Étiquette dans autogouvernement

Carte actualisée du Chiapas zapatiste

Comment sont répartis les régions (caracoles) et les Communes de l’autogouvernement zapatiste au Chiapas dans le sud du Mexique?

Rappelons à la suite de l’article sur la géographie du Chiapas, que cet Etat du Mexique est le cœur historique du soulèvement zapatiste oeuvrant depuis près de 30 ans à la mise en place d’une véritable autonomie – voire 500 ans si l’on prend pour point de départ la résistance à la colonisation.

Les structures politiques en place depuis 2003 (voir cet article détaillant l’organisation de l’autonomie) permettent de gérer un territoire grand comme la Belgique dans lequel sont juxtaposées des Communes acquises au « mauvais gouvernement » et des populations se réclamant du zapatisme. Nous présentons ici une carte remise à jour par nos soins, détaillant la structure politique zapatiste dans l’Etat du Chiapas.

Cette carte empruntant aux documents émis par Maël Lhopital, volontaire de la DESMI, et Gustavo Castro du CIEPAC dans un effort pour actualiser le découpage politique zapatiste depuis la création des Caracoles (2003) et les annonces de la création de nouveaux territoires autonomes (2019).

Voici pour mémoire une carte générale de l’Etat du Chiapas

Carte générale de l'Etat du Chiapas

Et la carte mise à jour de l’organisation politique comprenant les structures créées en 2003 et 2019.

Carte de l'organisation zapatiste dans l'Etat du Chiapas comprenant les Caracoles (régions) et municipalités créées en 2003 et 2019
 #Caracol (Escargot) [1] Nom de la régionAguacaliente[2] Ancien nomMunicipalités autonomes (MAREZ[3]) Dénomination zapatisteMunicipalités (Municipios[4])  Dénomination officielle
1Madre de los caracoles del mar de nuestros sueñosla RealidadGeneral Emiliano Zapata
San Pedro de Michoacán
Libertad de los Pueblos Mayas
Tierra y Libertad
X Las Margaritas
X Las Margaritas y Trinitaria
2Torbellino de nuestras palabrasMorelia17 de Noviembre
Primero de Enero
Ernesto Ché Guevara,
Olga Isabel
Miguel Hidalgo
Vicente Guerrero
Altamirano y Chanal Ocosingo Ocosingo X Comitán y Las Margaritas Palenque
3Resistencia hacia un nuevo amanecerla GarruchaFrancisco Gómez
San Manuel
Francisco Villa
Ricardo Flores Magón
Ocosingo Ocosingo X Ocosingo
4El caracol que habla para todosRoberto BarriosVicente Guerrero
Trabajo
La Montaña
San José en Rebeldía
La Paz
Benito Juarez
Francisco Villa
Palenque Palenque y Chilon X X Tumbalá y Chilón Tila, Yajalón y Tumbalá Salto de Agua
5Resistencia y rebeldía por la humanidadOventik (V)San Andrés Sakamchén de los Pobres
San Juan de la Libertad
San Pedro Polhó
Santa Catarina
Magdalena de la Paz
16 de Febrero
San Juan Apóstol Kankujk
San Andrés Larráinzar El Bosque X Pantelhó y Sitalá San Pedro Chenalhó X San Juan Cancuc
6Colectivo el corazón de semillas rebeldes La UniónOcosingo
7Jacinto Canek Comunidad del CIDECI-Unitierra à San Cristóbal de las Casas (Université de la Terre)San Cristóbal de las Casas
8Resistencia y Rebeldía un Nuevo Horizonte Dolores HidalgoOcosingo
9En Honor a la memoria del Compañero Manuel Poblado Nuevo JerusalénOcosingo
10Floreciendo la semilla rebelde Poblado Patria NuevaOcosingo
11Espiral digno tejiendo los colores de la humanidad en memoria de l@s caídos Tulan Ka’uAmatenango del Valle
12Raíz de las Resistencias y Rebeldías por la humanidad ejido Jolj’aTila

[1] Caracol signifie escargot et correspond à une "région administrative" accueillant en son chef  lieu un Conseil de bon gouvernement (Junta de Buen Gobierno) ainsi que des installations éducatives, sanitaires, de production, de rencontres. Les 5 premiers ont été créés en 2003, les suivants en 2019.
[2] En référence au nom de la ville où se scella le rapprochement entre les armées de Zapata et de Villa. Ce terme a été remplacé par Caracol en 2003 bien que ces dénominations subsistent.
[3] Municipios Autónomos Rebeldes Zapatistas (MAREZ) ou Communes autonomes rebelles zapatistes, conservent leur autonomie en matière de justice, de santé, d’éducation, de logement, de gestion de la terre et des cultures et de la commercialisation de celles-ci.
[4] Le Mexique compte 2500 Municipalités ou Communes dont l'étendue et la démographie se rapprochent plutôt du concept de canton en France.

Pour une société démocratique

Briser les chaines de notre imaginaire marchand
Quelle société serait susceptible de nous faire basculer d’une démocratie oligarchique (selon les termes de J. Rancière) dans une démocratie réelle? Peut-on définir les contours et les tendances d’une telle société vouée à établir une véritable équité?

En sciences sociales, une société désigne un ensemble de personnes qui partagent des normes, des comportements et une culture, et qui interagissent en coopération pour former des groupes sociaux ou une communauté. De cette définition on peut contester le terme de coopération, comme Bourdieu l’avait fait en son temps, en indiquant que la société se définit en grande partie (et contre l’idée de coopération librement consentie) à partir de rapports de force inconscients de la pratique sociale (habitus).

Lorsque ces rapports de force atteignent la surface consciente de la société, on assiste à l’émancipation de populations jusque-là stigmatisées (personnes racisées, mouvement des femmes, des communautés homosexuelles, etc.). Pourtant, des rapports de force socio-économique continuent d’irriguer largement nos sociétés. Ce rapport de domination opposé à l’instauration d’une société plus horizontale ne serait-il pas l’ultime forteresse à démanteler?

L’éthique de la non-puissance

La non-puissance ou « la capacité de faire et le choix de ne pas faire » s’applique à tous les domaines de la société et en particulier à la technique dont l’inéluctable « progrès » a été remis en cause par plusieurs penseurs dont Bernard Charbonneau. Celui-ci évoque ainsi les agriculteurs qui s’endettent pour « acquérir des machines, dont le maître est aussi l’esclave: ces engins faits pour aider le paysan servent tout autant à le détruire et en même temps le paysage. Le travail se fait plus vite, mais comme il produit davantage, l’agriculteur se retrouve au même point, sans l’intérêt au travail que représente le sens du geste bien fait. Ainsi l’exploitant est-il également l’exploité. Au bout du compte, pour le paysan, se moderniser, comme on l’entend aujourd’hui, n’a qu’un sens: se suicider ».[1]  

L’éthique de la non-puissance s’applique encore aux moyens de transformation de la société. Le pouvoir n’est pas une fin en soit, ni une rente pour des politiciens professionnels. Dans ces combats de transformation nous dit Jacques Ellul, « la fin est déjà compromise quand les moyens ne sont pas justes. » Autrement dit, une révolution verticale, ne saurait accoucher d’une société horizontale. Révolution entendu au sens que lui a donné A. Krivine : « La révolution ça n’est pas pendre un curé, un CRS et un patron à chaque arbre, c’est changer complètement le fonctionnement de la société pour répondre aux besoins des gens et non pas pour la concurrence et le profit »[2].

On le comprend donc, l’éthique de la non-puissance nous enjoint de retrouver le sens des limites, de la mesure, de l’équité contre le développement insensé du pouvoir sur nos semblables et la nature.

Une société conviviale

Selon Illich, « une société conviviale est une société qui donne à l’homme la possibilité d’exercer l’action la plus autonome et la plus créative, à l’aide d’outils moins contrôlables par autrui. La productivité se conjugue en termes d’avoir, la convivialité en termes d’être. »[3] La notion d’outil se rapproche de celle de « technique », utilisée par J. Ellul soit l’ensemble de tous les moyens matériels et intellectuels soumis à l’impératif de l’efficacité. La technique constitue aussi une croyance, une façon quasi mystique de concevoir le monde, dont le « mythe du progrès » ne constitue que la partie la plus visible.

Pour Illich, « l’outil convivial est celui qui me laisse la plus grande latitude et le plus grand pouvoir de modifier le monde au gré de mon intention. L’outil industriel me dénie ce pouvoir ; bien plus, à travers lui, un autre que moi détermine ma demande, rétrécit ma marge de contrôle et régit mon sens. La plupart des outils qui m’environnent aujourd’hui ne sauraient être utilisés de façon conviviale.[…] L’usage que chacun fait de l’outil convivial n’empiète pas sur la liberté d’autrui d’en faire autant. Personne n’a besoin d’un diplôme pour avoir le droit de s’en servir. » A l’inverse l’outil industriel est vecteur de ségrégation: « c’est le cas lorsque des moteurs sont conçus de telle sorte qu’on ne puisse y faire soi-même de menues réparations avec une pince et un tournevis. »

« Il est possible que certains moyens de production non conviviaux apparaissent comme désirables dans une société post-industrielle. Il est probable que, même dans un monde convivial, certaines collectivités choisissent d’avoir plus d’abondance au prix d’une moindre créativité. Il est à peu près sûr que, pendant la période de transition, l’électricité ne sera pas partout le résultat d’une production domestique. Bien sûr, le conducteur d’un train ne peut ni s’écarter de la voie ferrée ni choisir ses arrêts ou son horaire. […] Dans l’optique conviviale, l’équilibre entre la justice dans la participation et l’égalité dans la distribution peut varier d’une société à l’autre, en fonction de l’histoire, des idéaux et de l’environnement de cette société. »

Les toxicos de l’info

On connait tous des enragés de l’information, toujours à la pointe de la dernière news. On le sait, la prolifération des moyens de communication, amène une information toujours plus massive, continue, omniprésente, autant que déformée à bas bruit, en raison de l’appropriation des médias par quelques grandes fortunes. Avec sa distribution pilotée par des algorithmes apprenants (intelligence artificielle), elle est aussi davantage biaisée, propice à l’apparition de nouvelles communautés affinitaires mondialisées s’ignorant les unes les autres. L’homo oeconomicus contemporain baigne dans cette mer d’information sans qu’il l’ait le plus souvent sollicitée (entre 100 et 5000 messages publicitaires reçus par jour selon la méthodologie de comptage retenu[4]).

Ce baigneur passif est l’antithèse du citoyen en prise sur le monde, capable de peser sur sa marche (y compris dans l’intervalle de 5 ans qui sépare deux élections). Ainsi le citoyen ne se limite pas à sa fonction de simple récepteur impotent. Il doit aussi être un émetteur, à la fois dans l’espace « public / privé » (la place du marché ou agora), l’espace public (assemblée) ; au-delà du seul « espace privé » de sa famille et de ses extensions affinitaires par web interposé. Une société propice à l’avènement d’une démocratie directe n’irait-elle pas à rebours de la publicité et des informations souvent biaisées pour laisser au futur citoyen le loisir de se former, d’échanger et de vivre librement.

Décoloniser de l’imaginaire

Cette expression de Serge Latouche, empruntant à celle de Castoriadis d' »imaginaire instituant », renvoi à la nécessité de nous libérer de l’emprise de la société marchande dans laquelle nous baignons pour accéder à la possibilité d’une autre vie (décroissante dans la pensée de Latouche). Le comportement schizophrène du consommateur / citoyen est bien connu: je vote pour un candidat en faveur de l’emploi en France et « en même temps » j’achète des produits importés à bas coût. La décolonisation de l’imaginaire consiste à chasser ce double pathologique qui hante nos sociétés, en nous libérant de la tyrannie de l’hyperconsommation.  » Le phénomène consumériste s’explique par la colonisation de l’imaginaire des masses. Il s’agit en particulier, grâce à la publicité, de persuader en permanence les gens de dépenser non seulement l’argent qu’ils ont, mais surtout celui qu’ils n’ont pas pour acheter des choses dont ils n’ont pas besoin. La consommation forcenée est ainsi devenue une nécessité absolue, pour éviter la catastrophe de la crise et du chômage. »[5] Nous vivons dans une société ou le désir (et la frustration associée) est encouragé car les seuls besoins, contrairement au désir, ne sont pas extensibles à l’infini. Le désir compulsif, obsessionnel, sans fin de notre société est le premier pas de ce que les grecs nommaient « hubris » ou démesure dont l’issue est toujours fatale aux civilisations.

Travailler par peur de l’ennui

Le travail érigé en idole des temps modernes a bien souvent perdu de son sens au point de créer une nouvelle classe de travailleurs dotés de « bullshit jobs » (voir cet article).

« Les Grecs et les Romains […], avaient l’habitude de parler des travailleurs salariés comme d’esclaves à temps partiel. »[6] De la même façon, l’idée dominante a longtemps été que l’économie primitive permettait tout juste au « Sauvage écrasé par son environnement écologique, sans cesse guetté par la famine, hanté par l’angoisse permanente de procurer aux siens de quoi ne pas périr. » Cette conception erronée d’une économie de la misère véhiculée par les savants et dénoncée par P. Clastre à partir des faits ethnographiques démontre que « loin de passer toute leur vie à la quête fébrile d’une nourriture aléatoire, ces prétendus misérables ne s’y emploient au maximum que cinq heures par jour en moyenne, plus souvent entre trois et quatre heures. Il en résulte donc qu’en un laps de temps relativement court, Australiens et Bochimans assurent très convenablement leur subsistance. »[7]

Doit-on se résoudre par croyance dans l’idéal capitaliste à oublier ces leçons de bien vivre? La reconquête d’un temps libéré ne serait-il pas le premier pas vers une société repensée en commun?

Si personne ne peut prévoir l’avenir, certains épisodes (gilets jaunes, mouvements de places, etc.) permettent de soulever le rideau d’un autre futur. Le refus des rapports de domination hérités et entretenus par les mythes libéraux, le rejet de la puissance vantée par l’imaginaire marchand semblent constituer de forts détonateurs des remparts de l’ancien monde. Au travers de ces brèches apparaît une société conviviale, régie par elle-même, réhumanisée en son cœur: une démocratie directe.


[1] Bernard Charbonneau, Notre table rase (2014) cité dans le défi de la non-puissance par Frédéric Rognon (2020)
[2] Entretien à voix nue, France Culture 2011
[3] Ivan Illich, la convivialité (1973). Les citations suivantes sont tirées du même ouvrage.
[4] Antipub.org
[5] Serge Latouche, L'âge des limites (2012)
[6] Serge Latouche, Travailler moins, travailler autrement ou ne pas travailler du tout (2021)
[7] Préface de Pierre Clastres à la publication française de "âge de pierre, âge d'abondance" de Marshall Sahlins (1976)

Akira et la démocratie radicale

Logo Akira

Démocratie: peut-on donner ce nom à un régime en désintégration ? Qui croit encore que nous sommes représentées par ces clowns en cravates ? Qui pense encore qu’ils défendent le bien commun?

Cet article reproduit la première des 10 mesures proposées par le mouvement politique révolutionnaire autogéré AKIRA concernant la démocratie radicale.

Nous n’entendons pas « réparer » ou « réformer » la démocratie mais la révolutionner !

« La concentration des pouvoirs, l’hyper-présidentialisation, le recul des contre-pouvoirs institutionnels, le chantage de la finance: tout porte à croire que nous devons changer aussi vite que possible les règles du jeu.

Au même moment, une autre démocratie s’invente : c’est celle qui unit les mobilisations, les soulèvements populaires et les alternatives qui surgissent partout dans le monde pour améliorer nos vies. Akira se place du côté de cette démocratie-là.

Partir du bas, des besoins, des savoirs qui existent, de l’autogouvernement : nous combattons pour faire s’écrouler la pyramide. Nos vies, nos villes et nos campagnes ne peuvent plus être gouvernées par d’autres que nous-mêmes.

Nous combattons pour une démocratie qui s’appuie sur l’autonomie politique, le Commun, et l’autodétermination des premier.e.s concerné.e.s.

Une démocratie s’opposant à la fois à l’extension du néolibéralisme autoritaire et à toutes les réactions néofascistes, racistes, et xénophobes qui osent prétendre parler « au nom du peuple ».

Une seule démocratie réelle est possible : elle est égalitaire et ouverte. Elle vit dans les entreprises, sur les places des villages, dans les bars et les restaurants, dans les clubs de sport.

Seule une culture du commun, de l’autogestion et du soin nous la rendra accessible. Pour la construire, il nous faudra bouleverser profondément notre rapport à l’Autre et au vivant, nos manières de penser, de sentir et d’agir.

Si notre programme est pour l’heure contraint par les frontières nationales de la France, nous nous reconnaissons dans tous les territoires qui ont déjà engagé cette redéfinition fondamentale des règles et nous invitons tous ceux qui voudraient se lancer dans cette grande aventure à nous y rejoindre.

La forme concrète que celle-ci pendra devra être tranchée par les habitant.e.s de tous ces territoires libérés et non pas par quelques aspirant.e.s révolutionnaires comme nous.

Elles ne dépendent donc pas de l’élection d’Akira à la présidence mais bien de l’existence d’un mouvement capable de les soutenir, de les modifier, et de les mettre en place.

Nous ne nous faisons pas d’illusions, comme pour le reste du programme d’Akira, toutes ces mesures ne pourront être réalisées que si elles sont portées par un mouvement révolutionnaire qui se pense comme tel.

Disons-le clairement : Akira ne sera victorieuse que le jour où les peuples se gouverneront eux-mêmes.

Mesure phare: Assemblées Constituantes Communales

Démantèlement de la Vème République et ouverture d’un processus constituant pour la rédaction collective d’une constitution révolutionnaire. Ce texte commun aura pour rôle de proposer une nouvelle manière de nous organiser en collectivités. Il sera élaboré et rédigé au sein d’assemblées territoriales dans les 34 965 communes du territoire pendant deux années. Une assemblée intercommunale non-décisionnelle aura pour but d’assurer la coordination des propositions entre les assemblées communales. L’adoption du texte final aura lieu à travers un référendum intercommunal.

10 MESURES à mettre en place immédiatement

1. Reconnaissance des votes blancs et abstention

Annulation de l’élection si l’abstention et le vote blanc additionnés dépassent les 30%. Les élections sont invalidées et un autre scrutin est organisé avec de nouveaux candidats. Si le taux est encore supérieur à 30%, alors un tirage au sort des représentant.e.s parmi la population (comprenant tout les habitant.e.s du pays : étranger.e.s, exilé.e.s et sans-papiers) est mis en place.

2. Changement du statut des élu.e.s

  • Fin de la rémunération des élu.e.s (permise par le Revenu Universel Inconditionnel) et mise en place de mandats impératifs. « Diriger n’est pas un métier. »
  • Obligation de transparence : les élu.e.s doivent rendre publiquement et hebdomadairement compte de leur actions. Ceci afin de rendre plus transparents leurs agissements de nos élu.e.s, et de diminuer l’influence des logiques de partis.
  • Fin de l’immunité parlementaire et mise en place de procédures de révocation. Tout crime, délit ou abus de position au détriment du bien commun doit être jugé comme vol en bande organisée.

3. Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC)

Dispositif de démocratie directe permettant aux habitant.e.s de tous les échelons territoriaux existant actuellement (municipal, régional, national, transnational) de proposer la tenue d’un référendum. Nous nous inscrivons dans la demande portée par le soulèvement des Gilets Jaunes souhaitant quatre modalités pour le RIC :

  • pour voter une proposition de loi (référendum législatif) ;
  • pour abroger une loi votée par le Parlement ou un traité (référendum abrogatoire ou facultatif) ;
  • pour modifier la Constitution (référendum constitutionnel) ; et pour révoquer un élu (référendum révocatoire).

Compris dans une dimension locale, le RIC permettra aussi à toutes et à tous de reprendre le pouvoir sur la gestion courante des aff aires qui les concernent au jour le jour.

4. Intégration de la Guillotine comme patrimoine culturel immatériel de la France à l’UNESCO (pour bien s’en rappeler)

5. Elargissement du droit de vote

  • Droit de vote pour tous les habitant.e.s dès 1 an de présence sur le territoire.
  • Droit de vote dès l’âge de 16 ans

6. Protection inconditionnelle des lanceurs d’alertes

7. Donner leur indépendance aux médias

Rien ne sera possible sans un accès démocratique à l’information et à sa diffusion.

  • Expropriation de l’empire Bolloré (pour commencer) et exil forcé de Vincent Bolloré dans la fusée de SpaceX de Elon Musk pour un aller simple vers Mars.
  • Socialisation de BFMTV et CNEWS et licenciement de tous les chroniqueurs actuels. Interdiction du fi nancement des médias par des entreprises à but lucratif.
  • Fond de dotation indépendant pour l’aide à la création de médias citoyens et d’utopies numériques comme Wikipédia.

8. Apprentissage systématique des pratiques démocratique et autogestionnaire dès l’âge de 3 ans

afin de faciliter la participation, l’animation et la prise de décision par tous et toutes au sein d’espaces gérés collectivement.

9: Construction de l’Alliance des Communes Libres

Construction d’institutions municipales autonomes, non-étatiques et apartisanes dans tout le pays et au-delà. Une « l’Alliance des commune libres » permettra la circulation entre ces entités. et la décentralisation graduelle du pouvoir politique.

Cette mesure, inspirée des exemples de Nantes En Commun, du Syndicat de la Montagne Limousine, des Communes Zapatistes au Mexique ou des conseils locaux en Syrie, préparera la mise en place des Assemblées constituantes communales. Elle aura aussi pour mission de nouer des liens avec des communes ailleurs dans le monde.

10. Pour la généralisation des « communs »

Au sein de ces communes, mise en place d’un gestion par les habitant.e.s de « communs » municipaux (Studio d’enregistrement, fournil, laverie, cinéma, maison du peuple, centre de santé local, terres nourricières, production/fourniture d’énergie locale, etc.), selon des besoins établis par tout.e.s les habitant.e.s. »

Lois révolutionnaires zapatistes, la construction du foyer de la démocratie directe

A partir de quelles règles s’est construite l’expérience zapatiste? Comment ce socle de lois a-t-il été conçu? Quels aspects de la vie quotidienne sont pris en compte dans ce texte?
excusez du dérangement, ceci est une révolution

Nous avons vu la « genèse » de la révolution zapatiste dans cet article, attardons-nous à présent sur les « lois divines » rendues publiques peu avant l’insurrection: les lois révolutionnaire. Ce corpus diffusé en décembre 1993 ne tient pas lieu de constitution (voir cet article sur l’absence de constitution), mais édicte des règles de transition à appliquer sur les territoires sous le contrôle des zapatistes.

Au commencement, donc, était l’EZLN, armée de libération soutenue par une grande partie de la population locale. Cette armée commandée par le comité clandestin révolutionnaire indigène (CCRI) et dont Marcos est le chef militaire en même temps que porte-parole édicte donc un texte portant à la fois les principales revendications bientôt regroupées dans la formule Liberté, Justice, Démocratie et les principales règles permettant une vie décente pour les populations locales.

En résumé, ces lois révolutionnaire visent à :

  • Limiter les dérives autoritaires ou mercantiles de l’armée ou de fractions de celle-ci.
  • Interdire l’immixtion des militaires dans les affaires civiles et notamment les processus de démocratie.
  • Permettre à l’armée de subsister sur les territoires contrôlés en bénéficiant de logements et de vivres, sans abus ou disproportion par rapport aux conditions de vie des populations locales.
  • Mettre en place des impôts révolutionnaires sur les territoires contrôlés par les zapatistes avec des taux importants pour les grands (20% des revenus) et une exonération pour les petits.
  • Abolir les impôts et taxes du mauvais gouvernement.
  • Promouvoir la tenue d’élections libres et démocratiques, et responsabiliser les élus : compte-rendu régulier à la population,  responsabilité de l’argent public dépensé.
  • Déposséder les propriétaires d’un terrain excédant 100 hectares en mauvais état ou 50 hectares en bon état pour qu’il ne lui soit laissé que le minimum autorisé. Ces terres vont en priorité aux paysans sans terres.
  • Exproprier les grandes entreprises agricoles au profit de coopératives.
  • Reboiser, préserver l’eau, les forêts.
  • Mettre en place de centres de commerces pour un achat des denrées au juste prix et une revente à prix équitable.
  • Bâtir des centres de santé pour tous avec des médicaments gratuits pour le peuple, des centres de loisirs pour tous, des écoles gratuites, des centres de construction pour aider à bâtir des maisons et infrastructures, des centres de services pour fournir au peuple électricité et aménagements.
  • Permettre l’occupation des bâtiments publics et des grandes demeures par le peuple.
  • Suspendre les loyers pour les locataires occupant un logement depuis plus de 15 ans et réduire à 10% des revenus du chef de famille pour les autres.
  • Interdire la discrimination des femmes, en particulier dans la gestion des affaires de la communauté ou à tous les grades de l’armée.
  • Garantir leur droit de choisir un époux, de travailler, de décider du nombre d’enfants qu’elles veulent.
  • Obliger les entreprises étrangères à payer leurs employés en monnaie nationale au tarif horaire équivalent à celui qu’elles pratiquent en dollars à l’étranger.
  • Revoir les salaires, procurer une assistance médicale gratuite payée par les patrons, mettre à disposition des actions de l’entreprise au prorata de l’ancienneté.
  • Réguler des prix des denrées de première nécessité.
  • Fournir un logement et une nourriture gratuits pour les personnes âgées sans famille.
  • Garantir les pensions de retraites au niveau du salaire minimum.
  • Libérer tous les détenus à l’exception des assassins, des violeurs et des dirigeants du trafic de drogue.

Voici ce texte.

Paru dans le premier numéro de « Le réveil mexicain », organe d’information de l’EZLN (Armée de libération zapatiste au Mexique) en décembre 1993[1].

Mexicains ! Ouvriers, paysans, étudiants, profesionistas[2] honnêtes, chicanos[3] progressistes d’autres pays, nous avons entrepris la lutte qu’il nous faut mener pour obtenir ce que l’État mexicain n’a jamais voulu nous accorder : le travail, la terre, un toit, l’alimentation, la santé, l’éducation, l’indépendance, la liberté, la démocratie, la justice et la paix.

Nous avons passé des centaines d’années à réclamer des promesses jamais tenues (et à y croire), on nous a toujours demandé d’être patients et de savoir attendre des temps meilleurs. On nous a conseillé la prudence, et on nous a promis que l’avenir serait différent Or nous avons vu que non : tout est pareil ou pire que ce que vécurent nos grands-parents et nos parents. Notre peuple continue de mourir de faim et de maladies curables, en proie à l’ignorance, l’analphabétisme et l’inculture. Et nous avons compris que si nous ne nous battons pas, nos enfants à leur tour auraient à en passer par là. Et ça n’est pas juste.

Peu à peu, le besoin nous a rassemblés et nous avons dit : ÇA SUFFIT. Nous n’avons plus le temps, ni l’envie d’attendre que d’autres viennent résoudre nos problèmes. Nous nous sommes organisés et avons résolu D’EXIGER CE QUI NOUS EST DÛ LES ARMES À LA MAIN, ainsi que l’ont fait les meilleurs fils du peuple mexicain au long de son histoire.

Nous avons engagé les combats contre l’Armée fédérale et les autres forces de répression ; nous sommes des milliers de Mexicains prêts à VIVRE POUR LA PATRIE OU MOURIR POUR LA LIBERTÉ dans cette guerre nécessaire pour tous les pauvres, les exploités et les miséreux du Mexique et nous n’arrêterons pas avant d’avoir atteint nos objectifs.

Nous vous exhortons à rejoindre notre mouvement car l’ennemi que nous affrontons, les riches et l’Etat, cruel et sans pitié, ne mettra aucun frein à sa nature sanguinaire pour en finir avec nous. Il faut lui donner la réplique sur tous les fronts, et c’est pourquoi votre sympathie, votre appui solidaire, votre capacité à divulguer notre cause, à adhérer à nos idéaux, à prendre part à la révolution en encourageant vos concitoyens à se lever, où que vous soyez, seront des facteurs très importants jusqu’au triomphe final.

LE RÉVEIL MEXICAIN est le journal de l’Armée zapatiste de Libération nationale, son rôle est d’informer notre peuple du déroulement de la juste guerre que nous avons déclarée à nos ennemis de classe. Dans ce premier numéro, nous présentons la Déclaration de guerre que nous adressons à l’Armée fédérale, et nous donnons les ordres auxquels doivent obéir les chefs et offi­ciers des troupes de l’EZLN lors de leur progression sur le territoire national. Nous présentons aussi les Lois révolutionnaires qui s’instaureront, avec le soutien des peuples en lutte, dans les territoires libérés pour en garantir le contrôle révolutionnaire et seront les fondations sur lesquelles bâtir une nouvelle Patrie.

VIVRE POUR LA PATRIE OU MOURIR POUR LA LIBERTÉ

Instructions aux chefs et officiers de l’EZLN

Les ordres suivants doivent être obligatoirement suivis par tous les chefs et officiers des troupes sous la direction de l’Armée zapatiste de Libération nationale.

Premièrement – Vous opérerez en accord avec les ordres que vous recevrez du Commandement général ou des commandements du front de combat.

Deuxièmement – Les chefs et officiers opérant militairement dans des zones isolées ou rencontrant des difficultés de communication avec les commandements devront effectuer leurs tâches militaires, combattre constamment l’ennemi, selon leur propre initiative, en veillant à favoriser la progression de la révolution là où ils se trouvent.

Troisièmement – Ils devront remettre des rapports de guerre à chaque fois que ce sera possible et au moins de façon mensuelle à leurs commandements respectifs.

Quatrièmement – Il leur faudra, dans la mesure du possible, assurer le bon ordre des troupes, particulièrement lors de l’entrée dans des agglomérations, donnant toutes sortes de garanties quant à la vie et aux intérêts des habitants non ennemis de la révolution.

Cinquièmement – Pour subvenir aux besoins matériels des troupes et tant que cela sera possible, ils devront imposer des contributions de guerre aux négociants et aux propriétaires dans la zone où ils opèrent, dans la mesure où ceux-ci disposent d’importants capitaux, conformément à la LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE et aux lois révolutionnaires d’affectation de capitaux commerciaux, agricoles, financiers et industriels.

Sixièmement – Les fonds matériels ainsi recueillis seront intégralement consacrés aux nécessités matérielles des troupes. Le chef ou l’officier qui détournerait une partie de ces fonds à des fins personnelles, si petite fut-elle, sera fait prisonnier et jugé, selon le règlement de l’EZLN, par un tribunal militaire révolutionnaire.

Septièmement – Concernant l’alimentation des troupes, la pâture des chevaux, le combustible et la réfection des véhicules, il faudra s’adresser à l’autorité démocratiquement élue des lieux concernés. Cette autorité recueillera parmi la population civile ce qu’il sera possible et nécessaire de recueillir pour l’unité militaire zapatiste, qu’elle remettra au chef ou au plus haut gradé de ladite unité et à lui seulement.

Huitièmement – Seuls les officiers d’un grade égal ou supérieur à celui de major veilleront au remplacement des autorités des lieux tombés sous le pouvoir de la révolution, conformément à la volonté du peuple et selon les dispositions de la LOI DE GOUVERNEMENT RÉVOLUTIONNAIRE qui s’y réfèrent.

Neuvièmement – Les populations, en général, devront prendre possession de leurs biens en accord avec les Lois révolution­naires. Les chefs ou officiers de l’EZLN offriront à ces populations leur soutien moral et matériel afin que soient appliquées ces Lois révolutionnaires, à condition que lesdites populations en fassent la demande — et seulement en ce cas.

Dixièmement – Absolument personne ne pourra procéder à des entrevues ou élaborer des traités avec le gouvernement oppresseur ou ses représentants, sans l’autorisation préalable du Commandement général de l’EZLN.

Loi sur les impôts de guerre

Dans les zones contrôlées par l’EZLN s’appliquera la suivante LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE qu’il faudra faire valoir avec la force morale, politique et militaire de notre organisation révolutionnaire.

Premièrement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE entrera en vigueur dès qu’une unité militaire de l’EZLN opérera sur un territoire spécifique.

Deuxièmement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE concerne toute personne civile, nationale ou étrangère, établie ou de passage sur ledit territoire.

Troisièmement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE n’est pas obligatoire pour les civils vivant de leurs propres ressources sans exploiter la moindre force de travail, et sans tirer un quelconque profit du peuple. Pour les paysans pauvres, les journaliers, les ouvriers, les employés et les sans-emploi, l’obéissance à cette loi est volontaire, et on ne les y astreindra d’aucune façon, ni moralement ni physiquement.

Quatrièmement – La LOI SUR LES IMPÔTS DE GUERRE est obligatoire pour tous les civils qui vivent de l’exploitation de forces de travail ou qui tirent un quelconque profit du peuple dans leurs activités. Les petits, moyens et grands capitalistes de la campagne et de la ville pourront être astreints à se soumettre à cette loi sans exception, indépendamment de leurs obligations par rapport aux Lois révolutionnaires d’affectation de capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels.

Cinquièmement – Sont établis les suivants pourcentages d’imposition selon le travail de chacun :

a / Pour les petits commerçants, les petits propriétaires, les ateliers et les petites industries, 7 % de leurs revenus mensuels. En aucune façon leurs moyens de production ne pourront être affectés au recouvrement de cet impôt.

b/ Pour les profesionistas, 10 % de leurs revenus mensuels. En aucune façon les moyens matériels strictement nécessaires à l’exercice de leur profession ne pourront être affectés au recouvrement de cet impôt.

c / Pour les moyens propriétaires, 15 % de leurs revenus mensuels. Leurs biens seront affectés selon les Lois révolutionnaires afférentes d’affectation de capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels.

d / Pour les grands capitalistes, 20 % de leurs revenus mensuels. Leurs biens seront affectés selon les Lois révolutionnaires afférentes d’affectation de capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels.

Sixièmement – Tous les biens confisqués aux forces armées de l’ennemi seront propriété de l’EZLN.

Septièmement – Tous les biens obtenus des mains du gouvernement oppresseur par la Révolution seront propriété du gouvernement révolutionnaire, selon les lois du gouvernement révolutionnaire.

Huitièmement – Sont abolis tous les impôts et taxes du gouvernement oppresseur, ainsi que les dettes en argent ou en nature auxquelles le peuple exploité de la campagne et de la ville est assujetti par les gouvernants et les capitalistes.

Neuvièmement – Tous les impôts de guerre recueillis par les Forces armées révolutionnaires ou par le peuple organisé deviendront propriété collective des populations locales et seront administrés, selon la volonté populaire, par les autorités civiles démocratiquement élues, qui ne remettront à l’EZLN que le strict nécessaire pour répondre aux besoins matériels des troupes régulières et pour la perpétuation du mouvement libérateur conformément à la LOI DES DROITS ET DES DEVOIRS DES POPULATIONS EN LUTTE.

Dixièmement – Aucune autorité, civile ou militaire, qu’elle dépende du gouvernement oppresseur ou des Forces révolutionnaires, ne pourra prélever, pour son bénéfice personnel ou celui de sa famille, la moindre partie de ces impôts de guerre.

Loi des droits et des devoirs des populations en lutte

Au cours de sa progression libératrice sur le territoire mexicain et dans sa lutte contre le gouvernement oppresseur et les grands exploiteurs nationaux et étrangers, l’EZLN fera valoir, avec le soutien des populations en lutte, la suivante Loi des droits et des devoirs des populations en lutte :

Premièrement – Les populations en lutte contre le gouvernement oppresseur et les grands exploiteurs nationaux et étrangers, quelles que soient leur appartenance politique, religieuse, leur race ou leur couleur, bénéficieront des DROITS suivants :

  1. D’élire librement et démocratiquement leurs autorités, sous la forme qu’elles considéreront opportune, et d’exiger que celles-ci soient respectées.
  2. D’exiger des Forces armées révolutionnaires qu’elles n’interviennent pas dans les affaires d’ordre civil ou dans l’affec­tation des capitaux agricoles, commerciaux, financiers et indus­triels qui relèvent de la compétence exclusive des autorités civiles librement et démocratiquement élues.
  3. D’organiser et d’exercer la défense armée de leurs biens collectifs et particuliers, ainsi que d’organiser et d’exercer le maintien de l’ordre public et du bon gouvernement selon la volonté populaire.
  4. D’exiger des Forces armées révolutionnaires qu’elles assurent la sécurité de personnes, de familles et de propriétés particulières, de collectivités de voisins et de personnes de passage, dans la mesure où ce ne sont pas des ennemis de la révolution.
  5. Les habitants de toute agglomération ont le droit d’acquérir et de posséder des armes pour défendre leur personne, leur famille et leurs biens, conformément aux lois d’affectation des capitaux agricoles, commerciaux, financiers et industriels, contre les attaques ou les attentats que commettraient ou prétendraient commettre les Forces armées révolutionnaires ou celles du gouvernement oppresseur.

De la même manière, ils sont amplement fondés à faire usage de leurs armes contre tout homme ou groupe d’hommes qui s’en prendraient à leur foyer, à l’honneur de leur famille ou tenteraient de les voler ou de porter tout type d’atteinte à leur personne. Cela ne vaut que pour ceux qui ne sont pas ennemis de la révolution.

Deuxièmement – Les autorités civiles de tout type, démocra­tiquement élues, auront, en plus des droits précédents et des attri­butions que leur confèrent les lois révolutionnaires respectives, les DROITS suivants :

  1. Ils pourront emprisonner, désarmer et remettre à leur commandement quiconque sera surpris en train de cambrioler, de violer ou de saccager un domicile, ou en train de commettre tout autre délit, afin qu’il reçoive le châtiment qu’il mérite, y compris s’il s’agit d’un membre des Forces armées révolution­naires. Il en ira de même pour ceux qui auraient commis de tels délits, même s’ils n’ont pas été pris sur le fait, dans la mesure où leur culpabilité sera suffisamment établie.
  2. Ils auront le droit de procéder au recouvrement des impôts révolutionnaires établis par la LOI DES IMPÔTS DE GUERRE.

Troisièmement – Les populations en lutte contre le gouver­nement oppresseur et les grands exploiteurs nationaux et étrangers, quelles que soient leur appartenance politique, religieuse, leur race ou leur couleur, seront tenues aux DEVOIRS suivants :

  1. Offrir leur concours aux tâches de surveillance décidées par volonté majoritaire ou par les nécessités militaires de la guerre révolutionnaire.
  2. Répondre à l’appel des autorités démocratiquement élues, des Forces armées révolutionnaires ou de tout militaire révolu­tionnaire en cas d’urgence à combattre l’ennemi.
  3. Offrir leur concours pour l’acheminement du courrier ou en tant que guides des Forces armées révolutionnaires.
  4. Offrir leur concours pour porter des vivres aux troupes révolutionnaires lorsqu’elles sont au combat contre l’ennemi.
  5. Offrir leur concours pour le transport de blessés, l’enter­rement de cadavres, et autres travaux de même nature relatifs à l’intérêt de la révolution.
  6. Procurer des vivres et l’hébergement aux Forces armées révolutionnaires, qu’elles soient en garnison ou de passage dans leur agglomération et dans la mesure de leurs possibilités.
  7. Payer les impôts et les contributions établies par les LOIS SUR LES IMPOTS DE GUERRE et les autres Lois révolutionnaires.
  8. Elles ne devront en aucune façon aider l’ennemi ni lui fournir de produits de première nécessité,
  9. Se consacrer à un travail licite.

Quatrièmement – Les autorités civiles de tout type, démo­cratiquement élues, auront, en plus des devoirs précédents, les OBLIGATIONS suivantes :

  1. Rendre compte régulièrement à la population des activités liées à leur mandat ainsi que de la provenance et de l’affectation de toutes les ressources matérielles et humaines placées sous leur administration.
  2. informer régulièrement leur commandement des Forces armées révolutionnaires des nouveaux événements qui se produi­sent sur leur territoire.

Loi des droits et des devoirs des Forces armées révolutionnaires

Les Forces armées révolutionnaires de l’EZLN, dans leur lutte contre le gouvernement oppresseur et les grands exploiteurs natio­naux et étrangers, et au cours de leur progression libératrice sur le territoire mexicain, s’engagent à respecter et faire respecter la suivante LOI DES DROITS ET DES DEVOIRS DES FORCES ARMÉES RÉVOLUTIONNAIRES :

Premièrement – Les troupes révolutionnaires de l’EZLN, dans leur lutte contre l’oppresseur ont les DROITS suivants :

  1.  Les troupes qui transitent ou séjournent dans une agglomération auront le droit de recevoir de la population, par l’intermédiaire des autorités démocratiquement élues, le logement, les vivres et les moyens d’accomplir leurs missions militaires, et cela dans la mesure des capacités des habitants de ladite agglomération.
  2. Les troupes qui, sur ordre de leur commandement, s’établiraient en un lieu précis auront le droit de recevoir le logement, les vivres et des moyens, conformément aux dispositions de l’alinéa a/ de cet article.
  3. Les chefs, officiers et soldats qui constateraient qu’une autorité n’applique pas les dispositions des Lois révolutionnaires et se dérobent à la volonté populaire auront le droit de dénoncer cette autorité auprès de leur gouvernement révolutionnaire.

Deuxièmement – Les troupes révolutionnaires de l’EZLN, dans leur lutte contre l’oppresseur, ont les DEVOIRS suivants :

  1. Faire en sorte que les populations qui n’ont pas encore nommé librement et démocratiquement leurs autorités procèdent immédiatement à la libre élection de celles-ci, sans intervention des forces armées, qui, sous la responsabilité de leurs dirigeants militaires, laisseront faire la population sans exercer la moindre pression
  2. Respecter les autorités civiles librement et démocratiquement élues.
  3. Ne pas intervenir dans les affaires civiles et laisser agit librement les autorités civiles dans ces affaires.
  4. Respecter le commerce légal en accord avec les Lois révolutionnaires s’y référant.
  5. Respecter les répartitions agricoles réalisées par le Gouvernement révolutionnaire.
  6. Respecter les règlements, coutumes et accords des populations et s’y soumettre dans les cas de relations entre militaires et civils.
  7. Ne pas imposer les habitants, sous aucune forme ni prétexte, sur l’utilisation de leurs terres et de leurs eaux.
  8. Ne pas s’approprier les terres de la population ou des grandes propriétés confisquées à l’oppresseur pour leur bénéfice personnel.
  9. Respecter toutes les lois et les règlements émis par le Gouvernement révolutionnaire.
  10. Ne pas exiger de la population des services personnels ou des travaux pour le bénéfice personnel.
  11. Dénoncer les subordonnés qui commettraient un délit, les capturer et les remettre à un Tribunal militaire révolutionnaire afin qu’ils y reçoivent un juste châtiment.
  12.  Respecter la justice civile.
  13. Les chefs et officiers seront responsables devant leurs commandements respectifs des abus et des délits de leurs subordonnés qu’ils n’auront pas livrés aux Tribunaux militaires révolutionnaires.
  14. Faire la guerre à l’ennemi jusqu’à ce qu’il soit définitivement chassé du territoire convoité ou totalement anéanti.

Loi agraire révolutionnaire

Les paysans démunis en lutte au Mexique continuent de récla­mer la terre pour ceux qui la travaillent. Après Emiliano Zapata et contre la réforme de l’article 27[4] de la Constitution mexicaine, l’EZLN reprend la juste lutte de la campagne mexicaine pour la terre et la liberté. Afin de réglementer la nouvelle répartition agraire qu’apporte la révolution sur les terres mexicain établie la suivante LOI AGRAIRE REVOLUTIONNAIRE:

Premièrement – Cette loi vaut pour tout le territoire mexicain et bénéficie à tous les paysans démunis et aux journaliers agricoles mexicains, sans distinction d’appartenance politique ou religion de sexe, de race ou de couleur.

Deuxièmement – Cette loi concerne toutes les propriétés et les entreprises agricoles nationales ou étrangères sur le territoire mexicain.

Troisièmement – Sera sujette à affectation agraire toute étendue de terrain excédant 100 hectares en mauvais état ou 50 hectares en bon état. Les propriétaires dont les terres excèdent les limites mentionnées ci-dessus seront dépossédés de leurs excé­dents et conserveront le minimum autorisé par cette loi ; ils pour­ront rester petits propriétaires ou se joindre au mouvement paysan de coopératives, de sociétés paysannes ou de terres communales.

Quatrièmement – Ne feront pas l’objet d’affectation agraire les terres communales, ejidos[5] ou terrains appartenant aux coopé­ratives populaires, y compris si elles dépassent les limites mentionnées dans l’article 3 de cette loi.

Cinquièmement – Les terres affectées par cette loi seront réparties entre les paysans sans terre et les journaliers agricoles qui en feront la demande, sous forme de PROPRIÉTÉ COLLEC­TIVE par la formation de coopératives, de sociétés paysannes ou de collectifs de production agricole et d’élevage. Les terres ainsi affectées devront être travaillées en collectivité.

Sixièmement – Dans le cadre de cette répartition bénéficient d’un DROIT PRIORITAIRE les collectivités de paysans pauvre sans terre et de journaliers agricoles, hommes, femmes et enfants, qui pourront prouver qu’ils ne possèdent pas de terre ou alors de mauvaise qualité.                                                              

Septièmement – Pour l’exploitation de la terre au bénéfice des paysans pauvres et des journaliers agricoles, les affectations des grandes propriétés et des monopoles agricoles incluront les moyens de production tels que les machines, les fertilisants, les entrepôts, les ressources financières, les produits chimiques et l’assistance technique.

Tous ces moyens doivent passer aux mains des paysans pauvres et des journaliers agricoles avec une considération spéciale pour les groupes organisés en coopérative, en collectivité et en société.

Huitièmement – Les groupes bénéficiant de cette Loi agraire devront se consacrer de préférence à la production collective des aliments nécessaires au peuple mexicain : maïs, haricots, légumes frais et fruits, ainsi qu’à l’élevage bovin, apicole, ovin, porcin et chevalin, ou encore aux produits dérivés (viande, lait, œufs, etc.).

Neuvièmement – En temps de guerre, une partie de la production des terres concernées par la présente loi sera destinée au soutien des orphelins et des veuves de combattants révolutionnaires et au soutien des Forces révolutionnaires.

Dixièmement – L’objectif de la production collective est de satisfaire en premier lieu les nécessités du peuple, de former chez ceux qui en bénéficient la conscience collective du travail et de ses bienfaits et de créer des unités de production, de défense et d’entraide dans les campagnes mexicaines. Lorsqu’une région ne produit pas une certaine chose, on procédera à l’échange avec une autre région qui le fait, dans des conditions de justice et d’équité. Les excédents de production pourront être exportés vers d’autres pays s’il n’y a pas de demande nationale pour le produit concerné.

Onzièmement – Les grandes entreprises agricoles seront expropriées et passeront aux mains du peuple mexicain ; elles seront administrées collectivement par les travailleurs eux-mêmes. Les machines de labourage, de moissonnage, les semailles, etc., actuellement inutilisées dans les usines, les magasins ou ailleurs, seront distribuées entre les collectifs ruraux, afin d’amener à une production extensive de la terre et de commencer à éradiquer la faim du peuple.

Douzièmement – L’accaparement individuel des terres et des moyens de production ne sera pas toléré.

Treizièmement – Les zones de jungle vierge et les forêts seront préservées, et des campagnes de reboisage seront menées dans les zones principales.

Quatorzièmement – Les sources, rivières, lacs et mers sont propriété collective du peuple mexicain et seront entretenus en les préservant de la pollution et en punissant leur mauvaise utilisation.

Quinzièmement – Au bénéfice des paysans pauvres et des journaliers agricoles, en plus de la répartition agraire que la présente loi établit, seront créés des centres de commerce qui achèteront à juste prix les produits du paysan et vendront à juste prix les produits dont il a besoin pour vivre dignement. Seront créés des centres de santé communautaires dotés de tous les progrès de la médecine moderne, avec des médecins et des infirmières habilités et consciencieux, et avec des médicaments gratuits pour le peuple. Seront créés des centres de loisirs pour que les paysans et leurs familles profilent d’un repos digne, sans buvette ni maison de prostitution. Seront créés des centres d’éducation et des écoles gratuites où les paysans et leurs familles pourront s’éduquer, sans distinction d’âge, de sexe, de race ou d’appartenance politique, et apprendre les techniques nécessaires à leur développement. Seront créés des centres de construction de logements et de routes avec des ingénieurs, des architectes et les matériaux nécessaires afin que les paysans puissent avoir un logement digne et de bonnes routes pour les transports. Seront créés des centres de services pour garantir aux paysans et à leurs familles l’électricité, les canalisations d’eau potable, le drainage, la radio et la télévision, en plus de tout l’équipement nécessaire pour faciliter le travail domestique, radiateurs, réfrigérateurs, machines à laver, moulins à mais, etc.

Seizièmement – Seront exemptés d’impôts les paysans travaillant collectivement, les détenteurs des coopéra­tives et les terres communales.

A PARTIR DE L’ENTRÉE EN VIGUEUR DE CETTE LOI AGRAIRE RÉVOLUTIONNAIRE SONT ABOLIES TOUTES LES DETTES ISSUES DE CRÉDITS, D’IMPÔTS OU DE PRÊTS CONTRACTES PAR LES PAYSANS PAUVRES ET LES JOURNALIERS AGRICOLES AUPRÈS DU GOUVERNEMENT OPPRESSEUR, DE L’ETRANGER OU DES CAPITALISTES.

Loi révolutionnaire sur les femmes

Dans sa juste lutte pour la libération de notre peuple, l’EZLN incorpore les femmes au mouvement révolutionnaire sans distinction de race, de croyance ou d’appartenance politique, avec pour seule condition qu’elles fassent leurs les revendications du peuple exploité et son engagement à faire respecter les lois et règlements de la révolution. En outre, prenant en compte la situation de la travailleuse du Mexique, sont intégrées ses justes revendications d’égalité et de justice dans la suivante LOI REVOLUTIONNAIRE SUR LES FEMMES :

Premièrement – Les femmes, sans distinction de race, de croyance, de couleur ou d’appartenance politique, ont le droit de participer à la lutte révolutionnaire aux lieux et degrés que déter­minent leur volonté et capacité.

Deuxièmement – Les femmes ont le droit de travailler et de percevoir un juste salaire.

Troisièmement – Les femmes ont le droit de décider du nombre d’enfants qu’elles désirent et dont elles peuvent s’occuper.

Quatrièmement – Les femmes ont le droit de participer aux affaires de la communauté et d’y remplir des fonctions officielles si elles sont librement et démocratiquement élues.

Cinquièmement – Les femmes et leurs enfants ont droit à une ATTENTION PRIORITAIRE concernant la santé et l’alimen­tation.

Sixièmement – Les femmes ont droit à l’éducation.

Septièmement – Les femmes ont le droit de choisir librement leur conjoint ainsi que celui de ne pas être contraintes au mariage.

Huitièmement – Aucune femme ne pourra être battue ou physiquement maltraitée, que ce soit par sa famille ou par des étrangers. Les délits de viol ou de tentative de viol seront sévère­ment punis.

Neuvièmement – Les femmes pourront occuper des fonctions de direction dans l’organisation et obtenir des grades militaires dans les Forces armées révolutionnaires.

Dixièmement – Les femmes auront tous les droits et les devoirs contenus dans les lois et les règlements révolutionnaires.

Loi de réforme urbaine

Dans les zones urbaines contrôlées par l’Armée zapatiste de Libération nationale entrent en vigueur les lois suivantes afin de procurer un logement digne aux familles démunies.

Premièrement – Les habitants propriétaires de leur maison ou de leur appartement cesseront de payer l’impôt foncier.

Deuxièmement – Les locataires qui occupent leur logement depuis plus de quinze ans cesseront de payer leur loyer jusqu’au triomphe du Gouvernement révolutionnaire et l’établissement d’une nouvelle législation.

Troisièmement – Les locataires qui occupent un logement depuis moins de quinze ans se contenteront de payer 10% des revenus du chef de famille, qu’ils cesseront de payer une  fois atteint le seuil des quinze ans d’occupation du même endroit.

Quatrièmement – Les lots urbains déjà équipés des services publics pourront être immédiatement occupés, ce qui sera signalé aux autorités civiles librement et démocratiquement élues, pour y construire des logements, même de forme provisoire.

Cinquièmement – Les bâtiments publics vides et les grandes demeures pourront être occupés de façon provisoire par plusieurs familles après qu’on y aura établi des séparations intérieures. Pour cela, les autorités civiles nommeront des comités de voisins, qui effectueront les sélections entre les candidatures et attribueront les autorisations d’occupation selon les besoins et les moyens disponibles.

Loi du travail

Les lois suivantes s’ajouteront à la Loi fédérale du travail en vigueur dans les zones contrôlées par l’EZLN.

Premièrement – Les entreprises étrangères paieront leurs employés en monnaie nationale au tarif horaire équivalent à celui qu’elles pratiquent en dollars à l’étranger.

Deuxièmement – Les entreprises nationales devront augmen­ter les salaires de façon mensuelle selon le pourcentage que déterminera une Commission locale des prix et des salaires. Cette commission comprendra des représentants des travailleurs, des fermiers, des patrons, des commerçants et des autorités librement et démocratiquement élues.

Troisièmement – Tous les travailleurs de la campagne et villes bénéficieront d’une assistance médicale gratuite dans centre de santé, hôpital ou clinique, public ou privé. Les dépenses médicales seront à la charge du patron.

Quatrièmement – Tous les travailleurs auront le droit d’obtenir de l’entreprise pour laquelle ils travaillent une part d’actions incessibles, proportionnelle au nombre d’années d’ancienneté en supplément de leur traitement actuel. La valeur monétaire de ces actions pourra être exploitée à sa retraite par le travailleur, sa femme ou un bénéficiaire.

Loi sur l’industrie et le commerce

Premièrement – Les prix des produits de base seront régulés par une Commission locale des prix et des salaires. Cette commission comprendra des représentants des travailleurs, des fermiers, des patrons, des commerçants et des autorités librement et démocratiquement élues.

Deuxièmement – L’accaparement d’un quelconque produit est interdit. Les accapareurs seront arrêtés et remis aux autorités militaires sous l’accusation de délit de sabotage et de trahison envers la Patrie.

Troisièmement – Le magasin d’une localité devra assurer le ravitaillement en tortillas et en pain pour tous en temps de guerre.

Quatrièmement – Les entreprises et les commerces jugés improductifs par leurs patrons qui souhaiteraient les fermer et emporter les machines et les matières premières passeront aux mains des travailleurs pour leur administration, les machines devenant propriété de la nation.

Loi sur la sécurité sociale

Premièrement – Les enfants abandonnés seront alimentés et protégés par les plus proches voisins aux frais de l’EZLN avant d’être remis aux autorités civiles qui les prendront en charge jusqu’à l’âge de treize ans.

Deuxièmement – Les personnes âgées sans famille seront protégées et seront prioritaires pour l’attribution d’un logement et de coupons d’alimentation gratuite.

Troisièmement – Les mutilés de guerre recevront des soins et du travail en priorité, aux frais de l’EZLN.

Quatrièmement – La pension des retraités équivaudra au salaire minimum établi par les commissions locales des prix et des salaires.

Loi sur la justice

Premièrement – Tous les détenus en prison seront libérés, à l’exception des assassins, des violeurs et des dirigeants du trafic de drogue.

Deuxièmement – Tous les gouvernants, du président municipal jusqu’au président de la République, seront soumis à des auditions et jugés pour malversation de capitaux s’il existe des éléments de culpabilité.

VIVRE POUR LA PATRIE OU MOURIR POUR LA LIBERTÉ


[1] Tiré de l'ouvrage "Ya Basta! Les insurgés zapatistes racontent un an de révolte au Chiapas" Tome 1 paru en 1994 et reprenant les communiqués de l'EZLN rédigés par le sous-commandant Marcos.
[2] Personnes exerçant une profession libérale.
[3] Mexicains émigrés aux Etats-Unis.
[4] La Constitution de 1917 pose le principe fondamental de la propriété nationale de la terre et de toutes les ressources naturelles susceptibles d'utilisation agricole et instaure un droit de propriété communautaire des terres, Vejido. En novembre 1991, le gouvernement a fait voter en un temps record un amendement constitutionnel (article 27) déclarant révolue la réforme agraire et permettant l'appropriation privée et l'ouverture au capital étranger de l'agriculture et du secteur de Vejido.
[5] Parcelles communautaires incessibles attribuées à des paysans par Lazaro Cardenas dans les années trente, symbole des réformes zapatistes.

Les prodromes de l’insurrection zapatiste

Avant l’insurrection déclenchée le 1er janvier 1994, qui étaient les zapatistes? Comment s’est déroulée la maturation politique et militaire de ce groupe? Quels défis furent les siens à l’aube de l’insurrection et une fois le cessez-le-feu en vigueur?
EZLN

Ces informations sont tirées de l’interview du sous-commandant Marcos dans le film « La véridique légende du sous-commandant Marcos » (1995). Marcos, surnommé le « sub » (subcommandante), chef militaire de l’armée de libération zapatiste (EZLN) en même temps que porte-parole et formidable propagandiste, est connu aujourd’hui sous le nom de sous-commandant Galeano.

Les modestes débuts

En 1984, l’EZLN compte 6 membres, dont 3 métis principalement occupés à reconnaître la forêt, y déceler ses points d’eau et ses territoires de chasse pour y vivre en autonomie. Marcos rejoint ses rangs en tant qu’instituteur apprenant aux guérilleros à lire et à écrire et leur enseignant des rudiments d’histoire. Deux ans plus tard, en 1986, cette « armée » compte 12 membres dont un métis (Marcos). A cette même date, les guérilleros sortent pour la première fois au grand jour et avec leurs armes dans le village du vieil Antonio (celui qui fera plus tard partie des récits de Marcos). Un dialogue s’instaure avec les populations indigènes. Les zapatistes pétris d’idées marxistes, de théories socialistes les exposent aux indigènes des villages et se heurtent à l’incompréhension affichée quand ce n’est pas au désintérêt. Commence alors pour les guérilleros zapatistes l’école de l’écoute dont ils ressortent transformés. Des certitudes carrées moulées dans un discours scolaire, se transforment en un truc cabossé, aux coins rabotés comme un vieux pneu. « Les zapatistes sont le résultat d’une hybridation, d’une confrontation dont nous sommes heureusement sortis vaincus », nous dit Marcos.

Les villages apportent leur aide aux guérilleros qu’ils respectent car ils connaissent la difficulté de leur vie dans la brousse, pire que celle du plus pauvre des paysans du Chiapas. En échange, l’EZLN protège les villageois contre les incursions des milices des grands propriétaires, de la police ou de l’armée.

Alors que l’armée zapatiste prépare sans s’exposer une conspiration clandestine et collective, plusieurs communautés s’organisent en gouvernement parallèle à celui de Mexico. Des travaux collectifs sont mis en route et permettent d’acheter des armes. Dans l’EZLN chacun a payé son arme avec son travail et son argent, chaque combattant possède son fusil comme le fermier possède sa vache. C’est pourquoi avance Marcos il est impensable de penser qu’on puisse désarmer une telle armée.

Entre 1988 et 89, l’armée passe de 80 à 1300 combattants.

Une lutte contre l’anéantissement

Entre 1990 et 92, beaucoup d’éléments concourent au désespoir des indiens: la misère s’aggrave, la répression aussi, des épidémies s’abattent sur la région, le prix du café baisse. D’autres événements marquent l’anéantissement des espoirs indigènes dans une amélioration de leur situation : menaces d’expulsion de villages dans la forêt, réforme qui met fin aux répartitions de terres (terrains communaux – ejidales), entrée en vigueur prochain d’accords de libre échange (ALENA le 1er janvier 1994, jour de l’insurrection zapatiste). Les communautés se sentent condamnées à disparaître.

Les responsables des régions réclament un soulèvement armé. Marcos est alors convaincu de la folie d’une telle initiative analysant la conjoncture internationale morose après l’écrasement de toutes les rebellions sud-américaines et la fin du communisme soviétique. Envoyé dans les villages pour recueillir le souhait de la population, Marcos en revient surpris. « Les villageois discutaient plusieurs jours puis relevaient les votes des femmes, hommes, enfants ». En octobre 92, la majorité se déclare en faveur de la guerre, action qui devrait coïncider avec le triste anniversaire des 500 ans de la conquête espagnole.

Mais rien n’est prêt. Marcos, chef de l’EZLN, demande un délai pour transformer cette armée de défense en une armée insurrectionnelle formée aux combats de rue et capable prendre d’assaut les chefs-lieux du Chiapas. L’insurrection sera finalement déclenchée le 1er janvier 1994. 12 jours plus tard et suite aux protestations dans tout le Mexique, le gouvernement de Mexico décrète un cessez-le-feu unilatéral. La répression par l’armée régulière aura fait 400 morts, des civils en majorité.

Une nouvelle période s’ouvre dans laquelle l’armée doit redéfinir son rôle consciente du risque de propagation du culte de la mort au détriment du culte de la lutte. Une nouvelle ère politique sous l’égide de la population civile auto-organisée s’ouvre.

Voir cet article pour une vision détaillée de l’organisation zapatiste après le soulèvement.

L’impossible démocratie directe. Réponse aux objections

Quels sont les principales objections dressées contre l’idée et la pratique d’une démocratie citoyenne? Quelles réponses apportent les défenseurs de la démocratie réelle ? Quels démentis fournissent les faits historiques?

C’est impossible à appliquer sur une vaste échelle

Jean-Jacques Rousseau (1712 – 1778), citoyen de la république genevoise, est sans doute l’un des premiers penseurs de l’ère moderne à formuler cette critique. La démocratie (directe) serait un régime pour un peuple divin assimilé à un souverain. Le souverain décide de tout, il n’y a aucune délégation. Rousseau conclut que cette formule de gouvernement n’est envisageable que pour une population d’une trentaine de personnes.

L’argument de la dimension demeure la première objection brandie de nos jours. Or l’argument est de mauvaise foi historiquement, concrètement et politiquement d’après Castoriadis. On pourrait dire: établissons la démocratie directe dans des unités regroupant 40 000 citoyens actifs, équivalent à la société athénienne. Mais personne ne soulève la question sous cet angle. L’argument de la dimension est donc tout à fait sophistiqué (raisonnements spécieux pour tromper ou faire illusion) et de mauvaise foi.[1]

Les gens ne veulent pas être mobilisés en permanence

Dans un témoignage récent, Daniel Cohn-Bendit nous dit: « Nos idées libertaires correspondaient à un souhait de révolution permanente, une mobilisation perpétuelle de la société par l’instauration de conseils de quartier et de conseils ouvriers. On refusait l’idée de représentation qui est pourtant le seul moyen d’agir démocratique, car les gens ne veulent pas faire de la politique 24/24h, toute leur vie. Il y a des moments où ils se révoltent et d’autres ou ils veulent vivre sans faire de la politique et préfèrent déléguer ces questions à des forces politiques. Ça on ne l’avait pas compris et heureusement qu’on a perdu. »[2]

Or, comme le rappelle Castoriadis, le problème de la représentation tient principalement au fait que les mandats sont irrévocables, règle inconnue en droit privé on peut le noter. Avec les mandats irrévocables, il y a aliénation de la souveraineté au profit des corps institué pendant une durée déterminée. Le pouvoir politique détaché des gouvernés entre irrémédiablement alors en collusion avec les autres pouvoirs notamment économique ou médiatique.[3]

L’élection de mandataires révocables règle une grande partie du problème peut important le nom qu’on leur donne : des magistrats au sens antique du terme, des « élus-commis » selon l’expression de Robespierre (avant qu’il ne sombre dans la tyrannie), des autorités selon le terme employé par les zapatistes d’aujourd’hui. Ces magistrats sont désignées (par élection, par tirage au sort – voir cet article sur le tirage au sort) pour de courtes périodes (1 an généralement à Athènes, 3 ans à l’échelon régional chez les zapatistes). Au Chiapas, le « commander en obéissant » guide les autorités au travers de 7 principes (1 – Servir et non se servir; 2- Représenter et non supplanter; 3- Construire et non détruire; 4- Obéir et non commander; 5- Proposer et non imposer; 6- Convaincre et non vaincre; 7- Descendre et non monter) – voir cet article sur le fonctionnement de l’autogouvernement zapatiste. Il peut donc y avoir des magistrats en démocratie directe pourvu que le mandat soit strictement encadré: révocable à tout moment, non renouvelable ou très peu, proche du bénévolat, non cumulable, à renouvellement fractionné (pour permettre des périodes de recouvrement entre les nouveaux qui arrivent et les anciens qui partent), appuyé par de la formation pair à pair.

Au cours de sa vie, chaque individu est susceptible d’occuper un ou plusieurs mandats. En dehors de ces périodes où il agit en tant qu’élu, l’activité du citoyen se limite à la participation aux assemblées de quartier (traitant de problématiques nationales, régionales et locales) une à deux fois par mois, à l’exemple de la Grèce antique ou du Chiapas.

La société actuelle est trop complexe, il nous faut des professionnels de la politique.

Ces professionnels issus d’une caste dominante correspondent à l’idée platonicienne de philosophe-roi, un philosophe désintéressé et donc vertueux par essence dans l’exercice du pouvoir.

L’idée répandue qu’il existe des « experts » en politique, c’est-à-dire des spécialistes de l’universel et des techniciens de la totalité, tourne en dérision l’idée même de démocratie : le pouvoir des hommes politiques se justifie par « l’expertise » qu’ils seraient seuls à posséder – et le peuple, par définition inexpert, est périodiquement appelé à donner son avis sur ces « experts ». Compte tenu de la vacuité de la notion d’une spécialisation ès universel, cette idée recèle aussi les germes du divorce croissant entre l’aptitude à se hisser au faîte du pouvoir et l’aptitude à gouverner – divorce de plus en plus flagrant dans les sociétés occidentales.[4] Le recours aux experts constitue une étape possible pour éclairer une décision. En aucun cas, ces experts souvent otages d’une pensée normée doivent-ils prendre des décisions en lieu et place des parties prenantes (comme c’est le cas des directeurs de banques centrales par exemple – Voir cet article sur la monnaie – ou plus généralement avec notre personnel politique).

L’égalité supposée des citoyens dans la réflexion et l’agir politique est une fiction.

Comment pourrait-on mettre au même niveau l’opinion de Mme Michu et celle d’un député de l’assemblée, formé dans les meilleures écoles de la République, rompu à la négociation, capable de saisir les grands enjeux de notre temps et expert de la parole?

Et en effet, un politicien gavé de fiches, abreuvé d’éléments de langage damera probablement le pion à Mme Michu mais aura-t-il raison pour autant? Et si Mme Michu avait accès à une assemblée locale, qu’elle avait accès aux mêmes informations, ne pourrait-elle pas former un jugement éclairé?

Il ne s’agit pas de méconnaitre la différence d’intelligence ou de jugement politique entre les hommes, mais selon la formule de Joseph Proudhon: « Entre maître et serviteur, point de société ». Chacun a droit à la parole[5]. Souvenons-nous d’ailleurs que l’égalité de parole (isegora) était le terme employé pour designer la démocratie avant qu’un mot plus adapté ne soit forgé (demos cratos = pouvoir du peuple)[6]. Cette égalité de parole accompagnée d’un égal droit de décider (un homme, une voix) constitue le fondement d’une démocratie réelle. Ne nous voilons pas la face, l’égalité constitue le coeur du défi démocratique, à la fois source et résultat de ce processus de mise en oeuvre d’une démocratie directe.

Plus de démocratie ne signifie pas moins d’erreur.

Les opposants à l’idée de démocratie citoyenne ont beau jeu de dénoncer la contradiction d’un supposé syllogisme:

1/ La démocratie est le régime qui tend vers une forme de vérité citoyenne

2/ La démocratie directe est la forme la plus pure de démocratie

3/ La démocratie directe instaure donc un régime de vérité exempt d’erreur.

Evidemment il n’en est rien comme le montrent certains exemples au cours de l’histoire.

Les citoyens athéniens ont voté en démocratie directe le massacre et l’asservissement du peuple Mélien rétif à toute domination. En 416 av. JC, les 3000 habitants de l’ile de Melos, petite ile des Cyclades, furent tués (hommes en âge de porter les armes) ou réduits en esclavage (femmes et enfants).

« Le régime de démocratie directe n’est pas le paradis sur terre, il n’est pas immunisé par construction contre toute erreur, aberration, folie ou crime. Rien ne peut protéger l’humanité contre sa propre folie. Ni la démocratie, encore moins la monarchie parce que la monarchie, c’est la folie du monarque. »[7] On peut d’ailleurs en dire autant de l’oligarchie qui est la forme actuelle de notre démocratie.

Les citoyens ne disposent pas du temps (et de l’argent) nécessaire pour tenir des assemblées

« Dans les états modernes, étendus, les hommes libres n’ont plus le loisir de faire de la politique en permanence. »[8]

Que constate-t-on pourtant en France sur les deux derniers siècles? La productivité horaire du travail a été multipliée par 30. La durée individuelle du travail visible n’a été divisée que par 2 – et moins encore si l’on tient compte de ce qu’Ivan Illich appelle le travail fantôme (temps de déplacement, temps consacré à reconstituer ses forces ou à travailler à la maison de façon informelle)[9]. Si l’on ramenait le temps de travail à des proportions raisonnables au regard des gains de productivité, la question ne se poserait pas (voir cet article sur le temps libéré). La place excessive que prend le travail rémunéré dans nos sociétés est résumée par la formule de Castoriadis : « Le prolétariat ne peut pas être esclave dans la production 6 jours par semaine et jouir de dimanches de souveraineté politique ».

Dans la même veine, songeons que nous regardons en moyenne en 3h par jour la télévision[10]. Remplaçons donc ces 3 heures de mort cérébrale télévisée par 3 heures de vie politique et citoyenne!

Enfin, le temps c’est de l’argent dit l’adage. Or il n’est pas besoin de rappeler que nos sociétés occidentales sont très riches (en mettant de côté l’inégalité de répartition de cette richesse qui est un autre problème). Au milieu de cette richesse, la misère psychique a bien souvent remplacé la misère physiologique des temps anciens: la faim, le froid, l’insécurité économique.

En définitive, Thucydide avait résumé la question il y a 2500 ans par ces paroles: « il faut choisir : se reposer ou être libre. »

La démocratie directe ne peut mener qu’à un brouhaha permanent et finalement à l’impuissance

« Réunissez une famille autour d’une table à Noël parlez politique, vous verrez le résultat. Alors comment envisager un quartier réuni en assemblée pour traiter du commun… » Voilà un argument majeur pour les défenseurs de la démocratie représentative.

La réponse à cette objection tient en plusieurs points: le rôle de l’éducation dans la pratique, la surestimation du résultat obtenu en démocratie représentative, le rôle des minorités.

« Placer les citoyens en relation de discussion, les faire participer à la politique à tous les niveaux de la société c’est là le problème fondamental. L’élément central c’est l’éducation dont l’école n’est qu’une petite partie »[11]. Des pratiques élaborées collectivement peuvent également favoriser ces interactions – voir cet article sur les outils de la prise de décision. Il convient de créer un « humus culturel » réellement démocratique. Et l’accumulation de cet humus par strates successives prend du temps.

La démocratie représentative a pour elle une forme d’efficacité de façade: elle produit une masse de décisions et les applique dans une relative économie de moyens. Le développement du nucléaire civil et militaire et la radioactivité à gérer pendant 20000 ans, la politique agricole à l’origine de la désertification des campagnes et du saccage sanitaire et environnemental en cours, la politique industrielle produisant toujours plus de camelote pour davantage de déchets[12], autant de mesures décidés sans réel débat public par notre intelligentsia politico-économique. En est-on satisfait?

Cette économie de moyens de la démocratie représentative est par ailleurs sujette à critique: « Les interminables discours et les navettes entre les commissions, les différentes chambres des Parlements et les gouvernements et les cabinets ministériels ne prennent pas moins de temps, et la démocratie mérite qu’on lui consacre du temps. »[13]

Une autre vertu au large débat d’idée réside dans la confrontation d’opinions. La difficulté de mener ce débat peut nous pousser à le simplifier en l’évacuant. Mais n’oublions pas les leçons de l’histoire : la vérité a toujours préexistée dans les marges: avortement, condition de la femme, etc. Les minorités d’hier sont les majorités d’aujourd’hui: prendre en considération ce qu’elles ont à dire aujourd’hui peut donc nous faire gagner du temps.

Enfin, dans cette question du débat et de la décision collective, méfions-nous d’une démocratie électronique appuyée sur des dispositifs complexes et donc peu maitrisables, toujours suspect de falsification. Préférons une démocratie en face à face recourant ponctuellement à des dispositifs techniques les plus basiques possibles. Envisageons la simplification de notre monde et remettons nos vies à hauteur d’homme, sans démesure technicienne.

La démocratie directe est pour les peuples ce que les vents sont pour les flots « ils les agitent mais ils les élèvent ». Sans elle, la République n’est que « le calme plat du despotisme, la surface unie des eaux croupissantes d’un marais ».[14]

C’était impossible et pourtant ils l’ont fait

D’autres critiques plus confidentielles jugent le projet de démocratie directe trop timoré, qualifiant le vote d’acte « mou » et préférant l’action directe, l’occupation, la réquisition. D’autres encore dénoncent le pouvoir démesuré des minorités agissantes – ceux qui ont le temps par exemple (voir cet article sur la commune de Saillans). Le débat est sans fin et constitue l’essence même de la démocratie. Au lieu de promouvoir le consensus universel, il faut, au contraire, réhabiliter le « dissensus », la « disputatio », la « mésentente ».[15]

Alors impossible la démocratie directe?

« Qu’on me cite un progrès accompli, petit ou grand, qui n’ait, en son temps, été déclaré impossible par les hommes sages, c’est-à-dire par les Burgraves de l’époque. L’histoire des progrès de l’humanité n’est qu’un immense tissu d’impossibilités réalisées ».[16] « Les systèmes tiennent souvent plus longtemps qu’on ne le pense mais finissent par s’effondrer beaucoup plus vite qu’on ne l’imagine ».[17]


[1] Démocratie et relativisme. Débat avec le MAUSS. 2010
[2] Daniel Cohn-Bendit dans Affaires sensibles sur le 13 mai 1968 diffusé le 25 nov 2021
[3] Cornelius Castoriadis au centre international de Cerisy le 5 juillet 1990
[4] Les carrefours du labyrinthe Tome 2. Domaines de l'homme (chapitre : la polis grecque et la création de la démocratie. Conférence de 1982)
[5] Aujourd'hui nous disposons tous en principe du droit de prendre la parole dans "l'espace public / privé" correspondant à l'agora antique incarnée de nos jours par les micros-trottoirs dont se délectent les médias (l'autocensure des médias amoindrit d'ailleurs cette assertion). Mais cette égalité de parole n'existe pas évidemment dans un "espace public" comme l'assemblée réservée aux professionnels de la politique. On observe par ailleurs une privatisation de l'espace public puisque les décisions censément publiques sont prises réellement en amont avec "l'aide" d'experts et lobbyistes de tous poils. Voir Castoriadis pour la distinction espace privé; public / privé; public.
[6] L'élan démocratique par Jacqueline de Romilly (2005)
[7] Les carrefours du labyrinthe Tome 5. Fait et à faire. 1996
[8] Benjamin Constant cité par Yves Sintomer dans Petite histoire de l'expérimentation démocratique (2014).
[9] L'abondance frugale comme art de vivre par Serge Latouche
[10] Statistique Insee pour 2010
[11] Démocratie et relativisme. Débat avec le MAUSS. 2010
[12] Expression de Bernard Charbonneau
[13] Multitude par HARDT, M. et A. NEGRI (2004)
[14] Camille Desmoulins Vieux Cordelier, n° 7, 5 Pluviôse An II
[15] Jacques Rancière
[16] La solution ou le gouvernement direct du peuple par Victor Considérant 1851
[17] Kenneth Rogoff ex-économiste en chef du FMI

La révolte de Makhno et l’autogouvernement en Ukraine

Pourquoi redécouvrir un épisode historique méconnu qui prit fin il y a tout juste 100 ans? Qui était Nestor Makhno et comment l’Ukraine fut le lieu d’une expérimentation anarchiste presque sans équivalent?

Qu’est-ce que l’Ukraine?[1]

Carte d'Europe

Situé au carrefour des influences exercées par l’Europe, la Russie et l’Empire Ottoman, les vastes steppes d’Ukraine n’ont été peuplées que tardivement.

A l’est du fleuve Dniepr, la région appelée « Petite Russie » constituait la marge de l’Empire tsariste. A l’ouest, la Pologne exerçait son influence tandis qu’au Sud, la Crimée, était sous la domination du Grand Turc puis des Russes. Marqués par une forte implantation de populations juives (10% de la population au 19è siècle soit la plus forte implantation observée à cette époque), ces territoires sont donc un ensemble hétéroclite formé de populations diverses dont le sentiment national ne naît qu’assez tardivement à la fin du 19è siècle[2].

L’héritage « cosaque »[3] y compte pour une grande part. Ces intrépides guerriers montés sur des chevaux enlevés à la steppe vivaient de chasse, de pêche, de rapines occasionnelles sur les caravanes de marchands ou s’enrôlant à l’occasion comme mercenaires. Principalement implantés dans le sud-est, sur la rive orientale du Dniepr, ces nomades développèrent un mode de vie original, élisant leur chef pour un an (ataman) et élaborant leurs décisions en communs[4]. Ces guerriers farouchement individualistes, égalitaires mais non collectivistes, et totalement indifférents aux passions nationalistes furent cependant peu à peu incorporés à l’armée tsariste à mesure que la steppe mise en culture devenait au 20è siècle le grenier à blé de la Russie.

Dans cette société fragmentée, divisée en 9 gouvernements ou régions autonomes au moment de la révolution de 1917, l’insurrection paysanne était la forme d’expression régulière du peuple écartelé par le cisaillement d’intérêts étrangers.

Qui est Nestor Makhno?

Nestor Makhno à 17, 33 et 37 ans

Issue d’une famille serve affranchie avec l’abolition de cette pratique dans tout l’empire russe en 1861, Nestor Makhno naît en 1888. Il est berger à 8 ans tout en fréquentant l’école jusqu’à 12 ans, âge auquel il devient ouvrier agricole à plein temps, puis ouvrier dans une fonderie à 17 ans.

Il s’engage dans un mouvement communiste libertaire à 16 ans et participe à des actions d’expropriation qui lui valent d’être arrêté une première fois à 19 ans puis libéré faut de preuves. A nouveau arrêté alors qu’il n’a que 20 ans, condamné à mort, sa peine est commuée en prison à vie en raison de son jeune âge. Enfermé pendant 7 ans dans une prison de Moscou, souvent mis aux fers, il continue de se former politiquement, notamment auprès de Piotr Archinov, militant anarchiste, futur compagnon de route et principal biographe du mouvement. Libéré à la faveur de l’arrivée au pouvoir des bolcheviks russes en 1917, il rejoint sa région natale où il reprend son engagement anarchiste fondant une union des paysans de Gouliaïpole, intégrée au soviet local. Chef de guerre sur le modèle cosaque, il mène une guérilla basée sur le mouvement et la ruse. Ses cavaliers et leurs attelages chargés de mitrailleuses pouvaient attaquer en une journée deux points distants de 60 à 100 kilomètres, créant l’effroi et la surprise. Il maîtrisait la dissimulation et la rouerie, parvenant à se fondre dans la population pour mieux resurgir derrière les lignes ennemies ou se travestissant en soldat ennemi pour échapper à un encerclement.

Au-delà de ses qualités guerrières, si l’histoire a un tant soit peu retenu son nom malgré les calomnies que répandront les vainqueurs russes, c’est d’abord grâce à sa dimension politique. Refusant l’Etat autoritaire, Makhno préfère laisser les populations se diriger elles-mêmes. Paysan parmi ses pairs il bénéficie de la protection des populations locales qui lui permet d’échapper aux dénonciations et autres tentatives d’assassinats.

A l’issue de trois années de lutte acharnée, blessé et malade, Makhno parvient à s’enfuir vers l’ouest avec trois mille de ses derniers fidèles, cheminant de longs mois dans la steppe dévastée. En août 1921, accompagné de 250 survivants, il franchit le Dniestr pour pénétrer en Roumanie. Un temps incarcéré en Pologne, il finit par se réfugier en France en 1925. Il s’installe en région parisienne avec sa famille et trouve de l’embauche dans les usines Renault de Boulogne-Billancourt. Mais les séquelles de ses blessures l’empêchent de tenir la position debout. Il meurt dans la misère en 1934.

Qu’est-ce que la Makhnovchtchina?

Carte de l'Ukraine actuelle comprenant les foyers de l'insurrection libertaire du mouvement makhnoviste

Ce terme désigne en russe et de façon péjorative la « révolte » de Makhno dans une période extrêmement troublée allant de 1918 à 1821. Ce vocabulaire fait donc partie de la propagande russe, pendant les combats puis à la faveur de sa victoire lui permettant d’écrire l’histoire à partir de falsifications. Ainsi en va-t-il des accusations qu’on sait aujourd’hui infondées d’antisémitisme portées contre Makhno.[5]

Au-delà du vocable retenu, notons la particularité de ce mouvement bénéficiant d’une assise paysanne remarquable mais ne parvenant jamais à intégrer réellement les ouvriers, fonds de commerce du parti bolchevik. Au milieu des fracas de la guerre et à son apogée, la makhnovtchina pouvait mobiliser 120 000 hommes, sur un territoire de trois cents kilomètres de diamètre qui comptait deux à trois millions d’habitants[6]

Cette lutte pour l’émancipation et l’autogouvernement des paysans s’inscrit dans un contexte de véritable chaos politique et militaire: Occupation par les troupes allemandes jusqu’à la négociation de la fin des hostilités avec l’Allemagne en 1917; retrait des troupes allemandes suite à leur capitulation en novembre 1918, intervention (limitée) d’une troupe française depuis la Crimée négociée lors des négociations de Versailles en 1919, incursions des troupes se réclamant du Tsar (les Blancs), menées nationalistes conduites par Petlioura[7], chefs de guerre autoproclamés se réclamant de la tradition cosaque.  Chaque troupe en se retirant laisse derrière elle un pays dévasté et une population exsangue.

Contraints par les circonstances, les makhnovistes forment des alliances précaires avec les bolcheviks. Ces accords instables, violées par Trotski ou Lénine à chaque reflux des russes blancs, de même que le double jeu soviétique qualifiant tour à tour Makhno de révolutionnaire ou de bandit, participent alors grandement à la victoire réelle et symbolique de Moscou au détriment des expérimentations d’autogouvernement anarchiste de Makhno.

En quoi la Makhnovchtchina réalisa-t-elle un autogouvernement?

Dans une situation politique et militaire absolument précaire, le mouvement s’attacha à mettre en place une organisation tout à fait inédite au sein des régions sous son contrôle à savoir:

  • Liberté totale de la presse, des associations, droit de réunion pour tous les partis, organisations et courants politiques socialistes,
  • Création de Communes de travail ou Communes libres de quelques centaines de membres[8]. Ces communes ne pratiquaient pas la collectivisation comme dans le modèle soviétique mais permettaient à chacun de cultiver son lopin de terre sans recourir à une main d’œuvre complémentaire en vertu du mot d’ordre « La terre n’appartient à personne et seuls peuvent en jouir ceux qui la travaillent ».
  • Mise sur pied d’une armée régie par 3 principes : le volontariat, l’élection à tous les postes de commandement (Makhno se réservant toutefois un véto), l’auto-discipline.
  • Refus des crimes politiques incluant ceux perpétrés par la police politique soviétique (la Tcheka), refus des crimes religieux notamment antisémites. A cet égard, Makhno fit fusiller les auteurs d’une banderole antisémite aperçue dans un village ainsi que plusieurs soldats s’étant livré à des assassinats de juifs.

Véritable testament politique à l’élaboration de laquelle Makhno participa, la déclaration-projet de  1926[9] appelait de ses vœux:

  • La révolution sociale violente pour transformer la société capitaliste.
  • l’autogestion ouvrière et paysanne, sans parti politique et groupés librement en fédérations,
  • L’organisation économique (échange direct des produits entre la ville et la campagne) et politique des masses pour éviter la dérive telle qu’elle apparut avec les bolcheviks.

Malheureusement cet héritage, tout comme les épisodes de la Maknovtchina ont laissé très peu de trace dans l’histoire qui mériterait sans doute de ses les réapproprier.


[1] Article composé principalement, sauf indication contraire, à partir de l'excellent ouvrage "Makhno, la révolte anarchiste" par Yves Ternon (1981)
[2] La première victoire contre les Polonais en 1648, remportée par une armée cosaque renforcée de cavaliers tatares esquissait ce sentiment national toutefois.
[3] Du turc kazakh, homme errant
[4] ce qui comme le fait remarquer Cornelius Castoriadis, est un trait commun à une majorité de peuples guerriers et ne constitue pas réellement une forme d'autogouvernement impliquant de se donner des lois - voir cet article sur la Grèce
[5] En témoigne le roman de J. Kessel "Makhno et sa juive" forgé à partir du récit que lui en fit un russe blanc. En réalité, les nombreux crimes antisémites perpétrés durant la période furent le fait quasi-exclusif des troupes nationalistes.
[6] Des vies en révolution. Chapitre "Nestor Makhno, le « batko » anarchiste d’Ukraine" rédigé par Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin (2017)
[7] lui-même issu d'une assemblée nationale (la Rada) en conflit avec le gouvernement provisoire.
[8] 100 à 300 membres pour les Communes 1 et 2
[9] Plate-forme d'organisation des communistes libertaires parue dans Dielo Trouda en 1926. Ce bimensuel signifiant "l'oeuvre ouvrière" avait été créée par Makhno et Archinov.

La Sérénissime, un autogouvernement… aristocratique

Qu’appelle-t-on  » République de Venise »? En quoi ses pratiques furent-elles innovantes? Que peut-on en garder comme leçons de gouvernement?

La République de Venise, exceptionnelle par sa durée, 10 siècles, connue son apogée entre 1100 et 1600, à l’image de l’Empire Britannique au 19è siècle[1] pour s’écrouler soudainement sous les coups de menton menaçants de Napoléon en 1797.[2] Fruit d’un commerce dominateur appuyé par une puissante marine de marchande et guerrière ainsi que d’un Etat interventionniste, « la Venise qui triomphait par ses fêtes, ses courtisanes et ses arts, comme par ses armes et ses grands hommes »[3] marqua l’histoire.

Carte de la République de Venise
Carte de la République de Venise

Cette cité-Etat, d’environ 200 000 habitants à son zénith, disposant de « terres fermes » représentant une grande partie de l’actuelle Italie du Nord et de territoires plus vastes encore au-delà des mers, tirait de juteux profits de sa domination commerciale sur le bassin méditerranéen.

Cette République ne prit jamais les traits d’une démocratie (pouvoir du peuple) et resta une oligarchie (pouvoir de quelques-uns), patriciens ou nobles. Cette classe dirigeante au sein de laquelle existaient des différences de fortune, mais aucune différence de rang, admettait régulièrement en son sein (participation au Grand Conseil) de nouveau patriciens recrutés suite à des services signalés ou le plus souvent en hommage à leur réussite financière (ils étaient alors inscrits sur le fameux « Livre d’or »). On peut donc parler également de ploutocratie (pouvoir de l’argent).

Un autogouvernement de patriciens

Dans cette République bien peu démocratique et considérablement dominatrice, deux caractéristiques méritent toutefois notre attention par leur singularité y compris dans le contexte actuel de nos pseudo-démocraties: l’autogouvernement (restreint à une classe sociale) par rotation des magistratures et des charges et la quasi absence de conflits sociaux en découlant.

Les principales fonctions de l’Etat, de la prise de décision à leur mise en oeuvre furent assurées par des magistrats et des fonctionnaires issus de la « vie civile ». Point donc de politiciens professionnels ou de hauts-fonctionnaires cooptés comme ailleurs ou en d’autres temps y compris proches. Les 2000 nobles patriciens siégeant chaque semaine au Grand Conseil, pourvoyaient par un subtil mélange de tirage et d’élections aux principales magistratures de la ville pour des durées allant de 1 à 3 ans. Parmi ces magistrats, 275 siégeaient au Sénat chargé de notamment de voter la loi.

Urne de vote sécurisée à Venise
Bossolo ou urne mobile de vote sécurisée introduite au 15è siècle à Venise pour garantir le secret du vote. La douille verte, la plus proche, recueillait des boules de la taille d’une cerise contre un candidat donné, le blanche plus éloigné, les votes pour. Toutes le boules étant désormais de couleur identique il devenait ainsi moins facile de déceler la teneur du vote de ses pairs. Un modèle ultérieur doté d’une troisième douille permettait de s’abstenir dans le cas du vote d’une loi.

« Dans l’exercice des fonctions publiques, jamais Venise ne confie une autorité absolue a un seul homme: tout magistrat, tout chef militaire même est flanqué d’un ou deux adjoints, qui représentent l’autorité centrale et sont égaux en influence et en pouvoir à celui qu’ils assistent. Le gouvernement oligarchique divise pour régner; il équilibre et pondère l’un par l’autre les pouvoirs; il ne veut ni de la prédominance d’un homme, ni de la prédominance d’une famille. Aucune maison patricienne ne peut avoir plus de trois de ses membres au Sénat, plus d’un au Conseil des Dix. […] La loi interdit au patricien, sous peine d’amende, de refuser un emploi public. Toute sa vie, l’individu est subordonne a l’Etat, les intérêts privés passent après l’intérêt public : sur ce dévouement, sur cette abnégation se fondent la force et la grandeur de la cité »[5].

Par exception, le Doge, principal élu de la ville, nommé à vie, présidait seul les principales institutions de la cité (Grand Conseil, Sénat, Quarantia équivalent de notre cour de Cassation, Conseil des dix en charge de surveiller la classe dirigeante et de veiller à la sûreté de l’Etat, armée).

Enfin, les fonctionnaires, contrairement aux pratiques mercantiles des charges en vigueur partout ailleurs, étaient issus principalement de la classe bourgeoise (environ 12000 personnes) et bénéficiaient d’un traitement.

Même si le peuple était exclu de ces fonctions, une culture du bien commun permettait de cimenter l’ensemble de telle sorte qu’on ne déplorait « pas de troubles ouvriers, pas de luttes entre les grands »1 alors qu’en France une noblesse querelleuse maintenait dans un état de nécessité un peuple toujours prêt à gronder. Jean Bodin (philosophe mort en 1596) résuma par cette formule: « ailleurs, le riche vit de la peine des pauvres, à Venise le pauvre vit de l’argent du riche ». Les artisans, en particulier les 16000 employés de l’arsenal occupés à construire et réparer la flotte, principal outil de la prospérité de Venise furent pendant 1000 ans payés convenablement et logés dans des maisons à bon marché, simples mais belles qu’aujourd’hui les milanais achètent à prix d’or1. Dans un même souci d’égalité, la justice était la même pour tous, usage pour le moins atypique au Moyen-Age. Cet édifice social à l’équilibre remarquable pour l’époque, graissé par la rente commerciale tirée des richesses importées, permit à ce régime de se maintenir aussi longtemps. Preuve de cette constance, le Ducat, monnaie vénitienne garda la même valeur pendant 5 siècles!1

Le déclin de la nouvelle Athènes

Et pourtant, Venise, en bien des points comparable à Athènes, recélait en elle-même l’un des ferments destructeurs qui vit la démocratie grecque péricliter : le refus de l’universalité pointé du doigt par C. Castoriadis. Les 2000 citoyens de plein droit à Venise (les patriciens), ou les 40000 d’Athènes (toutes classes confondues) ne considéraient les habitants des territoires conquis, ni même ceux des terres fermes dans le cas de Venise, que comme des sujets, leur déniant tout droit à la citoyenneté. En outre, aucun nouveau patricien ne fut plus admis dans les rangs du Grand Conseil à partir de 1717. Ajoutée aux facteurs d’affaiblissement avancés par F. Braudel: déplacement du centre de gravité du monde de la Méditerranée à l’Atlantique et agrandissement des États nationaux, on peut penser que cet enfermement des patriciens dans leur tour dorée signa la fin de la République du Lion.


[1] Cité dans "un capitalisme à visage humain, le modèle vénitien" par Jean-Claude Barreau (2011)
[2] Si l'on considère la République par opposition à la tyrannie d'un seul homme (le Doge tout puissant), on peut faire démarrer cette période vers 1200, ce qui ramène la République à une ancienneté non négligeable de 6 siècles tout de même "La promissio de 1192, c'est-a-dire le serment que prêta a son avènement un doge qui n'était autre que Henri Dandolo, montre clairement où en était déjà réduite, même entre les mains d'un tel homme, l'autorité ducale. Sauf en ce qui touche son rôle de chef de la guerre, le doge ne peut agir en rien sans le consentement de la majorité du Grand Conseil; et c'est un principe nettement pose qu'une résolution votée par l'unanimité du Petit Conseil, et appuyée par la majorité du Grand Conseil, s'impose au doge, et qu'elle peut changer les attributions ducales mêmes. En réalité, dès cette époque, le Grand Conseil détient la souveraineté; le Petit Conseil est l'organe du pouvoir exécutif." La République de Venise de Charles Diehl (1967)
[3] Mémoires d'outre-tombe. Chateaubriand (1811)
[4] tirage au sort de plusieurs patriciens (1) qui forment des commissions électorales (2) chargées de nommer des candidats dont les noms sont mis aux voix dans le Grand Conseil (3). "Le tirage au sort dans la République de Venise" par Maud Harivel (2019)
[5] La République de Venise de Charles Diehl (1967)

Le kibboutz, communauté ou société?

Moïse, ça fait 39 ans qu'on marche, vas-tu enfin te décider à demander le chemin?
En quoi consiste la vie dans un kibboutz ? Comment s’y exerce la démocratie directe ? Doit-on parler d’expériences communautaires ou d’un modèle de (micro) société ?

« Il n’y a aucune maison qui soit la propriété de personne. Il n’y a qu’une seule caisse pour tous; les dépenses sont communes; communs sont les vêtements et communs les aliments. Ils ont même adopté l’usage des repas en commun. Tout ce qu’ils reçoivent comme salaire pour leur journée de travail, ils ne le gardent pas pour eux mais ils le déposent devant tous pour qu’il soit employé par tous ceux qui veulent s’en servir. » Ce texte décrit à merveille les kibboutz… sauf qu’il évoque les Esséniens qui vécurent sur les terres d’Israël il y a plus de 2000 ans[1]… Comme quoi, il est des persistances troublantes dans l’histoire des peuples.

Kibboutz en hébreux signifie groupement. Ce mot recouvre une grande diversité d’expériences issues de la volonté des juifs persécutés de s’installer sur la terre des origines afin d’y vivre une utopie réelle.

En effet, longtemps incapables de se fixer en un lieu du fait des interdits les frappant, les Juifs ont dû délaisser l’agriculture au profit de l’artisanat ou du commerce. L’Europe du XIXème siècle vit alors deux mouvements se conjuguer pour donner naissance aux kibboutz : le sionisme et le socialisme libertaire. Le premier prône un retour sur la terre d’Israël, et donc indirectement une réappropriation des savoir-faire agricoles. Le second scelle ce retour d’un ciment d’égalité et de coopération chère au cœur de ces immigrants relégués jusqu’alors au bas de l’échelle sociale.

Le premier kibboutz voit le jour en 1910 dans le nord-est de ce qui ne s’appelle pas encore Israël[2]. Cette communauté dénommée « Degania » (Bleuet) regroupe douze hommes et femmes originaires de Russie sur un terrain d’une centaine d’hectares acquis en 1901 par un fonds sioniste financé par la diaspora juive. Elle vise à faire revivre l’expérience communautaire vécue par nombre d’entre eux dans leur pays d’origine et notamment dans l’attente de l’émigration.

Cette expérience fait suite à d’autres menées depuis 1880, tentatives financées par des philanthropes dont les Rothschild en France, et qui s’avérèrent largement malheureuses.  Dans ces exploitations, des colons juifs œuvraient sous l’autorité d’agronomes censés suppléer l’inexpérience des immigrés en matière d’agriculture avec un recours important à une main d’oeuvre arabe bon marché. En définitive, ces fermes pâtirent d’une production en monoculture et de l’insuffisance d’autonomie laissée aux colons juifs. Ceux-ci devaient en effet subir à la fois les aléas de l’exploitation et les injonctions des agronomes censés les diriger[3].

Les fondateurs de Degania prirent donc le contre-pied de ce modèle en choisissant des cultures mixtes plus résilientes ainsi qu’une organisation parfaitement égalitaire (sans chef ni recours à une main d’oeuvre locale exploitée). Très vite et contre toute attente, le succès de cette ferme coopérative d’un genre nouveau (mise en commun de la production, de la consommation et des décisions) en appela d’autres : de 7 kibboutz en 1920, puis 145 à la veille de la création de l’Etat d’Israël en 1947[4], on arrive à 268 aujourd’hui[5].

Carte des kibboutz en Israel fournie par le Central Bureau of Statistics (2000)

Le déclin d’un modèle

A Degania, comme pour nombre de kibboutz, la vente de produits agricoles à faible valeur ajoutée ne permet plus aujourd’hui d’assurer la subsistance des membres de la communauté, elle a donc été abandonnée (pisciculture, fruits, légumes, ruches, vignes). En mars 2007[6], 85% des 330 adultes décident de récompenser ceux qui travaillent et de n’accorder que le minimum à ceux qui ne font rien, renversant ainsi le dogme : De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. Le versement de salaires individualisés, autrefois inconnu, est désormais devenu la règle (190 kibboutz sur 270)[7]. On assiste ainsi progressivement à une stratification sociale de plus en plus marquée[8].

Car Degania ne fait pas exception aux vagues de privatisations submergeant les kibboutz dans les années 70 voire avant : logements achetés par leurs occupants (avec l’apparition de clôtures et haies), introduction du salariat, développement de l’actionnariat dans les entreprises, fin de la démocratie directe remplacée par l’élection de conseils décisionnaires, réduction drastique des activités politiques, sociales et culturelles, remplacement des réfectoires par des cafétérias payantes, etc. Le kibboutz s’apparente chaque jour davantage aux « gated communities » et les réunions annuelles à des rassemblements d’actionnaires[2].  Depuis longtemps tiraillés entre volonté de préserver une structure horizontale et la complexité croissante de l’économie entraînant la mise en place de hiérarchies pyramidales, les communautés assistent souvent à l’affranchissement d’une classe de dirigeants et spécialistes. La démocratie directe se sclérose alors, leaders d’opinion et groupes de pression s’accaparant la parole sur fond d’absentéisme[8].

Ayant dit le funeste destin des kibboutz aujourd’hui, revenons un instant sur ce qui fit leur originalité et leur force, permettant à des communautés, majoritairement incultes en matière d’agriculture de s’implanter durablement sur des terres souvent arides et peu fertiles.

Une société sans argent pour une égalité parfaite

Au kibboutz, on mange au réfectoire « gratuitement », on ne reçoit pas de salaire, on ne paie pas de loyer, chacun reçoit des vêtements (pratique des débuts rapidement abandonnée). Aucune monnaie n’est donc utilisée à l’intérieur du kibboutz en dehors d’une petite allocation distribuée à chacun pour voyager ou faire des excursions hors du kibboutz.

La démocratie directe au cœur de la vie communautaire

D’abord fondée sur d’intenses contacts personnels tout au long de la journée dans des communautés très homogènes, la démocratie directe repose désormais plus spécifiquement sur l’assemblée générale en tant qu’organe de discussion et de décision (voir ici pour les outils de la prise de décision). Elle se tient chaque semaine, souvent dans la salle à manger commune. Elle entérine après échanges, les propositions des divers comités élus par elle pour une période de deux ans. On y vote à bulletin secret. Les centralisateurs (responsables des comités) sont les seuls à bénéficier de journées de travail pour effectuer leurs tâches. Les autres membres, doivent les assurer en surplus[8].

On y décide de toute l’organisation de la vie courante, du travail, de la consommation commune. On y supervise la création et la gestion des lieux de vie en commun : cafétéria, piscine, salles de sport, de spectacle, bibliothèques, etc.

Autogestion de la production

Dans les industries tout comme dans l’agriculture, des coordinateurs sont élus par l’assemblée générale : initialement à temps partiel dans la majorité des cas. Ces administrateurs assurent la coordination mais en aucun cas le contrôle des ouvriers et du travail en cours. Les conflits sont gérés par le groupe de travail. Aucun licenciement ne peut se faire sans l’aval de la communauté. Le contremaître n’a pas en charge la discipline, il indique à l’ouvrier ce qu’il peut faire et non ce qu’il doit faire. La plus grande autonomie est conservée, permettant à chacun de circuler librement et éventuellement de vaquer à ses occupations. Dans le modèle « pur » prévalent la variété des tâches, l’absence de spécialisation (manuelles, intellectuelles), la multiplicité des occupations (charges administratives à temps partiel) et la rotation des postes (on peut travailler quelques mois à la cuisine, puis à l’étable, etc.).

Si quelqu’un faisait preuve de paresse, nous cesserions de l’aimer dit un membre de Degania dans les années 20 [3]. « L’élan » donné par un mouvement utopique en train de se construire explique sans doute une partie de la motivation des travailleurs qui semble s’être quelque peu essoufflée aujourd’hui.

Innovation et coopération

L’industrie (comprenant la transformation des produits agricoles) et les services occupent désormais 85% des travailleurs des kibboutz bien qu’on puisse le déplorer car en entrant dans le vaste jeu de la concurrence nationale et internationale, les kibboutz ont souvent perdu leur âme. Avec la recherche et grâce aux facilités de financement  du crédit coopératif entre kibboutz ou à la centralisation des demandes auprès d’une banque principale, beaucoup de ces entreprises sont parvenues à des positions dominantes dans des domaines spécialisés[8]. L’industrie favorise alors le recrutement de salariés extérieurs au kibboutz, pratique largement proscrite dans les débuts. La « réussite économique » est ainsi manifeste même si ces chiffres cachent une grande disparité et se fait au détriment de l’éthique kibboutzique : l’ensemble des kibboutz soit 2,9% de la population[9], fournit 34% de la production agricoles et 9% pour l’industrie[10].

Propriété collective

Il n’existe pas de propriété privée en dehors des biens mobiliers donnés ou acquis. Les terres sont la propriété d’un fonds qui les concède au kibboutz de même que les biens immobiliers [7].

La taille moyenne d’un kibboutz est d’environ 500 ha en 1979[8] et l’ensemble des kibboutz possède alors 10% des terres de l’Etat d’Israël [7].

Une taille modeste

En 1920 Degenia se scinda en deux pour limiter la taille des communautés et la conserver en deçà de la taille critique.

Dans les industries qui ne tardèrent pas à émerger, tout comme aux champs, des groupes de 6 à 12 membres travaillent côte à côte et constituent des unités autonomes.  Les unités de production industrielles ne dépassent que rarement 100 personnes [3].

L’ordre sans la loi

La cohésion sociale (pouvant devenir pression sociale), l’intimité entre membres, l’adhésion volontaire et la confiance sont les forces régulatrices du groupe. Les interactions en face à face plutôt que les règlements édictés permettent de gérer les conflits et plus généralement le quotidien dans une absence de criminalité ou de violence souvent observée dans des communautés allant jusqu’à 1000 personnes. On dénombre par ailleurs de très faibles taux de suicide, maladie mentale, délinquance juvénile, toxicomanie, du fait du sentiment d’appartenance à un collectif et des mécanismes de coopération mis en oeuvre. La faiblesse de ces phénomènes témoigne d’un bien-être social trouvant peu d’équivalent dans la société industrielle moderne [3].

L’éducation au cœur d’une utopie

Les enfants doivent constituer leur propre communauté. On limite donc autant que possible les « sentiments égoïstes » en minimisant la relation exclusive parent / enfant au profit d’institutions communes (pouponnière puis maison des enfants, etc.). Des groupes d’environ 16 enfants vont ainsi de la maternelle au lycée ensemble, vivant comme dans un internat démocratique (en décidant leurs règles de vie) avec la visite épisodique de leurs parents. Ces pratiques radicales furent critiqués et souvent abandonnées ou assouplies après qu’on eut remarqué les conséquences psychiques délétères chez les enfants exposés à cet éloignement familial [3].

Les études ne sont sanctionnées ni par des examens ni par des notes. L’histoire et l’idéologie du kibboutz tiennent une grande place dans la formation. On articule étroitement formation intellectuelle et manuelle et les enfants participent rapidement aux travaux des adultes ou à des travaux similaires dans leur propre communauté d’enfants [7].

Des communautés organisées en réseaux

Plusieurs fédérations regroupent les kibboutz et aident à coordonner leurs actions. Des écoles, installations de santé, coopératives de matériels sont créés grâce à l’union de plusieurs kibboutz qui ne peuvent pas offrir seuls ces installations à leurs membres [7].

Communauté ou gestion de la vie en commun

On le voit, les options que l’on pourrait qualifier de radicales mises en place au sein des kibboutz sur une assez vaste échelle nous livrent un témoignage précieux : celui des succès et des limites[11] de la vie en communauté au sein de la société israélienne.

Toute la question est donc de savoir si cette expérience égalitaire est un bloc ou si on peut envisager une vie fondée sur la démocratie directe en dehors d’une vie communautaire totale comme celle des premières kibboutz (ou de résurgences plus récentes comme par exemple à Samar[12]). Comment créer la confiance, l’envie de coopérer nécessaires à une société réellement démocratique ? Jusqu’où est-il nécessaire de collectiviser la vie d’un groupe, où mettre la frontière entre l’intime et le public, l’individu et la société ?

De toute évidence la disparition des espaces communs capables d’impulser une dynamique collective sont regrettables. Ainsi en France, des terres continuent d’appartenir collectivement aux habitants des communes concernées. Ces parcelles subsistant sous l’appellation méconnue de « biens sectionaux des communes » représentent pour un département comme la Lozère 71000 ha[13]. Ces terres subsistants aux frontières de « l’ultra-ruralité », bien que de peu de poids et d’ailleurs totalement ignorées, pourraient-elles pourtant participer à une reconquête démocratique ?
Ainsi, en va-t-il de l’affouage, un droit et une pratique ancienne permettant aux habitants des 10000 communes concernées de prélever du bois de chauffage selon des modalités définies sur le terrain. Cette pratique conviviale, locale donc écologique, à l’opposé de l’industrialisation des forêts concernerait encore 500000 foyers. Un point de départ pour « réinventer d’autre imaginaires énergétiques? » [14].


[1] Ce texte a été écrit par Philon d'Alexandrie et cité dans « Vivre au kibboutz » par David Catarivas. 
[2] A l’époque sous le contrôle de la Turquie. Le protectorat Britannique débute en 1920 et prend fin avec la création de l’Etat d’Israël en 1948. En 1917, la déclaration de Lord Balfour, ministre des affaires étrangères britannique, encourageait déjà les Juifs à s’établir en Palestine pour y créer un foyer national juif. 
[3] Le mouvement des Kibboutz et l’anarchie : une révolution vivante par James Horrox (2018) 
[4] soit 7.5% de la population juive et 54 000 personnes 
[5] Avrahami, 1998 cité par Youval ACHOUCH & Yoann MORVAN dans « Les utopies sionistes, des idéaux piégés par une histoire tourmentée : kibboutz et villes de développement en Israël ». 2013 
[6] Journal Le Telegramme 16/07/2007 
[7] Kibbutz Industries Association (kia.co.il) 
[8] Le Kibboutz collection « Que sais-je » par  Eliezer Ben-Rafael, Maurice Konopnicki, Placide Rambaud (1983) 
[9] Between Market, State, and Kibbutz par Christopher Warhurst 1999 
[10] Kibbutz Industries Association (kia.co.il) 
[11] Rappelons que les kibboutz ont largement participé à l’émergence du nationalisme Israélien, participant aux différentes guerres et actions d’expansion territoriale. Ainsi entre 1947 et 1949 un demi-million d’Arabes sont chassés ou fuient les territoires contrôlés par Israël. Un contingent non négligeable de militaires y compris dans l’encadrement sont issus des kibboutz (Moshe Dayan, le premier bébé de Degania devint chef d’Etat-major de l’armée israélienne et architecte de la « victoire » lors de la guerre de 1967 en tant que ministre de la défense). Cité par James Horrox.  Autre échec : l’intégration des immigrés à partir des années 50, dont un fort contingent venait d’Afrique du nord et du Moyen Orient.
[12] A Samar, Oasis fondé en 1976 dans le désert du Néguev, environ 200 personne continuent de pratiquer les usages originels : aucun comité, budget ou règle formelle, pas d’obligation de travailler et une totale liberté dans le choix du travail et ses modalités, pas de listes de corvées, pas de compte de banque personnel mais une bourse où chacun peut puiser, des assemblées générales non codifiées. Et ça marche, malgré les difficultés (organiser le travail notamment), le kibboutz s’épanouit.
[13] Le rapport Lemoine (1999 et 2003) fait état de 26 000 sections de communes dont seules 200 seraient gérées par une commission syndicale. Elles sont couvertes de forêt pour 65% de la surface et de pâturages pour 21%. La surface cumulée semble inconnue en raison des réponses incomplètes des départements à l’enquête, toutefois, la Lozère, département qui semble en compter la plus grande étendue fait état d’un total 71000 ha.
[14] La Décroissance. Février 2020  

Plaidoyer pour l’Autogouvernement

Est-il possible de formuler positivement l’idée de Démocratie Directe ou doit-on se cantonner à une critique de la Démocratie Représentative ? A défaut de pouvoir dire à coup sûr « comment » mettre en oeuvre un Autogouvernement, peut-on au moins dire « pourquoi » une telle forme démocratique est souhaitable ?

Une apparence de démocratie, une réalité oligarchique

Nous vivons dans une démocratie représentative qu’il serait plus juste d’appeler délégataire dans laquelle le mandat impératif est interdit par la Constitution[1]. Nous nous contentons donc de glisser un bulletin de vote dans l’urne. Avec ce chèque en blanc, nos élus décident de tout mais ne rendent aucun compte. Cette vision claire de ce qu’est la démocratie représentative n’avait d’ailleurs par échappé aux pères fondateurs des révolutions américaines ou françaises qui y voyaient un moyen pour l’élite d’exercer en fait, au nom du peuple, le pouvoir qu’elle est obligée de lui reconnaître mais que le peuple ne saurait exercer sans ruiner le principe même du gouvernement[2].

Nous vivons donc dans une apparence de démocratie. « L’idée selon laquelle nous ne sommes pas en démocratie n’implique pas que nous serions en régime totalitaire, dictatorial, ou tyrannique – cela signifie simplement qu’il faut refuser de nous laisser enfermer dans l’alternative démocratie ou totalitarisme et qu’il faut donc mobiliser un troisième concept (intermédiaire) qui permet de caractériser nos régimes politiques comme étant  oligarchiques. »[3]

Un président élu après avoir été choisi au premier tour par seulement 18,19% des électeurs inscrits peut-il être le président de tous les Français ? Un taux d’abstention dépassant dans beaucoup de scrutins 50% des inscrits, fait-il de nos élus des représentants légitimes ou seulement légaux ? L’Assemblée nationale composée de 70% de cadres (18% dans la population française), le Sénat de 28% de femmes sont-ils réellement des organes démocratiques ?

La racine du pouvoir des oligarques est leur prétention à être plus compétents que le peuple alors que la démocratie repose sur le fait que nous sommes égaux en capacité de jugement face aux enjeux majeurs. Cette professionnalisation des élus les conduit à prendre des décisions court-terme. Les solutions qui privilégient le long terme (environnement, souveraineté alimentaire, etc.) sont de peu de poids face à leurs préoccupations personnelles de plaire à leurs électeurs pour leur future réélection.

Dénis de démocratie

Souvenons-nous du Traité Constitutionnel Européen adopté sous une autre forme par le Parlement français à plus de 75 % en 2008, alors qu’il avait été rejeté par 56 % des français·es par référendum en 2005.

Gardons en mémoire les négociations secrètes, dont même les parlementaires furent exclus, menées par la commission européenne sur le TAFTA et le CETA sur la base d’arguments fallacieux.

Enfin, songeons qu’en France, deuxième producteur d’électricité nucléaire au monde, aucune consultation citoyenne n’a jamais été menée sur le sujet. Nous connaissons pourtant tous les conséquences dramatiques d’un accident sur la vie de millions de citoyens · nes pendant des centaines d’années.

Des mécanismes de Démocratie Directe existent, tel le Référendum d’Initiative Partagée (adopté en 2008), mais les 4,7 millions de signatures, le délai des près d’une année, la double validation du Conseil Constitutionnel qui sont nécessaires à sa mise en oeuvre, le rendent totalement inopérant dans les faits. De toute façon, le référendum peut être considéré comme un leurre démocratique. C’est l’art de répondre par oui ou par non à une autre question que la question généralement mal posée, une question qui pourrait mériter une autre réponse que ce manichéisme, réponse qui pourrait être amendée. Le peuple doit dire oui ou non puis se taire. Le « oui » plébiscite souvent celui qui a posé la question. Le « non » peut aussi ne pas répondre à la question mais viser à se débarrasser du questionneur, comme cela a été le cas pour Charles de Gaulle en 1969[4].

En définitive, Hervé Kempf porte un constat lucide sur les illusions politique des pays occidentaux : la première consiste à se croire en démocratie quand on glisse vers le régime oligarchique, la seconde est de considérer l’économie comme l’objet presque exclusif de la politique. [5]

Des évolutions sont-elles la solution ?

Les solutions habituellement invoquées pour revigorer nos démocraties oligarchiques[6] semblent toutes frappées au coin de l’illusion, voire de la naïveté : plus de participation citoyenne (pour mémoire le budget participatif parisien représente 5% de l’enveloppe globale, et encore des doutes existent quant à la réalité du dispositif), tirage aux sort d’une partie du parlement, suffrage proportionnel, non-cumul des mandats, réécriture participative de la Constitution (voir cet article sur la Constitution), consultations / co-production citoyennes en tous genres (DemocracyOS) et toute une flopée d’autres demi-mesures molles.

L’Autogouvernement comme seul moyen pour l’homme d’être libre et digne

Le texte qui suit, est issu de fragments recomposés, remaniés et purgées de ses références par trop datées, d’un ouvrage de Victor Considerant : La solution ou Le gouvernement direct du peuple, paru en 1851. Formidable propagandiste de ce qui ne s’appelait pas encore la Démocratie Directe, ce disciple de Charles Fourrier s’avéra, paradoxalement,  un exécrable maître d’oeuvre du concept d’Autogouvernement (voir l’échec cuisant de la colonie de La Réunion au Texas)[7].

Laissons en tous cas parler la plume de ce grand utopiste, dont les écrits continuent d’illuminer, plus de 150 ans ans après leur parution, l’horizon politique d’un XXIème siècle assombri.

De la naissance de la civilisation et de sa trajectoire inéluctable vers la Démocratie Directe

Au début de tout, l’humanité n’existe encore que dans ses éléments rudimentaires. Ils sont dissidents avec eux-mêmes. Divisées, les tribus ou les hordes se font la guerre. Les Etats se forment. Le travailleur, protégé par le glaive du guerrier a bientôt trouvé en celui-ci son maître. L’hérédité incarne dans des castes les usurpations de la force. L’aristocratie et la monarchie grandissent, tandis que l’intelligence ambitieuse, se saisissant de la notion de Dieu, lui a prêté des formes redoutables, une puissance mystérieuse et terrible dont elle s’est constituée ministre. C’est la théocratie. Elle luttera avec l’aristocratie et la monarchie quand elle se croira de force à les dominer ou bien elle se liguera avec elles pour partager les profits d’une exploitation commune. La Force et l’Astuce sont régulièrement substituées au Droit, au gouvernement primitif, à la Volonté Collective.

Entre temps les Industrie des nations se développent, la science surgit ; l’Industrie et le Travail deviennent des puissances, la notion du droit naturel se fait jour dans les masses ; et, à mesure qu’elles s’éclairent, celles-ci sentent mieux le joug. La Justice, la Liberté, le Droit suscitent des poètes qui les chantent, des philosophes qui les prouvent, des verbes qui les propagent, des martyrs qui les sanctifient. Le sentiment démocratique grandit, combat, triomphe: Il s’est formulé par la négation des autorités de race et de droit divin, des aristocraties, des monarchies, des théocraties. Il a proclamé son principe : Le gouvernement du Peuple par lui-même.

Ainsi, autrefois, l’intelligence du Peuple n’était pas éveillée, ne fonctionnait pas. Le Peuple n’avait que des besoins. Il était comme l’animal, et le gouvernement, son maître, était chargé de pourvoir à ses besoins et de penser pour lui. Investi maintenant de son autonomie, le Peuple devient Etre intelligent, libre, responsable. Il se charge de lui-même. Il voit les difficultés face à face, et s’il ne les peut résoudre eu un clin d’oeil, il ne saurait plus du moins s’en prendre à personne.

Quand la pyramide politique repose sur la nation, elle est carrément assise sur sa base et non plus en équilibre artificiellement sur sa pointe. La stabilité est garantie. Premier point capital.

Le Peuple ayant à résoudre lui-même la question qu’il pose, ne peut plus exiger d’autrui une solution immédiate, impossible dans l’état des idées et des choses par la contradiction même de ces idées et de ces choses. Deuxième point capital.

La démocratie c’est-à-dire le gouvernement universel du peuple par lui-même (et non l’oligarchie, l’aristocratie ou la monarchie) a pour elle, la force du droit et le nombre. Il suffit qu’elle cesse d’être divisée avec elle-même, qu’elle réalise sa propre union et le droit moderne est établi, le dogme passe en acte, la révolution politique est close, et l’humanité fait enfin elle-même sa destinée.

Un peuple libre donc autonome

Je vous le dis en vérité, ôtez-moi cette compétition du Pouvoir qui arme fatalement les idées et en fait des Partis; donnez-moi la liberté, que la souveraineté nationale réalise nécessairement, chacun la voulant pour soi-même : à ces deux conditions, je vous garantis la prompte solution de toute difficulté se posant à la société. Lorsque le problème est posé dans le Peuple vivant, les esprits travaillent, les idées s’élaborent par la discussion, s’incarnent dans de libres expériences. Et c’est ainsi que le progrès sérieux se fait dans l’humanité.

La liberté, c’est ce qui fait l’homme. L’esclave qui accepte sa condition d’esclave n’est pas un homme. Ce n’est encore qu’une bête de somme à deux pieds. L’homme n’est pas fait pour avoir un maître ou des maîtres. L’homme ne doit pas obéir. S’il pouvait y avoir des raisons essentielles pour que Pierre obéît à Paul, il y en aurait autant pour que Paul obéît à Pierre ; ou bien Paul et Pierre ne seraient pas de la même espèce. Et jusqu’ici les masses humaines, les peuples, ont eu des maîtres ; rois, empereurs, législateurs, représentants…, des maîtres, toujours des maîtres sous diverses dénominations et apparences. Les peuples ne seront libres que quand ils n’auront de maîtres sous aucune forme.

Ainsi, la Souveraineté c’est la liberté, la liberté pleine, la liberté à chaque instant, la liberté toujours. Est-ce que la volonté de ceux d’aujourd’hui est enchainée par la volonté des électeurs d’hier, de l’année dernière, du siècle dernier? Où est le droit des morts sur les vivants? Qui a le droit, d’ailleurs d’interdire à la nation d’avoir aujourd’hui d’autres opinions, d’autres préjugés, d’autres caprices, si vous voulez, qu’hier? Voyons ! Qu’on me montre donc quelque part un droit primant la volonté actuelle, toujours actuelle de la nation!

Libre, la Nation est responsable. Aussi, une mauvaise loi, sortie de la volonté nationale, vaut-elle mieux qu’une bonne loi décrétée par un gouvernement extérieur à cette volonté, contre cette volonté. Car la Nation voyant sa loi en oeuvre, la juge, la rappelle et la corrige.

Ce n’est pas dans l’esclavage que l’esclave acquiert le don de se servir dignement de la liberté. Pour qu’il apprenne à se servir dignement de sa liberté, il faut d’abord qu’on la lui donne… ou qu’il la prenne.

Ainsi, un peuple que l’on gouverne reste stérile pendant des siècles. Un peuple qui se gouverne fera en peu d’années l’éducation de sa liberté et de son intelligence.

La Souveraineté du Peuple, cela signifie la volonté libre, absolument libre, absolument indépendante, l’autonomie, l’autocratie du Peuple, le Peuple n’obéissant qu’à lui-même, autrement dit, n’obéissant pas, faisant sa propre volonté.

Tromperies de la Démocratie Représentative

L’escroquerie de la Souveraineté du Peuple s’appelle la DELEGATION. Il faut toujours, pour satisfaire les hommes de pouvoir, que la Souveraineté du Peuple se suicide par DELEGATION en faveur de l’objet de leur choix. C’est à cette condition qu’ils consentent à la reconnaître.

L’aliénation de sa liberté par le peuple, fût-elle faite en bonne forme, est nulle de plein droit. La DELEGATION est une impudente moquerie, un attentat honteux et déguisé sur la Souveraineté du Peuple, c’est-à-dire sa négation plus une hypocrisie.

La Souveraineté qui se soumet à quoi que ce soit d’extérieur à elle-même, c’est contradictoire, c’est comme un cercle carré, une sphère pyramidale. Si le Peuple délègue sa Souveraineté, il l’ABDDIQUE. La démocratie ne peut donc vouloir de la DÉLÉGATION sous aucune forme. Ce serait vouloir en même temps deux contraires.

De même, si le Peuple peut DÉLÉGUER sa Souveraineté, l’exercice de sa Souveraineté (en fait, c’est tout un), c’est-à-dire l’abdiquer pour un an, pour deux ans, pour trois ans, pourquoi pas pour dix, pourquoi pas pour un avenir indéfini ? Et je vais vous dire tout de suite une chose : c’est qu’un Peuple qui tient sa souveraineté et qui l’abdique, ne fût-ce que pour un an, est pris. On lui fait bien vite une Constitution, des lois de circonstances, des organes légaux de sa Souveraineté, c’est-à-dire des chaînes et des gens pour les tenir. La Souveraineté réside dans l’universalité des citoyens et nulle fraction du Peuple ne peut, sans forfaiture, s’en attribuer l’exercice.

Ainsi, ceux qui ont en main la confection de la loi, la confection de la loi avec laquelle on rend légale à volonté la suppression de toutes les libertés publiques, avec laquelle on fait tout ce que l’on veut; qui disposent de la force armée; qui nomment à tous les emplois; qui décident souverainement de l’impôt, de la paix, de la guerre, de tout enfin… Ceux-là, certes, sont LE Souverain! Et je voudrais savoir ce que le plus absolu des despotes leur pourrait envier? Ils ont, outre le pouvoir absolu, arbitraire, despotique, un air de légalité et un manteau de droit national, qui semblent rendre leur pouvoir absolu sur le Peuple parfaitement raisonnable et légitime.

Avec l’élection, la Souveraineté s’exerce ce jour-là pendant le temps nécessaire pour faire tomber un morceau de papier dans une boîte. Cela fait, elle ira dormir jusqu’à ce qu’on vienne la réveiller, à moins, toutefois que, pendant son sommeil, on ne l’étrangle; mais ne prévoyons pas ce pénible accident. Le peuple donc, aux jours d’élection, marche aux boîtes électorales. Il y dépose son vote, et voilà sa Souveraineté dans des tirelires dont il n’a plus la clef. Le voilà remis sous le joug. Ce souverain dépend d’une volonté extérieure à la sienne. Les partis n’ont plus désormais qu’à faire jouer leurs influences. On leur a rendu leur forme, leur instrument. On a refait et remis au Peuple une bride. Il n’y a plus qu’à s’en saisir, c’est-à-dire à s’emparer de la majorité. C’est bientôt fait. Le dos du Peuple a retrouvé un cavalier éperonné et tenant cravache. Et marche Populus ! Marche donc, tu es souverain !

Le Peuple universel est le seul pouvoir, le seul Souverain, par conséquent le seul législateur universel. Il est temps d’en finir avec les Révolutions, c’est-à-dire avec les gouvernements d’usurpation, avec les dynasties, avec les partis. Cela ne se peut qu’en submergeant les partis dans la nation. La volonté collective du Peuple est la seule loi que le Peuple puisse tenir pour légitime et reconnaître. Et ce n’est pas comme gouvernement de révolution, mais comme membres du Peuple nous-mêmes, de notre propre droit d’hommes et de citoyens français que nous proclamons ces grands principes. Le Peuple universel est le législateur naturel du Peuple, chaque citoyen a le droit de n’en pas reconnaître d’autre. Tel est le dogme moderne du droit politique, l’esprit vivant de la société nouvelle.

C’est parce que c’est impossible que nous le feront

La Démocratie Directe, cela est beaucoup trop simple, beaucoup trop facile, pour ne pas paraître tout d’abord monstrueux, absurde, impossible et souverainement extravagant à tous les hommes d’Etat et à toutes les fortes têtes politiques. Moi-même, hélas! en ma qualité de tête pensante, n’en ai-je pas été scandalisé tout le premier, et n’ai-je pas répondu à la proposition par un sublime sourire, accompagné d’un fort significatif « laissez donc ! » Ces arguments vainqueurs, bien d’autres que moi les feront, et on ne s’en tiendra pas là.

Je pourrais me contenter de répondre que j’en suis désolé, mais que c’est une chose nécessaire. Et cette réponse suffirait. L’impossibilité, en effet, n’a jamais rien empêché. Qu’on me cite un progrès accompli, petit ou grand, qui n’ait, en son temps, été déclaré impossible par les hommes sages, c’est-à-dire par les Burgraves de l’époque. L’histoire des progrès de l’humanité n’est qu’un immense tissu d’impossibilités réalisées.

Et pourtant, le rôle législatif et gouvernemental paraît tellement chargé, qu’il est, j’en conviens, assez naturel de nier, au premier abord, que le Peuple s’en puisse tirer lui-même. Qu’il me soit permis de reproduire une observation déjà faite, c’est que la Souveraineté réelle du Peuple par cela même qu’elle termine la révolution politique moderne, supprime les neuf dixièmes des travaux où s’absorbent depuis toujours nos assemblées législatives.

Les neuf dixièmes du temps de ces assemblées étaient employés, en effet, en fabrication de lois réglementaires, compressives ou répressives, dont la compétition des partis et l’ébullition révolutionnaire fournissaient l’éternel sujet ou l’éternel prétexte. Tout cela disparaît. Ce travail de Danaïdes est clos par la proclamation pure et simple des libertés que les gouvernements extérieure à la nation lui ont disputées depuis tant d’années.

Sous ce rapport, la tâche est donc singulièrement simplifiée. J’ai montré d’ailleurs que la spontanéité des individus, des opinions des écoles, se chargerait naturellement et nécessairement, en dehors de la voie législative, par le fait même de l’avènement de la liberté, de la plus grande partit du travail de la réforme sociale proprement dite. Tout le travail se fera, non pas en un jour sans doute, mais cela se fera promptement, beaucoup plus promptement par le Peuple universel que par nos assemblées législatives. Pourquoi? Pour une raison bien simple. Parce que nos assemblées discutant phrase par phrase, mot par mot, les libellés des lois, ces discussions et les combats des amendements et sous-amendements, qui se livrent sur le champ parlementaire où les principes contradictoires se disputent pied à pied le terrain, renaissant sans cesse sous toutes les formes imaginables, promènent dans des méandres infinis la confection des lois et n’en font sortir, très lentement, que des textes confus, compliqués, équivoques, souvent contradictoires et généralement détestables. D’où suit que quand un travail est censé fini, c’est bientôt un travail à recommencer tels ces écureuils dans leur roue.

La seule organisation possible d’un peuple majeur

Le Peuple est majeur. Blancs, bleus ou rouges, il ne souffrira plus de tuteurs. Voilà ce qu’il faut comprendre et ce dont tous les démocrates doivent se réjouir. Quand les masses étaient indifférentes, passives, inertes, elles étaient gouvernables par en haut. C’était le beau temps des monarchies, des théocraties, des aristocraties. Quand les masses pensent, quand elles sont devenues actives, spontanées, quand elles ont des opinions, des volontés, des passions, elles sont alors des forces vives, libres, autonomes, elles ne peuvent plus se subordonner, obéir, dépendre. C’est leur avènement. La loi dès lors ne peut plus être autre chose que l’expression même de leur pensée, de leur intérêt, de leur volonté collective. Or, ceci, c’est précisément la DÉMOCRATIE. Une fois l’évolution politique accomplie par la réalisation pleine, absolue, du droit démocratique ; l’immense et formidable question révolutionnaire du pouvoir vidée ; les haines intestines, les luttes furieuses, les inextricables difficultés, les complications de tout genre qui lui sont propres taries dans leur source ; alors, la Liberté, la Spontanéité de l’Esprit humain parviendront, en même temps que la Souveraineté du Peuple, à leur glorieux avènement.


[1] Démocratie ? idées reçues et proposition. Editions Utopia. 2018.  
[2] La haine de la démocratie par J. Rancière Editions La Fabrique 2005.
[3] Manuel Cervera-Marzal
[4] Démocratie ? idées reçues et proposition. Editions Utopia. 2018.
[5] Hervé Kempf
[6] prônées notamment par le mouvement Utopia, à l’origine de la publication déjà citée « Démocratie ? idées reçues et proposition ». Ainsi, toute la première partie de cet ouvrage résume bien ce que l’on sait sur les maux de la démocratie représentative. Les solutions proposées dans la 2ème partie en revanche font assaut de tiédeur.
[7] Une nouvelle leçon à méditer sur ce que l’on peut attendre d’un leader charismatique...