Lois révolutionnaires zapatistes, la construction du foyer de la démocratie directe

A partir de quelles règles s’est construite l’expérience zapatiste? Comment ce socle de lois a-t-il été conçu? Quels aspects de la vie quotidienne sont pris en compte dans ce texte?
excusez du dérangement, ceci est une révolution

Nous avons vu la « genèse » de la révolution zapatiste dans cet article, attardons-nous à présent sur les « lois divines » rendues publiques peu avant l’insurrection: les lois révolutionnaire. Ce corpus diffusé en décembre 1993 ne tient pas lieu de constitution (voir cet article sur l’absence de constitution), mais édicte des règles de transition à appliquer sur les territoires sous le contrôle des zapatistes.

Au commencement, donc, était l’EZLN, armée de libération soutenue par une grande partie de la population locale. Cette armée commandée par le comité clandestin révolutionnaire indigène (CCRI) et dont Marcos est le chef militaire en même temps que porte-parole édicte donc un texte portant à la fois les principales revendications bientôt regroupées dans la formule Liberté, Justice, Démocratie et les principales règles permettant une vie décente pour les populations locales.

En résumé, ces lois révolutionnaire visent à :

  • Limiter les dérives autoritaires ou mercantiles de l’armée ou de fractions de celle-ci.
  • Interdire l’immixtion des militaires dans les affaires civiles et notamment les processus de démocratie.
  • Permettre à l’armée de subsister sur les territoires contrôlés en bénéficiant de logements et de vivres, sans abus ou disproportion par rapport aux conditions de vie des populations locales.
  • Mettre en place des impôts révolutionnaires sur les territoires contrôlés par les zapatistes avec des taux importants pour les grands (20% des revenus) et une exonération pour les petits.
  • Abolir les impôts et taxes du mauvais gouvernement.
  • Promouvoir la tenue d’élections libres et démocratiques, et responsabiliser les élus : compte-rendu régulier à la population,  responsabilité de l’argent public dépensé.
  • Déposséder les propriétaires d’un terrain excédant 100 hectares en mauvais état ou 50 hectares en bon état pour qu’il ne lui soit laissé que le minimum autorisé. Ces terres vont en priorité aux paysans sans terres.
  • Exproprier les grandes entreprises agricoles au profit de coopératives.
  • Reboiser, préserver l’eau, les forêts.
  • Mettre en place de centres de commerces pour un achat des denrées au juste prix et une revente à prix équitable.
  • Bâtir des centres de santé pour tous avec des médicaments gratuits pour le peuple, des centres de loisirs pour tous, des écoles gratuites, des centres de construction pour aider à bâtir des maisons et infrastructures, des centres de services pour fournir au peuple électricité et aménagements.
  • Permettre l’occupation des bâtiments publics et des grandes demeures par le peuple.
  • Suspendre les loyers pour les locataires occupant un logement depuis plus de 15 ans et réduire à 10% des revenus du chef de famille pour les autres.
  • Interdire la discrimination des femmes, en particulier dans la gestion des affaires de la communauté ou à tous les grades de l’armée.
  • Garantir leur droit de choisir un époux, de travailler, de décider du nombre d’enfants qu’elles veulent.
  • Obliger les entreprises étrangères à payer leurs employés en monnaie nationale au tarif horaire équivalent à celui qu’elles pratiquent en dollars à l’étranger.
  • Revoir les salaires, procurer une assistance médicale gratuite payée par les patrons, mettre à disposition des actions de l’entreprise au prorata de l’ancienneté.
  • Réguler des prix des denrées de première nécessité.
  • Fournir un logement et une nourriture gratuits pour les personnes âgées sans famille.
  • Garantir les pensions de retraites au niveau du salaire minimum.
  • Libérer tous les détenus à l’exception des assassins, des violeurs et des dirigeants du trafic de drogue.

Voici ce texte.

Paru dans le premier numéro de « Le réveil mexicain », organe d’information de l’EZLN (Armée de libération zapatiste au Mexique) en décembre 1993[1].

Mexicains ! Ouvriers, paysans, étudiants, profesionistas[2] honnêtes, chicanos[3] progressistes d’autres pays, nous avons entrepris la lutte qu’il nous faut mener pour obtenir ce que l’État mexicain n’a jamais voulu nous accorder : le travail, la terre, un toit, l’alimentation, la santé, l’éducation, l’indépendance, la liberté, la démocratie, la justice et la paix.

Nous avons passé des centaines d’années à réclamer des promesses jamais tenues (et à y croire), on nous a toujours demandé d’être patients et de savoir attendre des temps meilleurs. On nous a conseillé la prudence, et on nous a promis que l’avenir serait différent Or nous avons vu que non : tout est pareil ou pire que ce que vécurent nos grands-parents et nos parents. Notre peuple continue de mourir de faim et de maladies curables, en proie à l’ignorance, l’analphabétisme et l’inculture. Et nous avons compris que si nous ne nous battons pas, nos enfants à leur tour auraient à en passer par là. Et ça n’est pas juste.

Peu à peu, le besoin nous a rassemblés et nous avons dit : ÇA SUFFIT. Nous n’avons plus le temps, ni l’envie d’attendre que d’autres viennent résoudre nos problèmes. Nous nous sommes organisés et avons résolu D’EXIGER CE QUI NOUS EST DÛ LES ARMES À LA MAIN, ainsi que l’ont fait les meilleurs fils du peuple mexicain au long de son histoire.

Nous avons engagé les combats contre l’Armée fédérale et les autres forces de répression ; nous sommes des milliers de Mexicains prêts à VIVRE POUR LA PATRIE OU MOURIR POUR LA LIBERTÉ dans cette guerre nécessaire pour tous les pauvres, les exploités et les miséreux du Mexique et nous n’arrêterons pas avant d’avoir atteint nos objectifs.

Nous vous exhortons à rejoindre notre mouvement car l’ennemi que nous affrontons, les riches et l’Etat, cruel et sans pitié, ne mettra aucun frein à sa nature sanguinaire pour en finir avec nous. Il faut lui donner la réplique sur tous les fronts, et c’est pourquoi votre sympathie, votre appui solidaire, votre capacité à divulguer notre cause, à adhérer à nos idéaux, à prendre part à la révolution en encourageant vos concitoyens à se lever, où que vous soyez, seront des facteurs très importants jusqu’au triomphe final.

LE RÉVEIL MEXICAIN est le journal de l’Armée zapatiste de Libération nationale, son rôle est d’informer notre peuple du déroulement de la juste guerre que nous avons déclarée à nos ennemis de classe. Dans ce premier numéro, nous présentons la Déclaration de guerre que nous adressons à l’Armée fédérale, et nous donnons les ordres auxquels doivent obéir les chefs et offi­ciers des troupes de l’EZLN lors de leur progression sur le territoire national. Nous présentons aussi les Lois révolutionnaires qui s’instaureront, avec le soutien des peuples en lutte, dans les territoires libérés pour en garantir le contrôle révolutionnaire et seront les fondations sur lesquelles bâtir une nouvelle Patrie.

VIVRE POUR LA PATRIE OU MOURIR POUR LA LIBERTÉ

Instructions aux chefs et officiers de l’EZLN

Les ordres suivants doivent être obligatoirement suivis par tous les chefs et officiers des troupes sous la direction de l’Armée zapatiste de Libération nationale.

Premièrement – Vous opérerez en accord avec les ordres que vous recevrez du Commandement général ou des commandements du front de combat.

Deuxièmement – Les chefs et officiers opérant militairement dans des zones isolées ou rencontrant des difficultés de communication avec les commandements devront effectuer leurs tâches militaires, combattre constamment l’ennemi, selon leur propre initiative, en veillant à favoriser la progression de la révolution là où ils se trouvent.

Troisièmement – Ils devront remettre des rapports de guerre à chaque fois que ce sera possible et au moins de façon mensuelle à leurs commandements respectifs.

Quatrièmement – Il leur faudra, dans la mesure du possible, assurer le bon ordre des troupes, particulièrement lors de l’entrée dans des agglomérations, donnant toutes sortes de garanties quant à la vie et aux intérêts des habitants non ennemis de la révolution.

Cinquièmement – Pour subvenir aux besoins matériels des troupes et tant que cela sera possible, ils devront imposer des contributions de guerre aux négociants et aux propriétaires dans la zone où ils opèrent, dans la mesure où ceux-ci disposent d’importants capitaux, conformément à la LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE et aux lois révolutionnaires d’affectation de capitaux commerciaux, agricoles, financiers et industriels.

Sixièmement – Les fonds matériels ainsi recueillis seront intégralement consacrés aux nécessités matérielles des troupes. Le chef ou l’officier qui détournerait une partie de ces fonds à des fins personnelles, si petite fut-elle, sera fait prisonnier et jugé, selon le règlement de l’EZLN, par un tribunal militaire révolutionnaire.

Septièmement – Concernant l’alimentation des troupes, la pâture des chevaux, le combustible et la réfection des véhicules, il faudra s’adresser à l’autorité démocratiquement élue des lieux concernés. Cette autorité recueillera parmi la population civile ce qu’il sera possible et nécessaire de recueillir pour l’unité militaire zapatiste, qu’elle remettra au chef ou au plus haut gradé de ladite unité et à lui seulement.

Huitièmement – Seuls les officiers d’un grade égal ou supérieur à celui de major veilleront au remplacement des autorités des lieux tombés sous le pouvoir de la révolution, conformément à la volonté du peuple et selon les dispositions de la LOI DE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE qui s’y réfèrent.

Neuvièmement – Les populations, en général, devront prendre possession de leurs biens en accord avec les Lois révolution­naires. Les chefs ou officiers de l’EZLN offriront à ces populations leur soutien moral et matériel afin que soient appliquées ces Lois révolutionnaires, à condition que lesdites populations en fassent la demande — et seulement en ce cas.

Dixièmement – Absolument personne ne pourra procéder à des entrevues ou élaborer des traités avec le gouvernement oppresseur ou ses représentants, sans l’autorisation préalable du Commandement général de l’EZLN.

Loi sur les impôts de guerre

Dans les zones contrôlées par l’EZLN s’appliquera la suivante LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE qu’il faudra faire valoir avec la force morale, politique et militaire de notre organisation révolutionnaire.

Premièrement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE entrera en vigueur dès qu’une unité militaire de l’EZLN opérera sur un territoire spécifique.

Deuxièmement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE concerne toute personne civile, nationale ou étrangère, établie ou de passage sur ledit territoire.

Troisièmement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE n’est pas obligatoire pour les civils vivant de leurs propres ressources sans exploiter la moindre force de travail, et sans tirer un quelconque profit du peuple. Pour les paysans pauvres, les journaliers, les ouvriers, les employés et les sans-emploi, l’obéissance à cette loi est volontaire, et on ne les y astreindra d’aucune façon, ni moralement ni physiquement.

Quatrièmement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE est obligatoire pour tous les civils qui vivent de l’exploitation de forces de travail ou qui tirent un quelconque profit du peuple dans leurs activités. Les petits, moyens et grands capitalistes de la campagne et de la ville pourront être astreints à se soumettre à cette loi sans exception, indépendamment de leurs obligations par rapport aux Lois révolutionnaires d’affectation de capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels.

Cinquièmement – Sont établis les suivants pourcentages d’imposition selon le travail de chacun :

a / Pour les petits commerçants, les petits propriétaires, les ateliers et les petites industries, 7 % de leurs revenus mensuels. En aucune façon leurs moyens de production ne pourront être affectés au recouvrement de cet impôt.

b/ Pour les profesionistas, 10 % de leurs revenus mensuels. En aucune façon les moyens matériels strictement nécessaires à l’exercice de leur profession ne pourront être affectés au recouvrement de cet impôt.

c / Pour les moyens propriétaires, 15 % de leurs revenus mensuels. Leurs biens seront affectés selon les Lois révolutionnaires afférentes d’affectation de capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels.

d / Pour les grands capitalistes, 20 % de leurs revenus mensuels. Leurs biens seront affectés selon les Lois révolutionnaires afférentes d’affectation de capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels.

Sixièmement – Tous les biens confisqués aux forces armées de l’ennemi seront propriété de l’EZLN.

Septièmement – Tous les biens obtenus des mains du gouvernement oppresseur par la Révolution seront propriété du gouvernement révolutionnaire, selon les lois du gouvernement révolutionnaire.

Huitièmement – Sont abolis tous les impôts et taxes du gouvernement oppresseur, ainsi que les dettes en argent ou en nature auxquelles le peuple exploité de la campagne et de la ville est assujetti par les gouvernants et les capitalistes.

Neuvièmement – Tous les impôts de guerre recueillis par les Forces armées révolutionnaires ou par le peuple organisé deviendront propriété collective des populations locales et seront administrés, selon la volonté populaire, par les autorités civiles démocratiquement élues, qui ne remettront à l’EZLN que le strict nécessaire pour répondre aux besoins matériels des troupes régulières et pour la perpétuation du mouvement libérateur conformément à la LOI DES DROITS ET DES DEVOIRS DES POPULATIONS EN LUTTE.

Dixièmement – Aucune autorité, civile ou militaire, qu’elle dépende du gouvernement oppresseur ou des Forces révolutionnaires, ne pourra prélever, pour son bénéfice personnel ou celui de sa famille, la moindre partie de ces impôts de guerre.

Loi des droits et des devoirs des populations en lutte

Au cours de sa progression libératrice sur le territoire mexicain et dans sa lutte contre le gouvernement oppresseur et les grands exploiteurs nationaux et étrangers, l’EZLN fera valoir, avec le soutien des populations en lutte, la suivante Loi des droits et des devoirs des populations en lutte :

Premièrement – Les populations en lutte contre le gouvernement oppresseur et les grands exploiteurs nationaux et étrangers, quelles que soient leur appartenance politique, religieuse, leur race ou leur couleur, bénéficieront des DROITS suivants :

  1. D’élire librement et démocratiquement leurs autorités, sous la forme qu’elles considéreront opportune, et d’exiger que celles-ci soient respectées.
  2. D’exiger des Forces armées révolutionnaires qu’elles n’interviennent pas dans les affaires d’ordre civil ou dans l’affec­tation des capitaux agricoles, commerciaux, financiers et indus­triels qui relèvent de la compétence exclusive des autorités civiles librement et démocratiquement élues.
  3. D’organiser et d’exercer la défense armée de leurs biens collectifs et particuliers, ainsi que d’organiser et d’exercer le maintien de l’ordre public et du bon gouvernement selon la volonté populaire.
  4. D’exiger des Forces armées révolutionnaires qu’elles assurent la sécurité de personnes, de familles et de propriétés particulières, de collectivités de voisins et de personnes de passage, dans la mesure où ce ne sont pas des ennemis de la révolution.
  5. Les habitants de toute agglomération ont le droit d’acquérir et de posséder des armes pour défendre leur personne, leur famille et leurs biens, conformément aux lois d’affectation des capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels, contre les attaques ou les attentats que commettraient ou prétendraient commettre les Forces armées révolutionnaires ou celles du gouvernement oppresseur.

De la même manière, ils sont amplement fondés à faire usage de leurs armes contre tout homme ou groupe d’hommes qui s’en prendraient à leur foyer, à l’honneur de leur famille ou tenteraient de les voler ou de porter tout type d’atteinte à leur personne. Cela ne vaut que pour ceux qui ne sont pas ennemis de la révolution.

Deuxièmement – Les autorités civiles de tout type, démocra­tiquement élues, auront, en plus des droits précédents et des attri­butions que leur confèrent les lois révolutionnaires respectives, les DROITS suivants :

  1. Ils pourront emprisonner, désarmer et remettre à leur commandement quiconque sera surpris en train de cambrioler, de violer ou de saccager un domicile, ou en train de commettre tout autre délit, afin qu’il reçoive le châtiment qu’il mérite, y compris s’il s’agit d’un membre des Forces armées révolution­naires. Il en ira de même pour ceux qui auraient commis de tels délits, même s’ils n’ont pas été pris sur le fait, dans la mesure où leur culpabilité sera suffisamment établie.
  2. Ils auront le droit de procéder au recouvrement des impôts révolutionnaires établis par la LOI DES IMPÔTS DE GUERRE.

Troisièmement – Les populations en lutte contre le gouver­nement oppresseur et les grands exploiteurs nationaux et étrangers, quelles que soient leur appartenance politique, religieuse, leur race ou leur couleur, seront tenues aux DEVOIRS suivants :

  1. Offrir leur concours aux tâches de surveillance décidées par volonté majoritaire ou par les nécessités militaires de la guerre révolutionnaire.
  2. Répondre à l’appel des autorités démocratiquement élues, des Forces armées révolutionnaires ou de tout militaire révolu­tionnaire en cas d’urgence à combattre l’ennemi.
  3. Offrir leur concours pour l’acheminement du courrier ou en tant que guides des Forces armées révolutionnaires.
  4. Offrir leur concours pour porter des vivres aux troupes révolutionnaires lorsqu’elles sont au combat contre l’ennemi.
  5. Offrir leur concours pour le transport de blessés, l’enter­rement de cadavres, et autres travaux de même nature relatifs à l’intérêt de la révolution.
  6. Procurer des vivres et l’hébergement aux Forces armées révolutionnaires, qu’elles soient en garnison ou de passage dans leur agglomération et dans la mesure de leurs possibilités.
  7. Payer les impôts et les contributions établies par les LOIS SUR LES IMPOTS DE GUERRE et les autres Lois révolutionnaires.
  8. Elles ne devront en aucune façon aider l’ennemi ni lui fournir de produits de première nécessité,
  9. Se consacrer à un travail licite.

Quatrièmement – Les autorités civiles de tout type, démo­cratiquement élues, auront, en plus des devoirs précédents, les OBLIGATIONS suivantes :

  1. Rendre compte régulièrement à la population des activités liées à leur mandat ainsi que de la provenance et de l’affectation de toutes les ressources matérielles et humaines placées sous leur administration.
  2. informer régulièrement leur commandement des Forces armées révolutionnaires des nouveaux événements qui se produi­sent sur leur territoire.

Loi des droits et des devoirs des Forces armées révolutionnaires

Les Forces armées révolutionnaires de l’EZLN, dans leur lutte contre le gouvernement oppresseur et les grands exploiteurs natio­naux et étrangers, et au cours de leur progression libératrice sur le territoire mexicain, s’engagent à respecter et faire respecter la suivante LOI DES DROITS ET DES DEVOIRS DES FORCES ARMÉES RÉVOLUTIONNAIRES :

Premièrement – Les troupes révolutionnaires de l’EZLN, dans leur lutte contre l’oppresseur ont les DROITS suivants :

  1.  Les troupes qui transitent ou séjournent dans une agglomération auront le droit de recevoir de la population, par l’intermédiaire des autorités démocratiquement élues, le logement, les vivres et les moyens d’accomplir leurs missions militaires, et cela dans la mesure des capacités des habitants de ladite agglomération.
  2. Les troupes qui, sur ordre de leur commandement, s’établiraient en un lieu précis auront le droit de recevoir le logement, les vivres et des moyens, conformément aux dispositions de l’alinéa a/ de cet article.
  3. Les chefs, officiers et soldats qui constateraient qu’une autorité n’applique pas les dispositions des Lois révolutionnaires et se dérobent à la volonté populaire auront le droit de dénoncer cette autorité auprès de leur gouvernement révolutionnaire.

Deuxièmement – Les troupes révolutionnaires de l’EZLN, dans leur lutte contre l’oppresseur, ont les DEVOIRS suivants :

  1. Faire en sorte que les populations qui n’ont pas encore nommé librement et démocratiquement leurs autorités procèdent immédiatement à la libre élection de celles-ci, sans intervention des forces armées, qui, sous la responsabilité de leurs dirigeants militaires, laisseront faire la population sans exercer la moindre pression
  2. Respecter les autorités civiles librement et démocratiquement élues.
  3. Ne pas intervenir dans les affaires civiles et laisser agit librement les autorités civiles dans ces affaires.
  4. Respecter le commerce légal en accord avec les Lois révolutionnaires s’y référant.
  5. Respecter les répartitions agricoles réalisées par le Gouvernement révolutionnaire.
  6. Respecter les règlements, coutumes et accords des populations et s’y soumettre dans les cas de relations entre militaires et civils.
  7. Ne pas imposer les habitants, sous aucune forme ni prétexte, sur l’utilisation de leurs terres et de leurs eaux.
  8. Ne pas s’approprier les terres de la population ou des grandes propriétés confisquées à l’oppresseur pour leur bénéfice personnel.
  9. Respecter toutes les lois et les règlements émis par le Gouvernement révolutionnaire.
  10. Ne pas exiger de la population des services personnels ou des travaux pour le bénéfice personnel.
  11. Dénoncer les subordonnés qui commettraient un délit, les capturer et les remettre à un Tribunal militaire révolutionnaire afin qu’ils y reçoivent un juste châtiment.
  12.  Respecter la justice civile.
  13. Les chefs et officiers seront responsables devant leurs commandements respectifs des abus et des délits de leurs subordonnés qu’ils n’auront pas livrés aux Tribunaux militaires révolutionnaires.
  14. Faire la guerre à l’ennemi jusqu’à ce qu’il soit définitivement chassé du territoire convoité ou totalement anéanti.

Loi agraire révolutionnaire

Les paysans démunis en lutte au Mexique continuent de récla­mer la terre pour ceux qui la travaillent. Après Emiliano Zapata et contre la réforme de l’article 27[4] de la Constitution mexicaine, l’EZLN reprend la juste lutte de la campagne mexicaine pour la terre et la liberté. Afin de réglementer la nouvelle répartition agraire qu’apporte la révolution sur les terres mexicain établie la suivante LOI AGRAIRE REVOLUTIONNAIRE:

Premièrement – Cette loi vaut pour tout le territoire mexicain et bénéficie à tous les paysans démunis et aux journaliers agricoles mexicains, sans distinction d’appartenance politique ou religion de sexe, de race ou de couleur.

Deuxièmement – Cette loi concerne toutes les propriétés et les entreprises agricoles nationales ou étrangères sur le territoire mexicain.

Troisièmement – Sera sujette à affectation agraire toute étendue de terrain excédant 100 hectares en mauvais état ou 50 hectares en bon état. Les propriétaires dont les terres excèdent les limites mentionnées ci-dessus seront dépossédés de leurs excé­dents et conserveront le minimum autorisé par cette loi ; ils pour­ront rester petits propriétaires ou se joindre au mouvement paysan de coopératives, de sociétés paysannes ou de terres communales.

Quatrièmement – Ne feront pas l’objet d’affectation agraire les terres communales, ejidos[5] ou terrains appartenant aux coopé­ratives populaires, y compris si elles dépassent les limites mentionnées dans l’article 3 de cette loi.

Cinquièmement – Les terres affectées par cette loi seront réparties entre les paysans sans terre et les journaliers agricoles qui en feront la demande, sous forme de PROPRIÉTÉ COLLEC­TIVE par la formation de coopératives, de sociétés paysannes ou de collectifs de production agricole et d’élevage. Les terres ainsi affectées devront être travaillées en collectivité.

Sixièmement – Dans le cadre de cette répartition bénéficient d’un DROIT PRIORITAIRE les collectivités de paysans pauvre sans terre et de journaliers agricoles, hommes, femmes et enfants, qui pourront prouver qu’ils ne possèdent pas de terre ou alors de mauvaise qualité.                                                              

Septièmement – Pour l’exploitation de la terre au bénéfice des paysans pauvres et des journaliers agricoles, les affectations des grandes propriétés et des monopoles agricoles incluront les moyens de production tels que les machines, les fertilisants, les entrepôts, les ressources financières, les produits chimiques et l’assistance technique.

Tous ces moyens doivent passer aux mains des paysans pauvres et des journaliers agricoles avec une considération spéciale pour les groupes organisés en coopérative, en collectivité et en société.

Huitièmement – Les groupes bénéficiant de cette Loi agraire devront se consacrer de préférence à la production collective des aliments nécessaires au peuple mexicain : maïs, haricots, légumes frais et fruits, ainsi qu’à l’élevage bovin, apicole, ovin, porcin et chevalin, ou encore aux produits dérivés (viande, lait, œufs, etc.).

Neuvièmement – En temps de guerre, une partie de la production des terres concernées par la présente loi sera destinée au soutien des orphelins et des veuves de combattants révolutionnaires et au soutien des Forces révolutionnaires.

Dixièmement – L’objectif de la production collective est de satisfaire en premier lieu les nécessités du peuple, de former chez ceux qui en bénéficient la conscience collective du travail et de ses bienfaits et de créer des unités de production, de défense et d’entraide dans les campagnes mexicaines. Lorsqu’une région ne produit pas une certaine chose, on procédera à l’échange avec une autre région qui le fait, dans des conditions de justice et d’équité. Les excédents de production pourront être exportés vers d’autres pays s’il n’y a pas de demande nationale pour le produit concerné.

Onzièmement – Les grandes entreprises agricoles seront expropriées et passeront aux mains du peuple mexicain ; elles seront administrées collectivement par les travailleurs eux-mêmes. Les machines de labourage, de moissonnage, les semailles, etc., actuellement inutilisées dans les usines, les magasins ou ailleurs, seront distribuées entre les collectifs ruraux, afin d’amener à une production extensive de la terre et de commencer à éradiquer la faim du peuple.

Douzièmement – L’accaparement individuel des terres et des moyens de production ne sera pas toléré.

Treizièmement – Les zones de jungle vierge et les forêts seront préservées, et des campagnes de reboisage seront menées dans les zones principales.

Quatorzièmement – Les sources, rivières, lacs et mers sont propriété collective du peuple mexicain et seront entretenus en les préservant de la pollution et en punissant leur mauvaise utilisation.

Quinzièmement – Au bénéfice des paysans pauvres et des journaliers agricoles, en plus de la répartition agraire que la présente loi établit, seront créés des centres de commerce qui achèteront à juste prix les produits du paysan et vendront à juste prix les produits dont il a besoin pour vivre dignement. Seront créés des centres de santé communautaires dotés de tous les progrès de la médecine moderne, avec des médecins et des infirmières habilités et consciencieux, et avec des médicaments gratuits pour le peuple. Seront créés des centres de loisirs pour que les paysans et leurs familles profilent d’un repos digne, sans buvette ni maison de prostitution. Seront créés des centres d’éducation et des écoles gratuites où les paysans et leurs familles pourront s’éduquer, sans distinction d’âge, de sexe, de race ou d’appartenance politique, et apprendre les techniques nécessaires à leur développement. Seront créés des centres de construction de logements et de routes avec des ingénieurs, des architectes et les matériaux nécessaires afin que les paysans puissent avoir un logement digne et de bonnes routes pour les transports. Seront créés des centres de services pour garantir aux paysans et à leurs familles l’électricité, les canalisations d’eau potable, le drainage, la radio et la télévision, en plus de tout l’équipement nécessaire pour faciliter le travail domestique, radiateurs, réfrigérateurs, machines à laver, moulins à mais, etc.

Seizièmement – Seront exemptés d’impôts les paysans travaillant collectivement, les détenteurs des coopéra­tives et les terres communales.

A PARTIR DE L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE CETTE LOI AGRAIRE RÉVOLUTIONNAIRE SONT ABOLIES TOUTES LES DETTES ISSUES DE CRÉDITS, D’IMPÔTS OU DE PRÊTS CONTRACTES PAR LES PAYSANS PAUVRES ET LES JOURNALIERS AGRICOLES AUPRÈS DU GOUVERNEMENT OPPRESSEUR, DE L’ETRANGER OU DES CAPITALISTES.

Loi révolutionnaire sur les femmes

Dans sa juste lutte pour la libération de notre peuple, l’EZLN incorpore les femmes au mouvement révolutionnaire sans distinction de race, de croyance ou d’appartenance politique, avec pour seule condition qu’elles fassent leurs les revendications du peuple exploité et son engagement à faire respecter les lois et règlements de la révolution. En outre, prenant en compte la situation de la travailleuse du Mexique, sont intégrées ses justes revendications d’égalité et de justice dans la suivante LOI REVOLUTIONNAIRE SUR LES FEMMES :

Premièrement – Les femmes, sans distinction de race, de croyance, de couleur ou d’appartenance politique, ont le droit de participer à la lutte révolutionnaire aux lieux et degrés que déter­minent leur volonté et capacité.

Deuxièmement – Les femmes ont le droit de travailler et de percevoir un juste salaire.

Troisièmement – Les femmes ont le droit de décider du nombre d’enfants qu’elles désirent et dont elles peuvent s’occuper.

Quatrièmement – Les femmes ont le droit de participer aux affaires de la communauté et d’y remplir des fonctions officielles si elles sont librement et démocratiquement élues.

Cinquièmement – Les femmes et leurs enfants ont droit à une ATTENTION PRIORITAIRE concernant la santé et l’alimen­tation.

Sixièmement – Les femmes ont droit à l’éducation.

Septièmement – Les femmes ont le droit de choisir librement leur conjoint ainsi que celui de ne pas être contraintes au mariage.

Huitièmement – Aucune femme ne pourra être battue ou physiquement maltraitée, que ce soit par sa famille ou par des étrangers. Les délits de viol ou de tentative de viol seront sévère­ment punis.

Neuvièmement – Les femmes pourront occuper des fonctions de direction dans l’organisation et obtenir des grades militaires dans les Forces armées révolutionnaires.

Dixièmement – Les femmes auront tous les droits et les devoirs contenus dans les lois et les règlements révolutionnaires.

Loi de réforme urbaine

Dans les zones urbaines contrôlées par l’Armée zapatiste de Libération nationale entrent en vigueur les lois suivantes afin de procurer un logement digne aux familles démunies.

Premièrement – Les habitants propriétaires de leur maison ou de leur appartement cesseront de payer l’impôt foncier.

Deuxièmement – Les locataires qui occupent leur logement depuis plus de quinze ans cesseront de payer leur loyer jusqu’au triomphe du Gouvernement révolutionnaire et l’établissement d’une nouvelle législation.

Troisièmement – Les locataires qui occupent un logement depuis moins de quinze ans se contenteront de payer 10% des revenus du chef de famille, qu’ils cesseront de payer une  fois atteint le seuil des quinze ans d’occupation du même endroit.

Quatrièmement – Les lots urbains déjà équipés des services publics pourront être immédiatement occupés, ce qui sera signalé aux autorités civiles librement et démocratiquement élues, pour y construire des logements, même de forme provisoire.

Cinquièmement – Les bâtiments publics vides et les grandes demeures pourront être occupés de façon provisoire par plusieurs familles après qu’on y aura établi des séparations intérieures. Pour cela, les autorités civiles nommeront des comités de voisins, qui effectueront les sélections entre les candidatures et attribueront les autorisations d’occupation selon les besoins et les moyens disponibles.

Loi du travail

Les lois suivantes s’ajouteront à la Loi fédérale du travail en vigueur dans les zones contrôlées par l’EZLN.

Premièrement – Les entreprises étrangères paieront leurs employés en monnaie nationale au tarif horaire équivalent à celui qu’elles pratiquent en dollars à l’étranger.

Deuxièmement – Les entreprises nationales devront augmen­ter les salaires de façon mensuelle selon le pourcentage que déterminera une Commission locale des prix et des salaires. Cette commission comprendra des représentants des travailleurs, des fermiers, des patrons, des commerçants et des autorités librement et démocratiquement élues.

Troisièmement – Tous les travailleurs de la campagne et villes bénéficieront d’une assistance médicale gratuite dans centre de santé, hôpital ou clinique, public ou privé. Les dépenses médicales seront à la charge du patron.

Quatrièmement – Tous les travailleurs auront le droit d’obtenir de l’entreprise pour laquelle ils travaillent une part d’actions incessibles, proportionnelle au nombre d’années d’ancienneté en supplément de leur traitement actuel. La valeur monétaire de ces actions pourra être exploitée à sa retraite par le travailleur, sa femme ou un bénéficiaire.

Loi sur l’industrie et le commerce

Premièrement – Les prix des produits de base seront régulés par une Commission locale des prix et des salaires. Cette commission comprendra des représentants des travailleurs, des fermiers, des patrons, des commerçants et des autorités librement et démocratiquement élues.

Deuxièmement – L’accaparement d’un quelconque produit est interdit. Les accapareurs seront arrêtés et remis aux autorités militaires sous l’accusation de délit de sabotage et de trahison envers la Patrie.

Troisièmement – Le magasin d’une localité devra assurer le ravitaillement en tortillas et en pain pour tous en temps de guerre.

Quatrièmement – Les entreprises et les commerces jugés improductifs par leurs patrons qui souhaiteraient les fermer et emporter les machines et les matières premières passeront aux mains des travailleurs pour leur administration, les machines devenant propriété de la nation.

Loi sur la sécurité sociale

Premièrement – Les enfants abandonnés seront alimentés et protégés par les plus proches voisins aux frais de l’EZLN avant d’être remis aux autorités civiles qui les prendront en charge jusqu’à l’âge de treize ans.

Deuxièmement – Les personnes âgées sans famille seront protégées et seront prioritaires pour l’attribution d’un logement et de coupons d’alimentation gratuite.

Troisièmement – Les mutilés de guerre recevront des soins et du travail en priorité, aux frais de l’EZLN.

Quatrièmement – La pension des retraités équivaudra au salaire minimum établi par les commissions locales des prix et des salaires.

Loi sur la justice

Premièrement – Tous les détenus en prison seront libérés, à l’exception des assassins, des violeurs et des dirigeants du trafic de drogue.

Deuxièmement – Tous les gouvernants, du président municipal jusqu’au président de la République, seront soumis à des auditions et jugés pour malversation de capitaux s’il existe des éléments de culpabilité.

VIVRE POUR LA PATRIE OU MOURIR POUR LA LIBERTÉ


[1] Tiré de l'ouvrage "Ya Basta! Les insurgés zapatistes racontent un an de révolte au Chiapas" Tome 1 paru en 1994 et reprenant les communiqués de l'EZLN rédigés par le sous-commandant Marcos.
[2] Personnes exerçant une profession libérale.
[3] Mexicains émigrés aux Etats-Unis.
[4] La Constitution de 1917 pose le principe fondamental de la propriété nationale de la terre et de toutes les ressources naturelles susceptibles d'utilisation agricole et instaure un droit de propriété communautaire des terres, Vejido. En novembre 1991, le gouvernement a fait voter en un temps record un amendement constitutionnel (article 27) déclarant révolue la réforme agraire et permettant l'appropriation privée et l'ouverture au capital étranger de l'agriculture et du secteur de Vejido.
[5] Parcelles communautaires incessibles attribuées à des paysans par Lazaro Cardenas dans les années trente, symbole des réformes zapatistes.

Les prodromes de l’insurrection zapatiste

Avant l’insurrection déclenchée le 1er janvier 1994, qui étaient les zapatistes? Comment s’est déroulée la maturation politique et militaire de ce groupe? Quels défis furent les siens à l’aube de l’insurrection et une fois le cessez-le-feu en vigueur?
EZLN

Ces informations sont tirées de l’interview du sous-commandant Marcos dans le film « La véridique légende du sous-commandant Marcos » (1995). Marcos, surnommé le « sub » (subcommandante), chef militaire de l’armée de libération zapatiste (EZLN) en même temps que porte-parole et formidable propagandiste, est connu aujourd’hui sous le nom de sous-commandant Galeano.

Les modestes débuts

En 1984, l’EZLN compte 6 membres, dont 3 métis principalement occupés à reconnaître la forêt, y déceler ses points d’eau et ses territoires de chasse pour y vivre en autonomie. Marcos rejoint ses rangs en tant qu’instituteur apprenant aux guérilleros à lire et à écrire et leur enseignant des rudiments d’histoire. Deux ans plus tard, en 1986, cette « armée » compte 12 membres dont un métis (Marcos). A cette même date, les guérilleros sortent pour la première fois au grand jour et avec leurs armes dans le village du vieil Antonio (celui qui fera plus tard partie des récits de Marcos). Un dialogue s’instaure avec les populations indigènes. Les zapatistes pétris d’idées marxistes, de théories socialistes les exposent aux indigènes des villages et se heurtent à l’incompréhension affichée quand ce n’est pas au désintérêt. Commence alors pour les guérilleros zapatistes l’école de l’écoute dont ils ressortent transformés. Des certitudes carrées moulées dans un discours scolaire, se transforment en un truc cabossé, aux coins rabotés comme un vieux pneu. « Les zapatistes sont le résultat d’une hybridation, d’une confrontation dont nous sommes heureusement sortis vaincus », nous dit Marcos.

Les villages apportent leur aide aux guérilleros qu’ils respectent car ils connaissent la difficulté de leur vie dans la brousse, pire que celle du plus pauvre des paysans du Chiapas. En échange, l’EZLN protège les villageois contre les incursions des milices des grands propriétaires, de la police ou de l’armée.

Alors que l’armée zapatiste prépare sans s’exposer une conspiration clandestine et collective, plusieurs communautés s’organisent en gouvernement parallèle à celui de Mexico. Des travaux collectifs sont mis en route et permettent d’acheter des armes. Dans l’EZLN chacun a payé son arme avec son travail et son argent, chaque combattant possède son fusil comme le fermier possède sa vache. C’est pourquoi avance Marcos il est impensable de penser qu’on puisse désarmer une telle armée.

Entre 1988 et 89, l’armée passe de 80 à 1300 combattants.

Une lutte contre l’anéantissement

Entre 1990 et 92, beaucoup d’éléments concourent au désespoir des indiens: la misère s’aggrave, la répression aussi, des épidémies s’abattent sur la région, le prix du café baisse. D’autres événements marquent l’anéantissement des espoirs indigènes dans une amélioration de leur situation : menaces d’expulsion de villages dans la forêt, réforme qui met fin aux répartitions de terres (terrains communaux – ejidales), entrée en vigueur prochain d’accords de libre échange (ALENA le 1er janvier 1994, jour de l’insurrection zapatiste). Les communautés se sentent condamnées à disparaître.

Les responsables des régions réclament un soulèvement armé. Marcos est alors convaincu de la folie d’une telle initiative analysant la conjoncture internationale morose après l’écrasement de toutes les rebellions sud-américaines et la fin du communisme soviétique. Envoyé dans les villages pour recueillir le souhait de la population, Marcos en revient surpris. « Les villageois discutaient plusieurs jours puis relevaient les votes des femmes, hommes, enfants ». En octobre 92, la majorité se déclare en faveur de la guerre, action qui devrait coïncider avec le triste anniversaire des 500 ans de la conquête espagnole.

Mais rien n’est prêt. Marcos, chef de l’EZLN, demande un délai pour transformer cette armée de défense en une armée insurrectionnelle formée aux combats de rue et capable prendre d’assaut les chefs-lieux du Chiapas. L’insurrection sera finalement déclenchée le 1er janvier 1994. 12 jours plus tard et suite aux protestations dans tout le Mexique, le gouvernement de Mexico décrète un cessez-le-feu unilatéral. La répression par l’armée régulière aura fait 400 morts, des civils en majorité.

Une nouvelle période s’ouvre dans laquelle l’armée doit redéfinir son rôle consciente du risque de propagation du culte de la mort au détriment du culte de la lutte. Une nouvelle ère politique sous l’égide de la population civile auto-organisée s’ouvre.

Voir cet article pour une vision détaillée de l’organisation zapatiste après le soulèvement.

Géographie de l’insoumission

Y-a-t-il de vraies idées derrière ce titre qui se la pète ? Si oui, existe-t-il des conditions géographiques favorables à l’autogouvernement ? Faut-il être isolé pour résister ? Si on n’est pas né dans le bon pays, reste-t-il un espoir ?

Depuis longtemps, on sait que certains peuples sont plus difficiles à soumettre que d’autres, qu’il est des zones où la domination de l’Etat parvient plus difficilement à s’imposer. Cela a été noté par le philosophe arabe Ibn Khaldun dès le XIVè siècle ou plus récemment par Fernand Braudel évoquant l’autonomie naturelle des montagnes[1].

L’isolement favoriserait l’autonomie. Des territoires en marge, occupés par des peuples culturellement non alignés, ont été et demeurent des refuges de libertés. L’histoire en a fourni de nombreux exemples parmi lesquels on peut citer :

  • La République des Escartons : de 1343, date de la Grande Charte, à la Révolution française, des territoires autour de Briançon s’élevant de 900 à 4100 mètres et regroupant près de 40 000 habitants ont vécus, bien avant l’heure, la démocratie patriarcale (vote des hommes uniquement). On ne connaîtra un équivalent stable en France qu’à partir de 1870.
  • La Zomia, désignation récente d’une zone d’Asie hors du contrôle direct des 8 Etats qu’il occupe. Ce terme, qui signifie « gens des montagnes », décrit la réalité d’une région de 2,5 millions de km² (taille proche de celle de l’Europe) à la périphérie de l’Asie du Sud Est continentale, de la Chine, de l’Inde et du Bengladesh, rassemblant 80 à 100 millions de personnes, une centaine d’identités ethniques et au moins 5 langues. Les altitudes relevées s’échelonnent ici entre 200 et 4000 mètres de hauteur.[2]

Examinons donc le cas du Chiapas  à partir de quelques cartes et voyons si cette région serait prédisposée à l’autonomie (voir ici pour une présentation générale du soulèvement zapatiste au Chiapas).

Où se situe l’Etat du Chiapas ?

Carte du Mexique représentant ses 32 Etats dont celui du Chiapas.

Où sont situés les zapatistes dans l’Etat du Chiapas ?

Carte du Chiapas représentant les 5 Régions zapatistes (« aguacalientes », entités précédents les caracoles constitués en 2003). On peut également y voir le découpage des 118 municipalités officielles. Cette carte ne tient pas compte des 7 nouveaux « caracoles » créés en août 2019.

Examinons maintenant plusieurs cartes corroborant l’idée d’une géographie de l’isolement.

Isolement géographique du fait de l’altitude

Carte du Chiapas présentant un relief marqué.

A noter, la Sierra Madre de Chiapas, près de la côte sud de l’Etat, ne participe pas au mouvement zapatiste. Il s’agit pourtant de la chaine la plus haute du Chiapas avec un sommet culminant à 4 064m (volcán de Tacaná).

Isolement géographique du fait d’un boisement important (en forte régression)

Carte des massifs forestiers de l’Etat du Chiapas en 1940 et 1990.
La déforestation massive observable sur cette carte n’est sans doute pas étrangère au sentiment de relégation des peuples autochtones et à leur soulèvement sous la bannière zapatiste en 1994.

Isolement culturel et peuplement indigène

Carte présentant les principales zones de peuplement indigène de l’Etat du Chiapas.

Ici, la correspondance entre la carte des minorités indigènes et celle des zones zapatistes apparait fortement.

Le Chiapas ne semble donc pas faire exception à la règle isolement = autonomie = liberté.

Les choix de la liberté zapatiste

L’isolement géographique et culturel du Chiapas ou d’autres régions similaires, nous conduit naturellement à penser qu’il s’agit d’une situation subie par les populations qui y vivent. Les conditions de vie y sont en effet, plus âpres du fait de sols souvent infertiles, de l’enclavement, et d’un climat rigoureux. Et pourtant, ces zones sont aussi des zones de libertés choisies plutôt que de domination subie. Des populations s’y sont fixées délibérément pour échapper à l’impôt leur arrachant une partie de leur travail, pour fuir la domination culturelle niant une partie de leur identité, pour éviter les réquisitions de biens et de populations diligentées par des Etats en quête d’expansion guerrière. [3]

Tout n’est pas perdu pour les territoires du centre

Faut-il désespérer du fait de nos sociétés englobant toutes les marges, gommant toutes les différences, acculturant toutes les identités à coups de politiques centralisatrices et de déploiement d’infrastructures tentaculaires (TGV, fibre optiques, GSM de 5ème génération, etc.) ?

L’homogénéisation du monde (le monde « industrialisé » tout du moins), si abondamment commentée, écarte-t-elle tout espoir de démocratie directe ?

Si ce monde sans différence rend sans doute l’émergence d’un modèle alternatif plus difficile, son basculement en masse peut théoriquement advenir très rapidement. L’histoire a prouvé que toutes les mobilisations qui réunissaient plus de 3,5% de la population réussissaient à faire basculer un système. En France, cela fait 2,5 millions de personnes[4].

La difficulté porte donc sur la mise en route d’alternatives. Mais pourquoi ne pas imaginer, comme l’indique J. Baschet cité à la fin de cet article, une démocratie directe se superposant à l’infrastructure politique classique avant de la supplanter définitivement ? Dans ce cas par exemple, un autogouvernement municipal détient la réalité du pouvoir de décision car les habitants ont su se fédérer autour de ce projet. Les instances officielles ne font alors qu’entériner les décisions prises par les citoyens.

Enfin, ayons en tête, à rebours de l’esprit jacobin issu de la révolutionnaire française, et à l’image de la réalité du soulèvement zapatiste, que des territoires insoumis peuvent cohabiter avec d’autres territoires encore dominés par un Etat centralisé et unificateur. Des modèles alternatifs peuvent se loger dans les interstices d’un modèle dominant ; et en se combinant, à terme le remplacer.

Partout où il y a des montagnes, il règne un esprit de liberté.

NAPOLÉON



[1] Zomia. James Scott. Seuil 2013 
[2] Zomia Ibid 
[3] Zomia Ibid
[4] La Décroissance n° 157, mars 2019

Organisation de l’autogouvernement zapatiste

Enfant tendant la main vers une étoile
La démocratie directe intégrale : comment ça marche ? Peut-on la réduire en principes ? De quelle façon fonctionne-t-elle dans le Chiapas zapatiste ?

Nous avons vu dans cet article, les grandes lignes du mouvement néo-zapatiste au Mexique. Zoomons davantage et tentons maintenant d’en décomposer les mécanismes afin d’entrevoir l’organisation concrète de ce gouvernement autonome.

Apprendre en marchant, chacun à son rythme

En tant qu’organisation non étatique et égalitaire le Chiapas zapatiste mêle à la fois des pratiques ancestrales (assemblées communautaires), une culture indigène prégnante et des « institutions » récentes comme les Conseils de Bon Gouvernement organisant les pouvoirs régionaux depuis 2003.

Au rang des principes régissant cette organisation zapatiste, notons tout d’abord… qu’il n’y a justement PAS de principe intangible. Plutôt qu’un « modèle procédural fixe et unique » [1], l’autogouvernement zapatiste préfère les approches pragmatiques et dynamiques dans lesquelles pratiques concrètes et expériences priment. Chaque problème amène sa solution au travers d’un mélange de discussion collective réunissant tous les habitants qui le souhaitent et leur représentation élue.

Cette plasticité des organes de gouvernement s’observe à la fois dans le temps (évolution des règles d’année en année) et dans l’espace (fortes variations d’une région à l’autre). Ainsi par exemple, dans la région I, que nous allons prendre comme exemple, le nombre de conseillers est passé de 8 en 2003 à 12 puis 24 en 2014. De même, suivant les zones où s’exerce l’autogouvernement au Chiapas, les règles diffèrent notablement : Existence ou non d’un conseil des Anciens, durée des mandats, attributions des élus, etc.[2] Cette adaptabilité qui peut être vue comme une force est aussi le résultat de contraintes spécifiques : guerre larvée menée par le gouvernement de Mexico, discontinuité des territoires zapatistes entremêlés avec des communes soumises au gouvernement central.

Si les institutions sont impermanentes et géographiquement hétérogènes, comment obtient-on la stabilité nécessaire à un autogouvernement apaisé ? La culture indigène du « nous » plutôt que celle du « je » semble à ce égard, jouer un rôle décisif dans la stabilité du système. Les 7 recommandations à destinations des autorités élues et connues comme le « commander en obéissant » reflètent cet état d’esprit :

1 – Servir et non se servir
2- Représenter et non supplanter
3- Construire et non détruire
4- Obéir et non commander
5- Proposer et non imposer
6- Convaincre et non vaincre
7- Descendre et non monter

Une organisation reposant sur les assemblées

Il existe 3 échelons de répartition du pouvoir civil : les communautés constituées des villages, la commune (4 communes dans la région I) et la région (caracol dans le langage zapatiste). 

Chaque strate exerce son pouvoir à son niveau sans pour autant qu’il existe de frontières absolues entre les uns et les autres[3].

Survivance de la tradition indigène, l’assemblée de chaque communauté est l’organe majeur de décision. Aussi, le schéma des différents organes de gouvernement illustrant cet article propose-t-il une lecture renversée dans laquelle les communautés ou villages sont situés en haut du diagramme et non en bas.

Les enfants à partir de 12 ans peuvent participer aux assemblées en tant que membre, c’est-à-dire y prendre la parole, même s’ils ne peuvent être élus à des charges qu’à partir de 16 ans[4].

Il est très difficile de trouver des chiffres concernant la démographie zapatiste. D’après cette source[5], la Région I comprendrait 10 000 habitants répartis dans 60 communautés, soit 60 assemblées communautaires, mais cela semble assez faible en regard du nombre global de zapatistes généralement avancé (entre 200 000 et 300 000).

Les assemblées des communautés et des communes sont ouvertes à tous les habitants. Les assemblées des régions sont, elles, composées des autorités élues par les communes. Pour élire des autorités, une majorité des habitants présents est nécessaire.

Les mandats et le travail des autorités

On regroupe sous le terme « autorités », les personnes élues par chacune des 3 assemblées (communautaire, communale, régionale). Les mandats sont « politiques » (commissaires, agents, conseillers du bon gouvernement, etc.) ou « économiques » (responsable des travaux collectifs dans tel ou tel domaine). Tous les mandats sont bien entendu révocables à n’importe quel moment. Par ailleurs, si des manquements sont attribués à une autorité, il ou elle en est responsable sur ses propres deniers.

Il n’est pas nécessaire d’appartenir à un parti pour prétendre à un mandat. Il n’y a pas de campagnes électorales et les candidats se font connaître lors des assemblées. Le processus d’élection d’une assemblée communautaire autonome résulte de compromis réciproques entre les autorités et le peuple. Le critère d’élection décisif semble être celui du respect : respect de la communauté à l’égard du candidat et respect affiché du candidat pour la communauté.

Les mandats sont pourvus en dehors de toute capacité. Le compañero doit apprendre (y compris à lire et à écrire si nécessaire) puis faire le travail pour lequel il a été élu.  « Ne pas savoir est ce qui permet d’être une bonne autorité. »[6]

La réélection au même poste n’est pas interdite mais la charge élue étant bénévole et demandant un investissement personnel important, elle est très rare.

Enfin, il est impossible de cumuler des mandats civils et militaires.

Au niveau communautaire, l’assemblée nomme a minima pour 1, 2 ou 3 ans suivant les lieux et les pratiques :

  • un agent et son équipe (suppléant, secrétaire, trésorier, chef de la police communautaire),
  • un commissaire et son équipe (conseil de vigilance, secrétaire, trésorier).

Au niveau de la commune les autorités sont élues pour 3 ans sauf cas particulier car il n’existe pas de règle intangible. L’assemblée de la commune est composée des habitants de toutes les communautés la composant. Une majorité des habitants présents est nécessaires pour élire des autorités émanant de chaque communauté.

Au niveau de la région, et pour la zone de notre exemple (région I), 24 personnes se répartissent les 8 domaines d’action du Conseil de Bon Gouvernement en 2 équipes de 12. Cette répartition s’effectue afin que chaque domaine regroupe a minima 2 personnes (principe de collégialité) et que des élus expérimentés cohabitent avec des plus novices (sachant que le Conseil de Bon Gouvernement se renouvelle partiellement tous les ans). Chaque personne a au moins 2 domaines sous sa responsabilité. Les mandats sont de 3 ans. Chacune des 2 équipes assure une permanence de 15 jours (au siège du Conseil de Bon Gouvernement). Cette occupation de poste par quinzaine permet aux personnes concernées de conserver leur activité de subsistance (car les mandats sont bénévoles comme à tous les niveaux). Afin d’aider ces autorités dans leur travail, des villageois sont désignés pour remplacer les autorités dans leur activité pendant leur absence au service de leur communauté. Cette discontinuité dans l’exercice de ces fonctions électives permet également de porter un regard neuf sur les problèmes rencontré par les autorités en charge les 15 jours précédents.

A noter qu’il n’existe pas d’exclusivité de compétence au sein du Conseil de Bon Gouvernement, même si par souci d’efficacité, les 8 domaines sont répartis entre ses membres comme nous l’avons vu.  Les décisions peuvent ainsi être prises par tous ses membres si l’importance du sujet le requiert. Certains membres dont ça n’est pas le domaine peuvent également apporter leur aide au cas par cas. Il n’y a pas de pré-carré, d’expertise exclusive, les décisions sont partagées.

La parité homme, femme est respectée dans la dernière mandature du Conseil de Bon Gouvernement de la Région I[7].

La politique c’est la vie et inversement proportionnel

« Le matin, les hommes vont travailler leur terres, terres qui requièrent beaucoup d’attention car aucun engrais ou pesticide n’y sont utilisés, pendant que les femmes s’occupent de la maison, du verger, des enfants et du bétail.  L’après-midi, tous remplissent leurs obligations en tant qu’autorité ou dans les travaux d’intérêt général qui ont été attribués pour le bien de la communauté. Le soir, et toujours bénévolement, Il n’est pas rare que les autorités soient obligés de poursuivre le travail administratif en cours. »[8]

Dans ce portrait largement positif de l’autonomie zapatiste, rappelons pour nuancer le propos, que la mise en route de l’autogouvernement zapatiste a découlée d’une insurrection armée et que l’armée (EZLN) reste une organisation non démocratique coexistant avec les pouvoirs civils[9]. Cette organisation qui garantit l’exécution des pouvoirs civils dans une région où les troubles fomentés par le gouvernement de Mexico sont fréquents[10] pourrait-elle basculer dans la dictature comme cela a si souvent été observé en pareil cas ? Les moyens violents utilisés par les zapatistes ont été et demeurent extrêmement limités (seulement 12 jours d’insurrection en 1994), faut-il voir cependant dans l’EZLN une menace potentielle à la poursuite du chemin d’autogouvernement ?

De même, le mode de décision collective utilisé par les zapatistes a connu et connait de nombreux échecs, abondamment relatés dans le support de cours de la petite école zapatiste de 2014[11].

Toutefois, la transparence et l’humilité avec laquelle sont exposés les déboires de cette démocratie directe, semble plaider en faveur des insurgés mexicains. La démarche d’essais et erreurs, si elle ne permet pas d’éviter les revers, fournit de nombreux résultats positifs.

Et chez nous, comment pourrait-on transposer une telle organisation ?

En définitive, le succès de l’autogouvernement zapatiste, semble davantage tenir de la culture que de la mécanique institutionnelle, du savoir-être plutôt que du savoir-faire. A ce titre, l’éducation et la formation constituent, a fortiori dans des sociétés complexes comme les nôtres, un enjeu majeur de réussite. La mise en place de programmes d’éducation autonome au Chiapas a sans doute fortement contribué à la pérennité de l’autonomie zapatiste. Les buts recherchés doivent être ici identiques, à savoir : une éducation démocratique dominée par des citoyens acteurs et non des experts, le développement du sens critique plutôt que l’acquisition de savoirs institutionnels menant à des comportements stéréotypés. Des citoyens accédant à des mandats politiques se doivent donc d’être formés dans l’indépendance. On peut penser par exemple à des formations de pair à pair : formation des nouveaux élus par les élus de la précédente mandature.

Les 35 000 communes françaises rassemblant chacune près de 1 800 habitants pourraient être le coeur d’une nouvelle vie démocratique centrée sur l’autogouvernement. Jérôme Baschet nous dit que « le moment des municipales pourrait être un prétexte pour relancer la formation d’assemblées populaires, au niveau des quartiers ou des communes, qui seraient à même de prendre en charge l’organisation de certains aspects de la vie collective. Dans le cas où elles en auraient la force, elles pourraient tenter de s’emparer des communes pour étendre leur capacité d’action, tout en transformant les élus municipaux en simples exécutants des décisions des assemblées. »[12] Si les modalités de cette transition démocratique peuvent revêtir des formes multiples, la condition de cet avènement autogouvernemental est pourtant unique : la volonté populaire.

Organisation du pouvoir zapatiste sur les 3 échelons : communautaire, communal et régional.
Organisation de l’autogouvernement zapatiste : exemple de la Région I dénommée « Madre de los caracoles, mar de nuestros sueños »

Pour aller plus loin :

  • Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. 2014. Support de cours de la petite école zapatiste publié en 2014 et disponible dans sa traduction française sur le site ztrad.toile-libre.org
  • Autonomia de Jérôme Baschet (en Espagnol)
  • Centro de documentacion sobre zapatismo (cedoz.org) (en Espagnol)
  • Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte (cspcl.ouvaton.org)
  • Espoir Chiapas (espoirchiapas.blogspot.com)

[1] Autonomia de Jérôme Baschet
[2] Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. 2014.
[3] Gobierno autónomo zapatista. Características antisistema político mexicano (2010) par Paulina Fernandez. 
[4] Paulina Fernandez ibid
[5] Dénommée « Madre de los caraoles, Mar de nuestros sueños », l’une des 12 régions constituées (5 en 2003, 7 en 2019), autrement appelée « La Realidad » avant 2003.
[6] Autonomia de J. Baschet p. 32
[7] Pour 2014, d’après « Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. »
[8] Témoignage d’un observateur prénommé Niel en 2015 sur vientosclaros.wordpress.com - diario-11-la-realidad-zapatista-caracol-i-madre-de-los-caracoles-mar-de-nuestros-suenos
[9] Qui tire sont indéniable légitimité de la rudesse de ses conditions initiales. Comme l’évoque le Commandant Marcos dans un entretien de 1995, la vie des insurgés militaires était encore plus frustre et difficile que celle des plus pauvres paysans des montagnes du Chiapas.
[10] Entretien de groupes paramilitaires par le gouvernement central, tentatives de déstabilisation par des politiques de grands travaux ou par la mise en place de subventions opportunistes aux non-zapatistes.
[11] Gouvernement autonome I : La Liberté selon les Zapatistes. 2014
[12] Entretien Jérôme Baschet avec le Blog espoir Chiapas le 24/09/19