demeurent: les
brevets, autre machine à concentrer la richesse doivent ils perdurer et sous
quelle forme? De la même façon, le secteur du logiciel, où s’engloutit
d’énormes moyens pour répliquer des lignes de codes déjà existantes pourrait-il
être encadré pour permettre la mutualisation (à l’image du mouvement open
source) et éviter ainsi la dilapidation de ressources conséquentes?
Cessons toutefois de
dire que c’est impossible, et si les idées évoquées dans ces articles ne sont
pas celles qui doivent survivre à un processus de démocratie réelle, d’autres
aussi radicales peuvent voir le jour. Noam chomsky le dit bien par exemple au sujet des
entreprises[16]: « Les
sociétés par actions (qui constituent le plus important système de pouvoir du
monde occidental) reçoivent leurs chartes de l’État. Des mécanismes juridiques
permettent de révoquer ces chartes et de placer les firmes sous le contrôle des
travailleurs ou des collectivités. Pour que de telles mesures puissent être
adoptées, il faudrait que la population s’organise de façon démocratique, ce
qu’on n’a pas vu depuis un bon siècle. Néanmoins, ce sont les tribunaux et des
avocats, et non le législateur, qui ont accordé aux entreprises la plupart de
leurs droits ; leur pouvoir pourrait ainsi s’effriter très rapidement. »
[1] "Ce qui constitue la pratique révolutionnaire, c’est qu’elle ne procède plus par détail et diversité́, ou par transitions imperceptibles, mais par simplifications et enjambements. Elle franchit, dans de larges équations, ces termes mitoyens que propose l’esprit de routine, dont l’application aurait dû normalement se faire dans la période antérieure, mais que l’égoïsme des heureux ou l’inertie des gouvernements a repoussés." Joseph Proudhon
[2] Chiffre Banque de France 2018
[3] En 2019, 63 000 salariés en SCOP d'après la définition scop proposée sur economie.gouv.fr
[4] A ne pas confondre avec les "entreprises coopératives" au sens large (incluant les SCOP) qui regroupent des banques dont les clients sont sociétaires, des coopératives scolaires, des bénéficiaires de logements HLM, etc. Elles sont régies par la loi-cadre du 10 septembre 1947, modifiée par l’article 1 de la loi du 31 juillet 2014 sur l’économie sociale et solidaire. Elles représentent en 2018 1,3 millions de salariés, 28,7 millions de sociétaires, 324 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Source: entreprises.coop
[5] Fondé en 1956 par 5 leaders et 16 co-équipiers, ce qui n'était alors qu'une coopérative unique nommée Ulgor s'est depuis lors développée significativement. Le Groupe Mondragon emploie maintenant 19000 travailleurs / actionnaires, soit presque 7% des travailleurs de l'industrie du pays Basque espagnol. Il comprend 173 coopératives (94 dans l'industrie, 17 dans la construction, 9 dans l'agriculture / transformation, 6 dans les services, 45 dans l'éducation, 1 dans la banque, 1 dédiée aux consommateurs). Les coopératives membres produisent 193 différents types de biens soit des milliers de produits. Elles exportent 30% de la production. Pour entrer, un travailleurs paye une participation, équivalent à environ 1 année du salaire le plus bas. Les écarts de salaires vont de 1 à 4,5. Tiré de Industrial Democracy as Process Participatory Action in the Fagor Cooperative Group of Mondragon by Davydd J. Greenwood, Jose Luis Gonzalez Santos (1991).
[6] Olivier Leberquier, président de Fralib dans la Décroissance – juillet 2020
[7] le site entreprises.coop
[8] A noter, les producteurs d'électricité auxquels Enercoop achète son énergie, ne sont pas toujours eux-mêmes des entreprises coopératives.
[9] Coopératives à partenaires multiples, pour une gouvernance solidaire par Jean-Pierre Girard (2020)
[10] idem
[11] rappelée par le collectif Lieux Communs dans la brochure Ter sur la Démocratie directe
[12] Echelle de salaires de 1 à 12 comme le préconise Gandhi. de 1 à 1,25 chez, 1 à 4,5 chez Mondragon (selon Gonzalez Santos - 1991) ou 1 à 12 chez Mondragon selon cette source (Prades L'énigme de Mondragon dans Revue internationale de l'économie sociale - 2005.
[13] Insee. Comptes de patrimoine des secteurs institutionnels de l'année 2018. "Actifs non financiers produits" ramenés par habitant (67 millions). Chiffres qui semblent cadrer grossièrement avec le montant moyen des transmis lors des successions évalué à 100k€ (Chiffres du Sénat en 2000 - Projet de loi portant réforme des successions et des libéralités :)
[14] The economic philosophy of Mahatma Gandhi par DR. SHANTI S. GUPTA
[15] Cité par Michel Fiant dans l'encyclopédie de l'autogestion "Ébauches pour un projet autogestionnaire".
[16] Le bien commun (2013)
En quoi consiste la vie dans un kibboutz ? Comment s’y exerce la démocratie directe ? Doit-on parler d’expériences communautaires ou d’un modèle de (micro) société ?
« Il n’y a aucune
maison qui soit la propriété de personne. Il n’y a qu’une seule caisse pour
tous; les dépenses sont communes; communs sont les vêtements et communs les
aliments. Ils ont même adopté l’usage des repas en commun. Tout ce qu’ils
reçoivent comme salaire pour leur journée de travail, ils ne le gardent pas
pour eux mais ils le déposent devant tous pour qu’il soit employé par tous ceux
qui veulent s’en servir. » Ce texte décrit à merveille les kibboutz…
sauf qu’il évoque les Esséniens qui vécurent sur les terres d’Israël il y a
plus de 2000 ans[1]… Comme
quoi, il est des persistances troublantes dans l’histoire des peuples.
Kibboutz en hébreux
signifie groupement. Ce mot recouvre une grande diversité d’expériences issues
de la volonté des juifs persécutés de s’installer sur la terre des origines afin
d’y vivre une utopie réelle.
En effet, longtemps incapables de se fixer en un lieu du fait des interdits les frappant, les Juifs ont dû délaisser l’agriculture au profit de l’artisanat ou du commerce. L’Europe du XIXème siècle vit alors deux mouvements se conjuguer pour donner naissance aux kibboutz : le sionisme et le socialisme libertaire. Le premier prône un retour sur la terre d’Israël, et donc indirectement une réappropriation des savoir-faire agricoles. Le second scelle ce retour d’un ciment d’égalité et de coopération chère au cœur de ces immigrants relégués jusqu’alors au bas de l’échelle sociale.
Le premier kibboutz
voit le jour en 1910 dans le nord-est de ce qui ne s’appelle pas encore Israël[2]. Cette
communauté dénommée « Degania » (Bleuet) regroupe douze hommes et
femmes originaires de Russie sur un terrain d’une centaine d’hectares acquis en
1901 par un fonds sioniste financé par la diaspora juive. Elle vise à faire
revivre l’expérience communautaire vécue par nombre d’entre eux dans leur pays
d’origine et notamment dans l’attente de l’émigration.
Cette expérience fait suite à d’autres menées depuis 1880, tentatives financées par des philanthropes dont les Rothschild en France, et qui s’avérèrent largement malheureuses. Dans ces exploitations, des colons juifs œuvraient sous l’autorité d’agronomes censés suppléer l’inexpérience des immigrés en matière d’agriculture avec un recours important à une main d’oeuvre arabe bon marché. En définitive, ces fermes pâtirent d’une production en monoculture et de l’insuffisance d’autonomie laissée aux colons juifs. Ceux-ci devaient en effet subir à la fois les aléas de l’exploitation et les injonctions des agronomes censés les diriger[3].
Les fondateurs de Degania prirent donc le contre-pied de ce modèle en choisissant des cultures mixtes plus résilientes ainsi qu’une organisation parfaitement égalitaire (sans chef ni recours à une main d’oeuvre locale exploitée). Très vite et contre toute attente, le succès de cette ferme coopérative d’un genre nouveau (mise en commun de la production, de la consommation et des décisions) en appela d’autres : de 7 kibboutz en 1920, puis 145 à la veille de la création de l’Etat d’Israël en 1947[4], on arrive à 268 aujourd’hui[5].
Le déclin d’un modèle
A Degania, comme pour nombre de kibboutz, la vente de produits agricoles à faible valeur ajoutée ne permet plus aujourd’hui d’assurer la subsistance des membres de la communauté, elle a donc été abandonnée (pisciculture, fruits, légumes, ruches, vignes). En mars 2007[6], 85% des 330 adultes décident de récompenser ceux qui travaillent et de n’accorder que le minimum à ceux qui ne font rien, renversant ainsi le dogme : De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. Le versement de salaires individualisés, autrefois inconnu, est désormais devenu la règle (190 kibboutz sur 270)[7]. On assiste ainsi progressivement à une stratification sociale de plus en plus marquée[8].
Car Degania ne fait pas exception aux vagues de privatisations submergeant les kibboutz dans les années 70 voire avant : logements achetés par leurs occupants (avec l’apparition de clôtures et haies), introduction du salariat, développement de l’actionnariat dans les entreprises, fin de la démocratie directe remplacée par l’élection de conseils décisionnaires, réduction drastique des activités politiques, sociales et culturelles, remplacement des réfectoires par des cafétérias payantes, etc. Le kibboutz s’apparente chaque jour davantage aux « gated communities » et les réunions annuelles à des rassemblements d’actionnaires[2]. Depuis longtemps tiraillés entre volonté de préserver une structure horizontale et la complexité croissante de l’économie entraînant la mise en place de hiérarchies pyramidales, les communautés assistent souvent à l’affranchissement d’une classe de dirigeants et spécialistes. La démocratie directe se sclérose alors, leaders d’opinion et groupes de pression s’accaparant la parole sur fond d’absentéisme[8].
Ayant dit le funeste destin des kibboutz aujourd’hui, revenons un instant sur ce qui fit leur originalité et leur force, permettant à des communautés, majoritairement incultes en matière d’agriculture de s’implanter durablement sur des terres souvent arides et peu fertiles.
Une société sans argent pour une égalité parfaite
Au kibboutz, on mange au réfectoire « gratuitement », on ne reçoit pas de salaire, on ne paie pas de loyer, chacun reçoit des vêtements (pratique des débuts rapidement abandonnée). Aucune monnaie n’est donc utilisée à l’intérieur du kibboutz en dehors d’une petite allocation distribuée à chacun pour voyager ou faire des excursions hors du kibboutz.
La démocratie directe au cœur de la vie communautaire
D’abord fondée sur d’intenses contacts personnels tout au long de la journée dans des communautés très homogènes, la démocratie directe repose désormais plus spécifiquement sur l’assemblée générale en tant qu’organe de discussion et de décision (voir ici pour les outils de la prise de décision). Elle se tient chaque semaine, souvent dans la salle à manger commune. Elle entérine après échanges, les propositions des divers comités élus par elle pour une période de deux ans. On y vote à bulletin secret. Les centralisateurs (responsables des comités) sont les seuls à bénéficier de journées de travail pour effectuer leurs tâches. Les autres membres, doivent les assurer en surplus[8].
On y décide de toute l’organisation de la vie courante, du travail, de la consommation commune. On y supervise la création et la gestion des lieux de vie en commun : cafétéria, piscine, salles de sport, de spectacle, bibliothèques, etc.
Autogestion de la production
Dans les industries tout comme dans l’agriculture, des coordinateurs sont élus par l’assemblée générale : initialement à temps partiel dans la majorité des cas. Ces administrateurs assurent la coordination mais en aucun cas le contrôle des ouvriers et du travail en cours. Les conflits sont gérés par le groupe de travail. Aucun licenciement ne peut se faire sans l’aval de la communauté. Le contremaître n’a pas en charge la discipline, il indique à l’ouvrier ce qu’il peut faire et non ce qu’il doit faire. La plus grande autonomie est conservée, permettant à chacun de circuler librement et éventuellement de vaquer à ses occupations. Dans le modèle « pur » prévalent la variété des tâches, l’absence de spécialisation (manuelles, intellectuelles), la multiplicité des occupations (charges administratives à temps partiel) et la rotation des postes (on peut travailler quelques mois à la cuisine, puis à l’étable, etc.).
Si quelqu’un faisait preuve de paresse, nous cesserions de l’aimer dit un membre de Degania dans les années 20 [3]. « L’élan » donné par un mouvement utopique en train de se construire explique sans doute une partie de la motivation des travailleurs qui semble s’être quelque peu essoufflée aujourd’hui.
Innovation et coopération
L’industrie (comprenant la transformation des produits agricoles) et les services occupent désormais 85% des travailleurs des kibboutz bien qu’on puisse le déplorer car en entrant dans le vaste jeu de la concurrence nationale et internationale, les kibboutz ont souvent perdu leur âme. Avec la recherche et grâce aux facilités de financement du crédit coopératif entre kibboutz ou à la centralisation des demandes auprès d’une banque principale, beaucoup de ces entreprises sont parvenues à des positions dominantes dans des domaines spécialisés[8]. L’industrie favorise alors le recrutement de salariés extérieurs au kibboutz, pratique largement proscrite dans les débuts. La « réussite économique » est ainsi manifeste même si ces chiffres cachent une grande disparité et se fait au détriment de l’éthique kibboutzique : l’ensemble des kibboutz soit 2,9% de la population[9], fournit 34% de la production agricoles et 9% pour l’industrie[10].
Propriété collective
Il n’existe pas de propriété privée en dehors des biens mobiliers donnés ou acquis. Les terres sont la propriété d’un fonds qui les concède au kibboutz de même que les biens immobiliers [7].
La taille moyenne d’un kibboutz est d’environ 500 ha en 1979[8] et l’ensemble des kibboutz possède alors 10% des terres de l’Etat d’Israël [7].
Une taille modeste
En 1920 Degenia se scinda en deux pour limiter la taille des communautés et la conserver en deçà de la taille critique.
Dans les industries qui ne tardèrent pas à émerger, tout comme aux champs, des groupes de 6 à 12 membres travaillent côte à côte et constituent des unités autonomes. Les unités de production industrielles ne dépassent que rarement 100 personnes [3].
L’ordre sans la loi
La cohésion sociale (pouvant devenir pression sociale), l’intimité entre membres, l’adhésion volontaire et la confiance sont les forces régulatrices du groupe. Les interactions en face à face plutôt que les règlements édictés permettent de gérer les conflits et plus généralement le quotidien dans une absence de criminalité ou de violence souvent observée dans des communautés allant jusqu’à 1000 personnes. On dénombre par ailleurs de très faibles taux de suicide, maladie mentale, délinquance juvénile, toxicomanie, du fait du sentiment d’appartenance à un collectif et des mécanismes de coopération mis en oeuvre. La faiblesse de ces phénomènes témoigne d’un bien-être social trouvant peu d’équivalent dans la société industrielle moderne [3].
L’éducation au cœur d’une utopie
Les enfants doivent constituer leur propre communauté. On limite donc autant que possible les « sentiments égoïstes » en minimisant la relation exclusive parent / enfant au profit d’institutions communes (pouponnière puis maison des enfants, etc.). Des groupes d’environ 16 enfants vont ainsi de la maternelle au lycée ensemble, vivant comme dans un internat démocratique (en décidant leurs règles de vie) avec la visite épisodique de leurs parents. Ces pratiques radicales furent critiqués et souvent abandonnées ou assouplies après qu’on eut remarqué les conséquences psychiques délétères chez les enfants exposés à cet éloignement familial [3].
Les études ne sont sanctionnées ni par des examens ni par des notes. L’histoire et l’idéologie du kibboutz tiennent une grande place dans la formation. On articule étroitement formation intellectuelle et manuelle et les enfants participent rapidement aux travaux des adultes ou à des travaux similaires dans leur propre communauté d’enfants [7].
Des communautés organisées en réseaux
Plusieurs fédérations regroupent les kibboutz et aident à coordonner leurs actions. Des écoles, installations de santé, coopératives de matériels sont créés grâce à l’union de plusieurs kibboutz qui ne peuvent pas offrir seuls ces installations à leurs membres [7].
Communauté ou gestion de la vie en commun
On le voit, les options que l’on pourrait qualifier de radicales mises en place au sein des kibboutz sur une assez vaste échelle nous livrent un témoignage précieux : celui des succès et des limites[11] de la vie en communauté au sein de la société israélienne.
Toute la question est donc de savoir si cette expérience égalitaire est un bloc ou si on peut envisager une vie fondée sur la démocratie directe en dehors d’une vie communautaire totale comme celle des premières kibboutz (ou de résurgences plus récentes comme par exemple à Samar[12]). Comment créer la confiance, l’envie de coopérer nécessaires à une société réellement démocratique ? Jusqu’où est-il nécessaire de collectiviser la vie d’un groupe, où mettre la frontière entre l’intime et le public, l’individu et la société ?
De toute évidence la disparition des espaces communs capables d’impulser une dynamique collective sont regrettables. Ainsi en France, des terres continuent d’appartenir collectivement aux habitants des communes concernées. Ces parcelles subsistant sous l’appellation méconnue de « biens sectionaux des communes » représentent pour un département comme la Lozère 71000 ha[13]. Ces terres subsistants aux frontières de « l’ultra-ruralité », bien que de peu de poids et d’ailleurs totalement ignorées, pourraient-elles pourtant participer à une reconquête démocratique ? Ainsi, en va-t-il de l’affouage, un droit et une pratique ancienne permettant aux habitants des 10000 communes concernées de prélever du bois de chauffage selon des modalités définies sur le terrain. Cette pratique conviviale, locale donc écologique, à l’opposé de l’industrialisation des forêts concernerait encore 500000 foyers. Un point de départ pour « réinventer d’autre imaginaires énergétiques? » [14].
[1] Ce texte a été écrit par Philon d'Alexandrie et cité dans « Vivre au kibboutz » par David Catarivas.
[2] A l’époque sous le contrôle de la Turquie. Le protectorat Britannique débute en 1920 et prend fin avec la création de l’Etat d’Israël en 1948. En 1917, la déclaration de Lord Balfour, ministre des affaires étrangères britannique, encourageait déjà les Juifs à s’établir en Palestine pour y créer un foyer national juif.
[3] Le mouvement des Kibboutz et l’anarchie : une révolution vivante par James Horrox (2018)
[4] soit 7.5% de la population juive et 54 000 personnes
[5] Avrahami, 1998 cité par Youval ACHOUCH & Yoann MORVAN dans « Les utopies sionistes, des idéaux piégés par une histoire tourmentée : kibboutz et villes de développement en Israël ». 2013
[6] Journal Le Telegramme 16/07/2007
[7] Kibbutz Industries Association (kia.co.il)
[8] Le Kibboutz collection « Que sais-je » par Eliezer Ben-Rafael, Maurice Konopnicki, Placide Rambaud (1983)
[9] Between Market, State, and Kibbutz par Christopher Warhurst 1999
[10] Kibbutz Industries Association (kia.co.il)
[11] Rappelons que les kibboutz ont largement participé à l’émergence du nationalisme Israélien, participant aux différentes guerres et actions d’expansion territoriale. Ainsi entre 1947 et 1949 un demi-million d’Arabes sont chassés ou fuient les territoires contrôlés par Israël. Un contingent non négligeable de militaires y compris dans l’encadrement sont issus des kibboutz (Moshe Dayan, le premier bébé de Degania devint chef d’Etat-major de l’armée israélienne et architecte de la « victoire » lors de la guerre de 1967 en tant que ministre de la défense). Cité par James Horrox. Autre échec : l’intégration des immigrés à partir des années 50, dont un fort contingent venait d’Afrique du nord et du Moyen Orient.
[12] A Samar, Oasis fondé en 1976 dans le désert du Néguev, environ 200 personne continuent de pratiquer les usages originels : aucun comité, budget ou règle formelle, pas d’obligation de travailler et une totale liberté dans le choix du travail et ses modalités, pas de listes de corvées, pas de compte de banque personnel mais une bourse où chacun peut puiser, des assemblées générales non codifiées. Et ça marche, malgré les difficultés (organiser le travail notamment), le kibboutz s’épanouit.
[13] Le rapport Lemoine (1999 et 2003) fait état de 26 000 sections de communes dont seules 200 seraient gérées par une commission syndicale. Elles sont couvertes de forêt pour 65% de la surface et de pâturages pour 21%. La surface cumulée semble inconnue en raison des réponses incomplètes des départements à l’enquête, toutefois, la Lozère, département qui semble en compter la plus grande étendue fait état d’un total 71000 ha.
[14] La Décroissance. Février 2020