Comment sont répartis les régions (caracoles) et les Communes de l’autogouvernement zapatiste au Chiapas dans le sud du Mexique?
Rappelons à la suite de l’article sur la géographie du Chiapas, que cet Etat du Mexique est le cœur historique du soulèvement zapatiste oeuvrant depuis près de 30 ans à la mise en place d’une véritable autonomie – voire 500 ans si l’on prend pour point de départ la résistance à la colonisation.
Les structures politiques en place depuis 2003 (voir cet article détaillant l’organisation de l’autonomie) permettent de gérer un territoire grand comme la Belgique dans lequel sont juxtaposées des Communes acquises au “mauvais gouvernement” et des populations se réclamant du zapatisme. Nous présentons ici une carte remise à jour par nos soins, détaillant la structure politique zapatiste dans l’Etat du Chiapas.
Cette carte empruntant aux documents émis par Maël Lhopital, volontaire de la DESMI, et Gustavo Castro du CIEPAC dans un effort pour actualiser le découpage politique zapatiste depuis la création des Caracoles (2003) et les annonces de la création de nouveaux territoires autonomes (2019).
Voici pour mémoire une carte générale de l’Etat du Chiapas
Et la carte mise à jour de l’organisation politique comprenant les structures créées en 2003 et 2019.
General Emiliano Zapata San Pedro de Michoacán Libertad de los Pueblos Mayas Tierra y Libertad
X Las Margaritas X Las Margaritas y Trinitaria
2
Torbellino de nuestras palabras
Morelia
17 de Noviembre Primero de Enero Ernesto Ché Guevara, Olga Isabel Miguel Hidalgo Vicente Guerrero
Altamirano y Chanal Ocosingo Ocosingo X Comitán y Las Margaritas Palenque
3
Resistencia hacia un nuevo amanecer
la Garrucha
Francisco Gómez San Manuel Francisco Villa Ricardo Flores Magón
Ocosingo Ocosingo X Ocosingo
4
El caracol que habla para todos
Roberto Barrios
Vicente Guerrero Trabajo La Montaña San José en Rebeldía La Paz Benito Juarez Francisco Villa
Palenque Palenque y Chilon X X Tumbalá y Chilón Tila, Yajalón y Tumbalá Salto de Agua
5
Resistencia y rebeldía por la humanidad
Oventik (V)
San Andrés Sakamchén de los Pobres San Juan de la Libertad San Pedro Polhó Santa Catarina Magdalena de la Paz 16 de Febrero San Juan Apóstol Kankujk
San Andrés Larráinzar El Bosque X Pantelhó y Sitalá San Pedro Chenalhó X San Juan Cancuc
6
Colectivo el corazón de semillas rebeldes
La Unión
Ocosingo
7
Jacinto Canek
Comunidad del CIDECI-Unitierra à San Cristóbal de las Casas (Université de la Terre)
San Cristóbal de las Casas
8
Resistencia y Rebeldía un Nuevo Horizonte
Dolores Hidalgo
Ocosingo
9
En Honor a la memoria del Compañero Manuel
Poblado Nuevo Jerusalén
Ocosingo
10
Floreciendo la semilla rebelde
Poblado Patria Nueva
Ocosingo
11
Espiral digno tejiendo los colores de la humanidad en memoria de l@s caídos
Tulan Ka’u
Amatenango del Valle
12
Raíz de las Resistencias y Rebeldías por la humanidad
ejido Jolj’a
Tila
[1] Caracol signifie escargot et correspond à une "région administrative" accueillant en son chef lieu un Conseil de bon gouvernement (Junta de Buen Gobierno) ainsi que des installations éducatives, sanitaires, de production, de rencontres. Les 5 premiers ont été créés en 2003, les suivants en 2019.
[2] En référence au nom de la ville où se scella le rapprochement entre les armées de Zapata et de Villa. Ce terme a été remplacé par Caracol en 2003 bien que ces dénominations subsistent.
[3] Municipios Autónomos Rebeldes Zapatistas (MAREZ) ou Communes autonomes rebelles zapatistes, conservent leur autonomie en matière de justice, de santé, d’éducation, de logement, de gestion de la terre et des cultures et de la commercialisation de celles-ci.
[4] Le Mexique compte 2500 Municipalités ou Communes dont l'étendue et la démographie se rapprochent plutôt du concept de canton en France.
Y-a-t-il de vraies idées derrière ce titre qui se la pète ? Si oui, existe-t-il des conditions géographiques favorables à l’autogouvernement ? Faut-il être isolé pour résister ? Si on n’est pas né dans le bon pays, reste-t-il un espoir ?
Depuis longtemps, on sait que certains peuples sont plus difficiles à soumettre que d’autres, qu’il est des zones où la domination de l’Etat parvient plus difficilement à s’imposer. Cela a été noté par le philosophe arabe Ibn Khaldun dès le XIVè siècle ou plus récemment par Fernand Braudel évoquant l’autonomie naturelle des montagnes[1].
L’isolement favoriserait l’autonomie. Des territoires en marge, occupés par des peuples culturellement non alignés, ont été et demeurent des refuges de libertés. L’histoire en a fourni de nombreux exemples parmi lesquels on peut citer :
La République des Escartons : de 1343, date de la Grande Charte, à la Révolution française, des territoires autour de Briançon s’élevant de 900 à 4100 mètres et regroupant près de 40 000 habitants ont vécus, bien avant l’heure, la démocratie patriarcale (vote des hommes uniquement). On ne connaîtra un équivalent stable en France qu’à partir de 1870.
La Zomia, désignation récente d’une zone d’Asie hors du contrôle direct des 8 Etats qu’il occupe. Ce terme, qui signifie « gens des montagnes », décrit la réalité d’une région de 2,5 millions de km² (taille proche de celle de l’Europe) à la périphérie de l’Asie du Sud Est continentale, de la Chine, de l’Inde et du Bengladesh, rassemblant 80 à 100 millions de personnes, une centaine d’identités ethniques et au moins 5 langues. Les altitudes relevées s’échelonnent ici entre 200 et 4000 mètres de hauteur.[2]
Où sont situés les zapatistes dans l’Etat
du Chiapas ?
Examinons maintenant plusieurs cartes corroborant l’idée d’une géographie de l’isolement.
Isolement géographique du fait de l’altitude
A noter, la Sierra Madre de Chiapas, près de la côte sud de l’Etat, ne participe pas au mouvement zapatiste. Il s’agit pourtant de la chaine la plus haute du Chiapas avec un sommet culminant à 4 064m (volcán de Tacaná).
Isolement géographique du fait d’un boisement
important (en forte
régression)
Isolement culturel et peuplement indigène
Ici, la correspondance
entre la carte des minorités indigènes et celle des zones zapatistes apparait
fortement.
Le Chiapas ne semble donc pas faire exception à la règle isolement = autonomie = liberté.
Les choix de la liberté zapatiste
L’isolement géographique et culturel du Chiapas ou d’autres régions similaires, nous conduit naturellement à penser qu’il s’agit d’une situation subie par les populations qui y vivent. Les conditions de vie y sont en effet, plus âpres du fait de sols souvent infertiles, de l’enclavement, et d’un climat rigoureux. Et pourtant, ces zones sont aussi des zones de libertés choisies plutôt que de domination subie. Des populations s’y sont fixées délibérément pour échapper à l’impôt leur arrachant une partie de leur travail, pour fuir la domination culturelle niant une partie de leur identité, pour éviter les réquisitions de biens et de populations diligentées par des Etats en quête d’expansion guerrière. [3]
Tout n’est pas perdu pour les territoires du
centre
Faut-il désespérer du
fait de nos sociétés englobant toutes les marges, gommant toutes les
différences, acculturant toutes les identités à coups de politiques
centralisatrices et de déploiement d’infrastructures tentaculaires (TGV, fibre
optiques, GSM de 5ème génération, etc.) ?
L’homogénéisation du monde (le monde « industrialisé » tout
du moins), si abondamment commentée, écarte-t-elle tout espoir de démocratie
directe ?
Si ce monde sans différence rend sans doute l’émergence d’un modèle alternatif plus difficile, son basculement en masse peut théoriquement advenir très rapidement. L’histoire a prouvé que toutes les mobilisations qui réunissaient plus de 3,5% de la population réussissaient à faire basculer un système. En France, cela fait 2,5 millions de personnes[4].
La difficulté porte donc sur la mise en route d’alternatives. Mais pourquoi ne pas imaginer, comme l’indique J. Baschet cité à la fin de cet article, une démocratie directe se superposant à l’infrastructure politique classique avant de la supplanter définitivement ? Dans ce cas par exemple, un autogouvernement municipal détient la réalité du pouvoir de décision car les habitants ont su se fédérer autour de ce projet. Les instances officielles ne font alors qu’entériner les décisions prises par les citoyens.
Enfin, ayons en tête, à rebours de l’esprit jacobin issu de la révolutionnaire française, et à l’image de la réalité du soulèvement zapatiste, que des territoires insoumis peuvent cohabiter avec d’autres territoires encore dominés par un Etat centralisé et unificateur. Des modèles alternatifs peuvent se loger dans les interstices d’un modèle dominant ; et en se combinant, à terme le remplacer.
Partout où il y a des montagnes, il règne un esprit de liberté.
NAPOLÉON
[1] Zomia. James Scott. Seuil 2013
[2] Zomia Ibid
[3] Zomia Ibid
[4] La Décroissance n° 157, mars 2019
La démocratie directe intégrale : comment ça marche ? Peut-on la réduire en principes ? De quelle façon fonctionne-t-elle dans le Chiapas zapatiste ?
Nous avons vu dans cet article, les grandes lignes du mouvement néo-zapatiste au Mexique. Zoomons davantage et tentons maintenant d’en décomposer les mécanismes afin d’entrevoir l’organisation concrète de ce gouvernement autonome.
Apprendre en marchant, chacun à son rythme
En tant qu’organisation
non étatique et égalitaire le Chiapas zapatiste mêle à la fois des pratiques
ancestrales (assemblées communautaires), une culture indigène prégnante et des
« institutions » récentes comme les Conseils de Bon Gouvernement
organisant les pouvoirs régionaux depuis 2003.
Au rang des principes régissant cette organisation zapatiste, notons tout d’abord… qu’il n’y a justement PAS de principe intangible. Plutôt qu’un « modèle procédural fixe et unique » [1], l’autogouvernement zapatiste préfère les approches pragmatiques et dynamiques dans lesquelles pratiques concrètes et expériences priment. Chaque problème amène sa solution au travers d’un mélange de discussion collective réunissant tous les habitants qui le souhaitent et leur représentation élue.
Cette plasticité des organes de gouvernement s’observe à la fois dans le temps (évolution des règles d’année en année) et dans l’espace (fortes variations d’une région à l’autre). Ainsi par exemple, dans la région I, que nous allons prendre comme exemple, le nombre de conseillers est passé de 8 en 2003 à 12 puis 24 en 2014. De même, suivant les zones où s’exerce l’autogouvernement au Chiapas, les règles diffèrent notablement : Existence ou non d’un conseil des Anciens, durée des mandats, attributions des élus, etc.[2] Cette adaptabilité qui peut être vue comme une force est aussi le résultat de contraintes spécifiques : guerre larvée menée par le gouvernement de Mexico, discontinuitédesterritoires zapatistes entremêlés avec des communes soumises au gouvernement central.
Si les institutions
sont impermanentes et géographiquement hétérogènes, comment obtient-on la
stabilité nécessaire à un autogouvernement apaisé ? La culture indigène du
« nous » plutôt que celle du « je » semble à ce égard, jouer
un rôle décisif dans la stabilité du système. Les 7 recommandations à
destinations des autorités élues et connues comme le « commander en obéissant » reflètent cet état d’esprit :
1 – Servir et non se servir 2- Représenter et non supplanter 3- Construire et non détruire 4- Obéir et non commander 5- Proposer et non imposer 6- Convaincre et non vaincre 7- Descendre et non monter
Une organisation reposant sur les assemblées
Il existe 3 échelons de répartition du pouvoir civil :
les communautés constituées des villages, la commune (4 communes dans la région
I) et la région (caracol dans le langage zapatiste).
Chaque strate exerce son pouvoir à son niveau sans pour autant qu’il existe de frontières absolues entre les uns et les autres[3].
Survivance de la
tradition indigène, l’assemblée de chaque communauté est l’organe majeur de
décision. Aussi, le schéma des différents organes de gouvernement illustrant
cet article propose-t-il une lecture renversée dans laquelle les communautés ou
villages sont situés en haut du diagramme et non en bas.
Les enfants à partir de 12 ans peuvent participer aux assemblées en tant que membre, c’est-à-dire y prendre la parole, même s’ils ne peuvent être élus à des charges qu’à partir de 16 ans[4].
Il est très difficile de trouver des chiffres concernant la démographie zapatiste. D’après cette source[5], la Région I comprendrait 10 000 habitants répartis dans 60 communautés, soit 60 assemblées communautaires, mais cela semble assez faible en regard du nombre global de zapatistes généralement avancé (entre 200 000 et 300 000).
Les assemblées des communautés et des communes sont ouvertes à tous les habitants. Les assemblées des régions sont, elles, composées des autorités élues par les communes. Pour élire des autorités, une majorité des habitants présents est nécessaire.
Les mandats et le travail des autorités
On regroupe sous le
terme « autorités », les
personnes élues par chacune des 3 assemblées (communautaire, communale,
régionale). Les mandats sont « politiques » (commissaires, agents,
conseillers du bon gouvernement, etc.) ou « économiques »
(responsable des travaux collectifs dans tel ou tel domaine). Tous les mandats
sont bien entendu révocables à n’importe quel moment. Par ailleurs, si des
manquements sont attribués à une autorité, il ou elle en est responsable sur
ses propres deniers.
Il n’est pas
nécessaire d’appartenir à un parti pour prétendre à un mandat. Il n’y a pas de
campagnes électorales et les candidats se font connaître lors des assemblées.
Le processus d’élection d’une assemblée communautaire autonome résulte de compromis réciproques entre les
autorités et le peuple. Le critère d’élection décisif semble être celui du
respect : respect de la communauté à l’égard du candidat et respect
affiché du candidat pour la communauté.
Les mandats sont pourvus en dehors de toute capacité. Le compañero doit apprendre (y compris à lire et à écrire si nécessaire) puis faire le travail pour lequel il a été élu. « Ne pas savoir est ce qui permet d’être une bonne autorité. »[6]
La réélection au même
poste n’est pas interdite mais la charge élue étant bénévole et demandant un
investissement personnel important, elle est très rare.
Enfin, il est impossible de cumuler des mandats civils et
militaires.
Au niveau communautaire, l’assemblée nomme a minima pour 1, 2 ou 3 ans
suivant les lieux et les pratiques :
un agent
et son équipe (suppléant, secrétaire, trésorier, chef de la police
communautaire),
un commissaire
et son équipe (conseil de vigilance, secrétaire, trésorier).
Au niveau de la commune les autorités sont élues pour 3 ans sauf cas
particulier car il n’existe pas de règle intangible. L’assemblée de la commune
est composée des habitants de toutes les communautés la composant. Une majorité
des habitants présents est nécessaires pour élire des autorités émanant de
chaque communauté.
Au niveau de la région, et pour la zone de notre exemple (région I),
24 personnes se répartissent les 8 domaines d’action du Conseil de Bon
Gouvernement en 2 équipes de 12. Cette répartition s’effectue afin que chaque
domaine regroupe a minima 2 personnes (principe de collégialité) et que des
élus expérimentés cohabitent avec des plus novices (sachant que le Conseil de
Bon Gouvernement se renouvelle partiellement tous les ans). Chaque personne a
au moins 2 domaines sous sa responsabilité. Les mandats sont de 3 ans. Chacune
des 2 équipes assure une permanence de 15 jours (au siège du Conseil de Bon
Gouvernement). Cette occupation de poste par quinzaine permet aux personnes
concernées de conserver leur activité de subsistance (car les mandats sont
bénévoles comme à tous les niveaux). Afin d’aider ces autorités dans leur
travail, des villageois sont désignés pour remplacer les autorités dans leur
activité pendant leur absence au service de leur communauté. Cette
discontinuité dans l’exercice de ces fonctions électives permet également de
porter un regard neuf sur les problèmes rencontré par les autorités en charge
les 15 jours précédents.
A noter qu’il n’existe
pas d’exclusivité de compétence au
sein du Conseil de Bon Gouvernement, même si par souci d’efficacité, les 8
domaines sont répartis entre ses membres comme nous l’avons vu. Les décisions peuvent ainsi être prises par
tous ses membres si l’importance du sujet le requiert. Certains membres dont ça
n’est pas le domaine peuvent également apporter leur aide au cas par cas. Il
n’y a pas de pré-carré, d’expertise exclusive, les décisions sont partagées.
La parité homme, femme est respectée dans la dernière mandature du Conseil de Bon Gouvernement de la Région I[7].
La politique c’est la vie et inversement
proportionnel
« Le matin, les hommes vont travailler leur terres, terres qui requièrent beaucoup d’attention car aucun engrais ou pesticide n’y sont utilisés, pendant que les femmes s’occupent de la maison, du verger, des enfants et du bétail. L’après-midi, tous remplissent leurs obligations en tant qu’autorité ou dans les travaux d’intérêt général qui ont été attribués pour le bien de la communauté. Le soir, et toujours bénévolement, Il n’est pas rare que les autorités soient obligés de poursuivre le travail administratif en cours. »[8]
Dans ce portrait largement positif de l’autonomie zapatiste, rappelons pour nuancer le propos, que la mise en route de l’autogouvernement zapatiste a découlée d’une insurrection armée et que l’armée (EZLN) reste une organisation non démocratique coexistant avec les pouvoirs civils[9]. Cette organisation qui garantit l’exécution des pouvoirs civils dans une région où les troubles fomentés par le gouvernement de Mexico sont fréquents[10] pourrait-elle basculer dans la dictature comme cela a si souvent été observé en pareil cas ? Les moyens violents utilisés par les zapatistes ont été et demeurent extrêmement limités (seulement 12 jours d’insurrection en 1994), faut-il voir cependant dans l’EZLN une menace potentielle à la poursuite du chemin d’autogouvernement ?
De même, le mode de décision collective utilisé par les zapatistes a connu et connait de nombreux échecs, abondamment relatés dans le support de cours de la petite école zapatiste de 2014[11].
Toutefois, la transparence et l’humilité avec laquelle sont exposés les déboires de cette démocratie directe, semble plaider en faveur des insurgés mexicains. La démarche d’essais et erreurs, si elle ne permet pas d’éviter les revers, fournit de nombreux résultats positifs.
Et chez nous, comment pourrait-on transposer une
telle organisation ?
En définitive, le
succès de l’autogouvernement zapatiste, semble davantage tenir de la culture
que de la mécanique institutionnelle, du savoir-être
plutôt que du savoir-faire. A ce titre, l’éducation et la formation constituent,
a fortiori dans des sociétés complexes comme les nôtres, un enjeu majeur de
réussite. La mise en place de programmes d’éducation autonome au Chiapas a sans
doute fortement contribué à la pérennité de l’autonomie zapatiste. Les buts
recherchés doivent être ici identiques, à savoir : une éducation
démocratique dominée par des citoyens acteurs et non des experts, le
développement du sens critique plutôt que l’acquisition de savoirs
institutionnels menant à des comportements stéréotypés. Des citoyens accédant à
des mandats politiques se doivent donc d’être formés dans l’indépendance. On
peut penser par exemple à des formations de pair à pair : formation des
nouveaux élus par les élus de la précédente mandature.
Les 35 000 communes françaises rassemblant chacune près de 1 800 habitants pourraient être le coeur d’une nouvelle vie démocratique centrée sur l’autogouvernement. Jérôme Baschet nous dit que « le moment des municipales pourrait être un prétexte pour relancer la formation d’assemblées populaires, au niveau des quartiers ou des communes, qui seraient à même de prendre en charge l’organisation de certains aspects de la vie collective. Dans le cas où elles en auraient la force, elles pourraient tenter de s’emparer des communes pour étendre leur capacité d’action, tout en transformant les élus municipaux en simples exécutants des décisions des assemblées. »[12] Si les modalités de cette transition démocratique peuvent revêtir des formes multiples, la condition de cet avènement autogouvernemental est pourtant unique : la volonté populaire.
Pour aller plus loin :
Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. 2014. Support de cours de la petite école zapatiste publié en 2014 et disponible dans sa traduction française sur le site ztrad.toile-libre.org
Autonomia de Jérôme Baschet (en Espagnol)
Centro de documentacion sobre zapatismo (cedoz.org) (en Espagnol)
Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (cspcl.ouvaton.org)
Espoir Chiapas (espoirchiapas.blogspot.com)
[1] Autonomia de Jérôme Baschet
[2] Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. 2014.
[3] Gobierno autónomo zapatista. Características antisistema político mexicano (2010) par Paulina Fernandez.
[4] Paulina Fernandez ibid
[5] Dénommée « Madre de los caraoles, Mar de nuestros sueños », l’une des 12 régions constituées (5 en 2003, 7 en 2019), autrement appelée « La Realidad » avant 2003.
[6] Autonomia de J. Baschet p. 32
[7] Pour 2014, d’après « Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. »
[8] Témoignage d’un observateur prénommé Niel en 2015 sur vientosclaros.wordpress.com - diario-11-la-realidad-zapatista-caracol-i-madre-de-los-caracoles-mar-de-nuestros-suenos
[9] Qui tire sont indéniable légitimité de la rudesse de ses conditions initiales. Comme l’évoque le Commandant Marcos dans un entretien de 1995, la vie des insurgés militaires était encore plus frustre et difficile que celle des plus pauvres paysans des montagnes du Chiapas.
[10] Entretien de groupes paramilitaires par le gouvernement central, tentatives de déstabilisation par des politiques de grands travaux ou par la mise en place de subventions opportunistes aux non-zapatistes.
[11] Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. 2014
[12] Entretien Jérôme Baschet avec le Blog espoir Chiapas le 24/09/19